Analyse économique

Baisse du Livret A : le Scandale d’État Français !

Le Livret A, pilier de l’épargne française, cache des mécanismes défavorables face à l’inflation. Découvrez son histoire, ses enjeux économiques, et comment l’État en profite au détriment des épargnants. Transparence et alternatives sont essentielles.

Le Livret A semble parfois intouchable, tant il est ancré dans notre histoire financière et sociale depuis plus de deux siècles. Pourtant, au fil des ans, son taux s’est transformé en variable d’ajustement au service des intérêts du Trésor et de certains lobbies. 

Aujourd’hui, la Banque de France plaide pour une baisse du rendement à 2,4 % 

quand la Caisse des Dépôts évoquait un 2,5 %… 

et le grand public, lui, peine à comprendre pourquoi un tel décalage se prépare alors que l’inflation reste suffisamment élevée pour rogner en silence le pouvoir d’achat de chacun.

Cependant, cette évolution soulève de nombreuses interrogations sur la véritable finalité de ce dispositif et son impact sur l’épargne des Français. 

Comment en est-on arrivé à ce décalage entre rendement et inflation ? 

Quelles sont les répercussions concrètes pour les ménages et l’économie nationale ? 

Les enjeux historiques du Livret A

Avant de plonger dans les détails de cette mécanique parfaitement huilée, il est utile de rappeler à quel point le Livret A incarne une figure emblématique de l’épargne française et comment il s’est mué en formidable outil de financement pour l’État.

Historiquement, la création du « Livret des caisses d’épargne et de prévoyance », devenu le Livret A, répondait à un besoin pressant de confiance et de protection pour les particuliers, au sortir des guerres napoléoniennes. 

À l’époque, l’État était fortement endetté, et cette nouvelle épargne a constitué une voie idéale pour attirer l’argent des Français, tout en préservant leur sentiment de sécurité. Il suffisait de proposer une garantie étatique, conjuguée à des avantages fiscaux (pas d’impôt sur le revenu ni de prélèvements sociaux), et le tour était joué. 

Deux siècles plus tard, la formule est restée très similaire : l’argent placé est sûr, disponible à tout moment, défiscalisé, et dans l’imaginaire collectif, le Livret A demeure le placement de « bon père de famille » par excellence.

Bien sûr, cette attractivité ne s’est jamais démentie. Chaque année, la Banque de France publie des statistiques confirmant l’engouement massif : plus de 55 millions de livrets, d’immenses volumes d’encours qui dépassent depuis quelque temps les 387 milliards d’euros, et des flux particulièrement dynamiques en période de crise ou d’incertitude.

Pourtant, derrière la vitrine d’une rémunération « protégée » par l’État, se cache un mécanisme particulièrement avantageux pour les pouvoirs publics. Non seulement le Trésor a la main sur le taux de ce livret, mais il peut aussi réorienter une partie du capital collecté vers le financement des organismes de logement social, de la dette publique, ou encore de prêts à très long terme.

Tout cela resterait somme toute acceptable si le taux de ce livret suivait réellement la hausse des prix. Or, c’est bien là que le bât blesse.

Depuis plusieurs années, et plus encore depuis la réforme menée par Bruno Le Maire en 2018 (entrée en vigueur en février 2020), le mode de calcul officiel est devenu de plus en plus défavorable aux épargnants. 

Dans le schéma antérieur, le Livret A devait en principe au moins égaler le taux d’inflation augmenté de 0,25 point. 

À titre d’exemple, avec une inflation à 2 %, la rémunération minimum aurait été 2,25 %. Désormais, ce supplément systématique a quasiment disparu. La formule inclut un taux interbancaire à très court terme (l’€STER, anciennement l’EONIA) dont le taux est particulièrement bas, ce qui rabaisse mécaniquement le résultat global. 

Pire, le nouveau calcul impose un décalage temporel : les chiffres d’inflation retenus étant ceux d’une moyenne semestrielle, les revalorisations arrivent toujours trop tard. Ainsi, dans un contexte inflationniste où l’Indice des prix à la consommation (IPC) bondit en quelques mois, le Livret A, lui, reste collé à une révision bi-annuelle qui ne rattrape jamais la hausse effective des prix.

Cette situation s’est nettement aggravée avec la flambée inflationniste liée à la crise de l’énergie, aux perturbations sur les chaînes d’approvisionnement et aux conséquences durables de la pandémie. 

