BRICS : L'Alliance Peut-elle Réellement Terrasser l'Occident ?
Le groupe des BRICS, formé par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud ne cesse de faire parler d’elle.
Cette organisation intergouvernementale de premier plan au sein de l'économie mondiale est vouée à gagner en notoriété notamment compte tenu de son influence considérable et grandissante.
En effet, à lui seul, le groupe est présent sur une superficie totale de 26,7% de la surface mondiale !

Les BRICS représentent 41,5% de la population globale y est présente et environ un quart de la production économique mondiale y est générée avec un PIB combiné de plus de 26.000 milliards de dollars.

Cela fait donc de cette alliance une vraie puissance économique, dépassant par la même occasion les États-Unis ou l'Union Européenne dans de nombreux indicateurs économiques et sa taille ne cesse de croître.
Pour couronner le tout, en plus de leur croissance économique rapide, les membres des BRICS ont annoncé des plans pour intensifier leurs échanges commerciaux et ont évoqué la possibilité d'introduire une monnaie commune.
Cette initiative pourrait ainsi remettre en question la prédominance de l'Occident sur ce groupe majeur de nations, ce qui est une source d'inquiétude chez de nombreuses personnes, notamment compte tenu des situations de nature belliqueuse qui se produisent actuellement.
Qu’en est-il concrètement ?
Cette alliance des BRICS est-elle réellement capable de terrasser l’occident et quels seront les défis auxquels cette dernière devra faire face aux cours des prochaines décennies ?
BRICS : Menace ou opportunité ?
Initialement, l’alliance des BRICS a été formée par souci de commodité afin de se référer plus rapidement à un groupe de pays, un petit peu comme les PIGS, acronyme anglais de Portugal, Irlande, Grèce et Espagne au cours de la crise de l’euro en 2011.
C’est en 2001 que le terme BRIC est inventé par l’économiste de Goldman Sachs, Jim O'Neill, pour décrire des économies en croissance rapide qui domineraient collectivement l'économie mondiale d'ici 2050, avant d’y rajouter l'Afrique du Sud en 2010 donnant ainsi BRICS.
Ce n’est qu’à partir de 2009 que les pays concernés ont tenu leur premier sommet officiel en Russie et, déjà à l’époque, ces nations envisageaient la nécessité d'une nouvelle monnaie de réserve mondiale stable et prévisible.
En mars 2009, après la crise des subprimes, Zhou Xiaochuan, alors gouverneur de la banque centrale chinoise, évoquait l’idée de la mise en plus d’une monnaie de réserve internationale devant respecter certaines conditions que sont :
“être ancrée à un indice de référence stable et émise selon un ensemble de règles claires avec une offre suffisamment flexible pour permettre un ajustement rapide en fonction de l'évolution de la demande et avec des ajustements déconnectés des conditions économiques et des intérêts souverains d'un seul pays”.
Un an plus tard, l'Afrique du Sud a donc rejoint le groupe, qui a commencé à organiser des sommets annuels pour discuter de divers objectifs économiques.
Parmi les grands projets déployés depuis la formation du groupe, on compte l'établissement de la Nouvelle Banque de Développement, plus connue sous le nom de Banque des BRICS.
Le groupe a aussi mis en place le Contingent Reserve Arrangement, une sorte de filet de sécurité financier qui permettrait aux pays de se soutenir mutuellement en cas de problèmes de balance des paiements.
Cette organisation, similaire au Fonds Monétaire International, investit ainsi dans les économies en développement pour stimuler leur production économique.
Ces initiatives reflètent une volonté de créer des systèmes financiers indépendants du FMI et de la Banque mondiale afin de disposer d’alternatives viables et ainsi faire des BRICS un acteur économique et financier majeur à l'échelle internationale.
Les pays du BRICS ont également discuté de la construction de câbles à fibre optique sous-marins pour connecter directement tous les pays membres et ont même proposé la création des Jeux des BRICS, semblables aux Jeux Olympiques ou aux Jeux du Commonwealth, mais ouverts uniquement aux membres du groupe.
Aujourd'hui, il ne fait aucun doute, l’influence internationale de ce groupement de pays est grandissante, montrant par la même occasion une tendance à l'expansion de sa composition.
En effet, plusieurs pays ont formellement demandé à adhérer au groupe, notamment les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Égypte, l'Argentine ou encore l'Algérie.
Et d’autres pays, ont exprimé leur intérêt pour une potentielle adhésion.