À la fin de l’année 2022, alors que l’INSEE estimait une inflation moyenne annuelle autour de 5,5 %, 

le rendement moyen réel du Livret A n’atteignait qu’environ 1,375 %, en tenant compte du fait que de février à juillet, le taux n’était qu’à 1 %, puis remonté à 2 % au 1ᵉʳ août. 

La perte sèche pour l’épargnant approchait donc les 4 % ! 

Sur un plafond de 22.950 euros, c’est plus de 900 euros de pouvoir d’achat qui s’envolent, et encore plus pour les associations au plafond supérieur. 

C’est déjà considérable, mais la tendance ne s’est pas inversée en 2023-2024 : si le Livret A a finalement été porté à 3 % au 1ᵉʳ février 2023, l’inflation restant nettement au-dessus de ce chiffre, l’érosion du capital continue.

Tout cela finit par ressembler à un habile tour de passe-passe pour assainir les comptes de l’État, financer des projets publics ou semi-publics, et ce au détriment d’une épargne populaire pourtant considérée comme prioritaire. 

L’histoire ne s’arrête pas là, car récemment, certains signaux laissent entrevoir un retour en arrière. 

Au-delà des chiffres, il y a une vraie logique politique : il s’agit de pousser les Français à aller chercher du rendement plus élevé dans d’autres produits, souvent plus risqués, et donc de ne plus « laisser dormir » leur argent sur le Livret A. 

De la bouche même de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, l’objectif est de faire en sorte que l’épargne finance d’autres secteurs plus « productifs ». 

On comprend aisément l’argument macroéconomique, mais c’est évidemment sidérant lorsqu’on réalise que la formule légale permettrait, ou même imposerait, un taux théoriquement supérieur.

Dans les coulisses de Bercy, de la Fédération bancaire française (FBF) et de la Caisse des Dépôts, les négociations et les lobbys sont discrets, mais répétés. Il s’agit d’obtenir de petits ajustements, mais qui, mis bout à bout, aboutissent à un écart massif quand on le rapporte aux centaines de milliards d’encours. 

Selon certaines estimations, le manque à gagner collectif pour les épargnants, compte tenu des écarts de taux accumulés depuis 2019-2020, se chiffrerait à plus de 70 milliards d’euros. 

Naturellement, cette somme colossale ne se volatilise pas : elle est tout simplement réaffectée sous forme d’économies pour l’État, de marges accrues pour la Caisse des Dépôts, et d’avantages de financement pour le secteur bancaire. 

Voilà donc comment le Livret A, censé être un bouclier protecteur de l’épargne populaire, se mue en levier de transfert, pour ne pas dire de spoliation, dès lors que l’inflation se réveille.

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Formule et détournements

Dans un monde idéal, la formule de calcul du Livret A suivrait fidèlement l’évolution des prix et offrirait un petit complément pour protéger intégralement l’épargnant contre l’inflation. 

Mais depuis plus d’une décennie, la fameuse règle officielle, initialement calée sur l’inflation + 0,25 point, a été triturée, puis remplacée.

Selon l’arrêté de 2009, il s’agissait de prendre la valeur la plus élevée entre deux formules, dont l’une incluait l’inflation sur douze mois plus 25 points de base. La Banque de France devait ensuite recommander le taux arrondi au quart de point le plus proche. 

Or, dès 2020, Bruno Le Maire et son équipe ont fait adopter une nouvelle formule, d’abord en catimini, puis via un arrêté en bonne et due forme. 

Résultat : la composante inflation se retrouve diluée par l’intégration de l’€STER (Euro Short Term Rate), ce taux interbancaire de court terme qui est souvent extrêmement bas, et l’arrondi systématique au quart de point « le plus proche » a été subtilement transformé en arrondi qui peut également se faire à la baisse pour coller à des objectifs de compétitivité.

Cette mécanique est diablement efficace dans un environnement où l’inflation est modérée, puisque la perte de pouvoir d’achat n’est pas flagrante. 

Mais dès que les prix s’emballent, l’épargnant constate brusquement un écart béant entre le taux de son Livret A et l’inflation réelle. Comme le précise l’INSEE, l’inflation est calculée en fonction d’un « panier moyen » de consommation, actualisé une fois par an. 

Déjà, ce mode de calcul tend à minimiser certaines hausses de prix, notamment quand les dépenses énergétiques (carburants, fioul, gaz…) explosent en milieu d’année, ou quand la structure de consommation des ménages change subitement en période de crise. 