Cette tendance suggère donc l'émergence de deux blocs économiques distincts à l'échelle mondiale. Ces divergences n’avaient plus été observées depuis la fin de la guerre froide.

Cette expansion potentielle pourrait donner encore plus de poids au groupe des BRICS sur la scène internationale, bien qu’elle pourrait également créer des défis en termes de coordination et de cohérence politique.
Ce développement pourrait être préoccupant, car ces pays n'entretiennent pas les meilleures relations politiques avec le reste du monde. Par exemple, la Russie est actuellement en guerre, un conflit largement critiqué par les États-Unis et ses alliés, tandis que la Chine a clairement exprimé son intention d'envahir Taiwan.
Du coup, forcément, arrivé à ce stade, on peut se demander pourquoi ces pays cherchent à s'éloigner de la dépendance vis-à-vis du reste du monde, et plus précisément de l'Occident et les États-Unis ?
La fin de l’influence occidentale ?
Une conclusion généralement acceptée de tous, c’est que ces nations souhaitent être à l'abri des sanctions et des pressions économiques occidentales, en particulier à la lumière de leurs actions géopolitiques controversées.
En formant un bloc commercial entre eux, ils pourraient potentiellement accéder à de vastes ressources et une main-d'œuvre abondante, ce qui les rendrait moins vulnérables aux pressions économiques extérieures afin de résister à l'isolement économique.
Cette analyse est en fait on ne peut plus logique.
Si les États-Unis ou l'Europe étaient complètement dépendants d'une devise étrangère, il serait logique de rechercher également des alternatives.
La récente déconnexion de la Russie des réseaux de paiement mondiaux est un puissant rappel que les réserves de n'importe quel pays pourraient être gelées et ainsi rendues inutiles si le pays en question venait à agir dans le sens contraire des intérêts des puissances dominantes.
Des initiatives telles que les câbles sous-marins exclusifs aux BRICS sont également justifiées par la révélation que la NSA, ou National Security Agency, des États-Unis interceptait des données via le territoire américain.

Dans ce contexte, le désir de canaux de communication privés est compréhensible.
De la même manière, la Nouvelle Banque de Développement, une alternative au FMI contrôlée par les pays BRICS et quelques autres, n'est pas une entité unique, car de nombreuses organisations similaires existent dans le monde.
Toujours est-il que l'existence de cette banque reflète le désir d'indépendance financière par rapport aux normes dictées par l'Occident.
Si ces pays forment un bloc commercial, non seulement des pays comme les États-Unis pourraient perdre une grande partie du commerce mondial, moteur clé de leur croissance économique au cours du siècle dernier, mais les freins économiques à l'agression militaire de pays tiers pourraient également perdre en efficacité.
Un autre aspect important des BRICS concerne leur rôle dans le développement durable. Le groupe a démontré un engagement envers les objectifs de développement durable des Nations Unies et a pris des mesures pour promouvoir les énergies renouvelables et atténuer le changement climatique bien que leur performance dans ces domaines reste mitigée.
De plus, la taille du groupe est colossale avec un PIB combiné de plus de 26.000 milliards de dollars, dépassant l'UE et même les États-Unis.