Cet « effet retard » favorise l’État, dont beaucoup de dépenses et de revenus (dont la rémunération du Livret A) sont indexés sur l’IPC. 

Concrètement, plus l’inflation est sous-estimée, moins le Livret A doit être revalorisé, et plus l’écart entre la rémunération servie et la hausse réelle des prix grandit.

L’argument défendu par l’État consiste à dire qu’il ne serait pas sain pour l’économie que le Livret A soit trop élevé, car cela dissuaderait les ménages d’investir dans les entreprises, dans l’immobilier, dans les produits plus dynamiques, etc. 

Du côté des autorités monétaires, on considère qu’augmenter trop fortement le taux du Livret A viendrait amplifier la pression sur l’inflation, tout en offrant un refuge trop confortable et sans risque. 

Autrement dit, pour forcer les Français à réinjecter leur épargne dans des placements à risque, on rend sciemment leur livret réglementé peu rémunérateur. Au lieu d’un travail pédagogique pour montrer l’intérêt et les modalités d’une diversification, on pratique une forme de dissuasion par la spoliation, en maintenant le Livret A à un taux trop bas par rapport à l’inflation.

Les chiffres qui circulent autour de la perte cumulée pour les épargnants donnent le vertige. Sur la période 2019-2023, la différence entre le taux légalement calculé selon l’ancienne formule (en tenant compte de l’inflation réelle) et le taux effectivement appliqué oscille entre 1,5 et 3 points de pourcentage par an. 

Rapportée à un encours total dépassant souvent les 300 ou 350 milliards d’euros, cette différence peut se chiffrer en dizaines de milliards, dont l’usage est ensuite fléché vers la dette publique ou les grands organismes financiers. 

Inutile de dire que personne dans les hautes sphères de Bercy ne se précipite pour communiquer sur cet effet d’aubaine. Au contraire, chaque revalorisation du Livret A est présentée comme un « geste fort » ou un « coup de pouce », alors que dans le même temps, l’inflation fait des ravages au supermarché, à la pompe ou dans les factures d’énergie.

Pour couronner le tout, l’opacité règne sur les réunions de travail ayant abouti aux décisions récentes. Les arrêtés successifs de 2020 et de 2021 ont modifié le calcul, introduisant la notion d’une « possibilité de dérogation » immédiate. Les courriers, comptes-rendus ou documents officiels relatifs à ces échanges entre Bercy, la Banque de France et les lobbys bancaires ne sont pas disponibles, malgré les obligations légales de transparence. 

À l’automne 2022, certains économistes estimaient même que, pour suivre l’inflation moyenne, le taux aurait dû frôler les 5 ou 6 % (et même plus si l’on prend l’inflation hors bouclier sur l’énergie).

On comprend la panique des autorités face à un tel scénario : une rémunération trop généreuse aurait conduit à une explosion de l’encours, figeant d’autant plus les capitaux dans un placement sans risque.

En filigrane, un calcul politique s’ajoute à l’analyse purement économique : tant que le Livret A se maintient entre 2 et 3 %, la colère des épargnants demeure contenue, car cela reste plus élevé que les années précédentes où le taux stagnait parfois à 0,5 ou 1 %.

Les médias grand public relaient alors des éléments de langage évoquant la « solidité » de ce placement, ou un « doublement » du taux de 1,5 à 3 %, sans souligner qu’il s’agit en fait d’une stagnation ou d’une très légère hausse par rapport à une inflation galopante. 

Les Français sont de toute façon traditionnellement peu enclins à se détourner de leur Livret A et pour l’État, cet immobilisme est une opportunité : la spoliation demeure discrète, ne soulève pas de tollé social trop voyant et allège grandement la charge de la dette publique.

Les prochains mois et les prochaines années verront probablement se rejouer le même scénario. Aux dates de révision (février et août), la Banque de France et le gouvernement sortiront du chapeau un taux de plus en plus décorrélé de l’inflation réelle. 

Puis, pour justifier ce décalage, on évoquera la « formule de calcul » et son respect scrupuleux… tout en omettant soigneusement de rappeler qu’elle a été remodelée pour minimiser la hausse. Ou bien on jouera sur des seuils inférieurs à ceux que la formule exige, arguant d’une situation économique délicate ou d’une nécessaire modération face à la hausse des prix. 