Une chose est sûre, l'impact des BRICS sur l'économie mondiale est donc déjà significatif et pourrait devenir encore plus important à l'avenir. Le groupe a non seulement contribué à redéfinir le paysage économique mondial, mais il a également remis en question le rôle des institutions financières occidentales traditionnelles.
La réalité du pouvoir des BRICS : Défis et limites
Si les perspectives d'avenir pour le groupe des BRICS sont prometteuses, il ne faut pas perdre de vue qu’elles sont également entachées d'incertitude.
La Chine, en particulier, est en passe de devenir la plus grande économie du monde, et l'Inde n'est pas loin derrière. Toutefois, des problèmes comme la corruption, les inégalités sociales et économiques, et les instabilités politiques continuent d'entraver le développement économique de ces pays.
Tout n’est pas tout noir, tout n’est pas tout blanc et donc le succès du groupe dépendra très largement de la façon dont ses membres parviendront à surmonter ces défis.
Si les BRICS semblent être une entité économique effrayante et puissante, c'est principalement du fait de la Chine qui représente plus de la moitié de la production intérieure brute du groupe.

Cela signifie que l'influence de l’alliance sur l'économie mondiale est fortement liée à la performance économique de la Chine, tout cela, sans compter que les pays du groupe ont des différences significatives tant en termes de culture, de structure économique que de politique intérieure, ce qui pourrait entraver la coopération à long terme.
De plus, bien que les pays du BRICS soient regroupés, ils sont loin d'être de proches alliés, comme en témoignent les conflits militaires entre la Chine et l'Inde. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute les relations entre la Chine et l'Inde qui ont été caractérisées par des différends frontaliers, entraînant des conflits militaires à plusieurs reprises. On se souvient notamment des affrontements armés en 2020, le long de la frontière sino-indienne.
Ensuite, malgré la croissance économique rapide des BRICS, plusieurs pays du groupe ont ralenti de manière significative entre 2008, période qui marque le début de la coopération entre ces pays, et aujourd’hui.
Hormis la Chine et l’Inde qui ont vu leur PIB réel par habitant à prix constants augmenter de 7 pour cent et de près de 4,5 % par an respectivement, la croissance russe a été inférieure à 1 pour cent, celle du Brésil n’a été que de 0,3 % et celle de l’afrique du sud s’est contractée de 0,2 %.