Le public aura vaguement l’impression d’être protégé, puisqu’on lui dira que le Livret A reste plus rémunérateur qu’il y a quelques années, alors même qu’en pouvoir d’achat, il perd toujours de la valeur.

En définitive, le scandale n’est pas qu’on souhaite réorienter une part de l’épargne des ménages vers l’économie productive, quoi que : c’est plutôt la manière dont on spolie les épargnants, notamment les plus humbles, sans jamais l’assumer franchement.

Tout se passe comme si l’État préférait gagner en douce, chaque mois, quelques précieuses marges de manœuvre dans la gestion de sa dette, plutôt que de s’engager dans une vraie politique de sensibilisation à l’épargne et à l’investissement. 

À l’échelle d’un pays, cette stratégie est peut-être cohérente. À l’échelle de chaque foyer, elle alimente le sentiment d’injustice et l’impression que les promesses de protection de l’épargne populaire ne sont plus tenues. 

Le Livret A, jadis symbole de sécurité et de prévoyance, devient un placement piégé dont le rendement net, loin de suivre le coût de la vie, consolide surtout les finances publiques.

C’est à ce titre qu’il mérite bien d’être qualifié de « scandale d’État », au sens où la puissance publique modifie les règles de calcul en sa faveur, dans une quasi-clandestinité, sans rendre de comptes sur la légalité ou la légitimité de ces choix. 

Les montants en jeu sont faramineux, et l’on comprend que, d’un point de vue gouvernemental, il serait politiquement explosif de voir débarquer dans la presse des titres évoquant « 70 milliards d’euros prélevés sur le Livret A » en quelques années. 

Pourtant, c’est précisément la réalité à laquelle on aboutit lorsqu’on compare ce que les épargnants auraient dû percevoir en appliquant l’indice des prix et ce qu’ils ont réellement encaissé. 

Le plus étonnant demeure l’absence de contestation massive : la plupart des détenteurs de Livret A ignorent tout simplement la façon dont leur rémunération est déterminée. Ils perçoivent une hausse (0,5 % vers 1 %, puis vers 2 ou 3 %) et s’en contentent, sans voir que l’inflation dépasse ces chiffres.

Si l’on comprend la logique d’ensemble, réduire l’endettement, favoriser l’investissement productif, éviter un gel trop massif de l’épargne sur un produit sans risque, on peut déplorer que cette politique se fasse au détriment des moins avertis. 

Les Français les plus aisés ont souvent déjà diversifié une bonne partie de leur argent dans l’immobilier, la bourse ou d’autres placements. 

Ceux qui dépendent du Livret A pour épargner, en revanche, se retrouvent captifs de ce mécanisme opaque et perdent, en silence, une fraction notable de leur épargne.

Il est donc plus urgent que jamais d’ouvrir les yeux : le Livret A n’est pas un placement neutre ou simplement « sécurisé ». Il abrite une réalité complexe où la garantie étatique se paye au prix d’une rémunération sciemment sous-calibrée face à l’inflation. 

Les enjeux financiers sont tels qu’on voit mal ce dispositif se réformer en profondeur à court terme. Mais plus les Français auront conscience de cette mécanique, plus ils seront à même de prendre des décisions éclairées. 

Et peut-être qu’avec le temps, la demande de transparence deviendra si forte qu’il faudra réellement revoir les modalités de calcul et cesser de faire du Livret A l’arme silencieuse d’un État surendetté. 

En attendant, cette érosion tranquille continuera de frapper le pouvoir d’achat de millions d’épargnants, tant qu’aucun débat public d’ampleur ne mettra en lumière l’ampleur de cette ponction invisible.

En somme, le Livret A, longtemps perçu comme le pilier de l’épargne sécurisée pour les Français, révèle aujourd’hui des failles profondes qui remettent en question sa véritable vocation. 

Tandis que les mécanismes de calcul et les ajustements de taux favorisent les intérêts de l’État et des institutions financières, les épargnants voient leur pouvoir d’achat s’éroder silencieusement face à une inflation persistante. 

Cette situation met en lumière une nécessité urgente de transparence et de réévaluation des modalités de ce dispositif emblématique. Pour restaurer la confiance et garantir une protection effective de l’épargne populaire, il devient essentiel d’engager un débat public ouvert et de repenser les fondements mêmes du Livret A. 

Seule une réforme profonde pourra assurer que ce placement continue de servir véritablement les intérêts des ménages, tout en répondant aux besoins financiers de la nation de manière équitable et durable.

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