Comme on peut le voir, on est assez loin du discours trompeur consistant à opposer la croissance occidentale à la soi-disant croissance florissante et exponentielle des BRICS.
Et ce, d’autant plus que soit par volonté d’influencer les opinions, soit par méconnaissance, cela est omettre ce que l’on appelle l’effet de rattrapage.
Plus un pays atteint la maturité, plus faible devient la croissance lorsque l’on se focalise uniquement sur un taux, c’est-à-dire un pourcentage et donc, on est très vite tenté de penser que la croissance est morte
Mais lorsqu’on fait attention, même une croissance de 2 pour cent sur un PIB de 20.000 milliards de dollars constitue un accroissement de richesse bien plus important qu’une croissance de 7 pour cent sur un PIB de 2.000 milliards de dollars.
De plus, bien que le groupe existe officiellement depuis 14 ans, il n'a pas réussi à apporter de changements significatifs. Les projets de création d'une nouvelle monnaie ont été discutés dès 2009, mais sans réel progrès.
En outre, cette ambition de concurrencer le dollar pourrait ne pas voir le jour avant de nombreuses années et ce, pour des raisons évidentes.
En effet, si le nombre de discussions et l’enthousiasme autour de l'idée de "dédollarisation" et de la formation d'une monnaie des BRICS, suggérant que divers pays se détachent du dollar américain, notamment chez les anti-yankees, en réalité, la faisabilité d'une monnaie des BRICS fait face à d'importants défis en raison de la structure économique et des déséquilibres au sein de cette alliance.
Si tout semble s’être accéléré suite à l’invasion russe de l’Ukraine, le gel des réserves russes et le resserrement de la politique monétaire de la part de la Réserve Fédérale, les avancées pourraient finir par stagner.
En effet, bien que l'idée d'une monnaie des BRICS ne soit pas impossible et séduit de nombreux individus, cela nécessiterait des ajustements économiques et politiques importants que ces pays pourraient ne pas être prêts à assumer.
Les économies des BRICS dépendent fortement des exportations pour leur croissance et se caractérisent par d'importants excédents de compte courant, avec des taux d'épargne intérieure élevés et une faible demande intérieure des consommateurs. Cela signifie qu'ils produisent plus de biens et d'épargne qu'ils ne consomment et doivent exporter l'excédent.
Les États-Unis, en revanche, enregistrent de larges déficits de compte courant, achetant essentiellement plus qu'ils ne produisent. Ce déséquilibre fait que les pays des BRICS dépendent des marchés occidentaux pour leur croissance et accumulent des réserves en dollars américains grâce à leurs exportations.
Ces réserves en dollars sont ensuite utilisées pour acheter des obligations américaines et maintenir leurs devises faibles par rapport au dollar, ce qui contribue à soutenir la croissance des exportations.
Si une monnaie des BRICS venait à émerger, cela nécessiterait que les économies des BRICS passent d'une politique axée sur les exportations à une politique axée sur la demande intérieure.
Il s'agirait d'une transition difficile, comme en témoigne le cas du Japon, qui a connu d'importantes difficultés économiques lorsqu'il a tenté de passer d'une économie axée sur les exportations à une économie davantage orientée sur la demande intérieure après la signature de l'accord du Plaza en 1985, mettant un terme, par la même occasion, au miracle économique japonais.
Ainsi, au-delà de son acronyme, le terme BRICS n’a pas de sens économique utile. Il marie une superpuissance économique en Chine avec une puissance potentielle en Inde et trois exportateurs de matières premières essentiellement en stagnation depuis des décennies.
Loin d'être une zone monétaire optimale, les économies sont radicalement différentes en termes de commerce, de croissance et d'ouverture financière.
La domination et l’influence de la Chine est d’autant plus grande qu'elle est un partenaire commercial clé pour les exportateurs de matières premières, dont les cycles industriels suivent clairement les flux et reflux du cycle de crédit chinois.
C'est évident mais les intérêts stratégiques chinois ne sont pas spécialement alignés avec ceux des autres pays.
Et après l'attaque contre l'Ukraine, l'influence financière de la Chine sur la Russie isolée s'est encore accrue et en cherchant à défier l'hégémonie américaine, les membres non chinois des pays du groupe risquent d'accroître leur dépendance vis-à-vis de Pékin.
Finalement, bien que pour le moment, les taux d’endettement publics et privés de cette alliance restent relativement faibles par rapport au pays développés, il ne faut pas oublier qu’une fois un certain niveau atteint, la dette devient la baguette magique préférée des décideurs politiques contre le ralentissement économique.
La Chine en est d’ailleurs un bon exemple puisqu’elle fait désormais partie des pays les plus endettés de la planète.

En plus de ces défis, la question du vieillissement de la population et de la crise démographique se posera également pour l'alliance, considérant l'inversion de la pyramide des âges qui les affecte autant que les pays occidentaux, à l'exception de l'Afrique du Sud.





Il n’est donc pas osé d’affirmer que l’avenir des BRICS reste incertain.
Avec la montée des tensions géopolitiques et les nombreux défis posés, le groupe pourrait être confronté à des pressions croissantes pour réformer ses politiques et améliorer sa gouvernance.
Seul l'avenir nous dira comment cette alliance évoluera et quel sera son impact sur la scène internationale. Quoi qu'il en soit, il est clair que le groupe continuera à jouer un rôle clé dans l'économie mondiale.
Les BRICS derniers savent pertinemment que s’ils ne venaient à ne commercer et à partager des informations et des ressources qu'entre eux, le ralentissement de la croissance économique mondiale serait presque certain. En outre, le repli sur soi pourrait compromettre la mondialisation qui a pourtant été le moteur de leur développement économique rapide.

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