L'accès à la propriété a longtemps été considéré comme un pilier fondamental de la stabilité sociale et économique.
Or, dans le contexte mondial actuel, ce rêve d'acquisition immobilière semble s'éloigner pour de nombreuses personnes. Les coûts croissants, les marchés surchauffés et des politiques foncières complexes rendent désormais le chemin vers la propriété parsemée d'embûches.
Cette évolution interroge sur l'avenir de notre société et les nouvelles formes de logement qui émergeront de cette réalité.
Avons-nous atteint le point de non-retour en matière d'accès à la propriété et la fin de la propriété signifie-t-elle la fin du rêve d'un chez-soi ?
Hausse des taux d’intérêt et crise du logement
L’immobilier est au centre des préoccupations économiques et sociales des Français avec environ 58 pour cent des ménages étant propriétaires de leur résidence principale.
De plus, l’immobilier reste le principal facteur d'épargne et de patrimoine pour les ménages, surtout pour la classe moyenne qui possède peu d'autres actifs.
En d’autres termes, l’immobilier est un marché qui intéresse particulièrement !
Or, cela n’est un secret pour personne, les prix de l’immobilier autour de la planète et notamment en France n’ont cessé d’augmenter ces dernières années !
Sur l’ensemble de la France, les prix ont plus que doublé depuis le début du 21ème siècle et plus précisément de 150 pour cent et à Paris, ils ont presque été multipliés par 4 !
Évidemment, compte tenu de la poussée inflationniste et de l’importance de déflater les prix, c’est-à-dire d’ajuster les graphiques à l’inflation, on se rend compte que la hausse, notamment en France n’a pas été non plus si élevée que ça, du moins depuis 2010 et la crise des subprimes, constat qui reste malgré tout différent du côté parisien.
Par ailleurs, cette hausse des prix aurait pu être moins douloureuse pour les ménages si elle avait été accompagnée par une augmentation similaire des revenus.
Or, cela n’a pas été le cas !
En effet, si l’on regarde la relation entre le prix des logements et le revenu annuel des ménages, entre 1964 et 2000, le prix des logements était relativement stable et suivait l’évolution des revenus des ménages.
Au niveau des loyers, ces derniers, toujours rapportés à l’évolution des revenus des ménages, ont plutôt eu tendance à stagner, ce qui a contribué à la diminution du rendement locatif.
Évidemment, si la baisse des taux historique que nous avons expérimenté au cours de la dernière décennie explique une partie de la hausse du prix des biens immobiliers,
Elle n’est pas le seul et unique facteur puisqu’il est nécessaire également de prendre en compte l’augmentation des durées d’emprunt, ou encore la volonté d’atteindre l’objectif d’une ZAN, acronyme de Zéro Artificialisation Nette des Sols, par le gouvernement, provoquant une restriction dans la construction de biens avec des Plans Locaux d’Urbanisme restrictifs et poussant à la densification des villes.
La logique qui sous-tend la hausse de prix du logement n’est donc pas purement financière et spéculative, entre autres, parce que cette hausse se distribue différemment entre le bâti d’une part et le foncier de l’autre.
Concrètement, les ménages dépensent toujours autant qu’auparavant par rapport à leurs revenus, simplement parce qu'ils occupent des surfaces de plus en plus réduites, ce qui pourrait tout naturellement se poursuivre dans le futur. Il convient donc de raisonner non pas en termes absolus, mais en termes relatifs pour mieux appréhender le marché de l’immobilier.
C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que, depuis 1990, le taux de propriétaires n’augmente plus que pour les seniors, certains ménages étant automatiquement et mécaniquement exclus de l’investissement immobilier :
Pris au niveau national, la proportion des ménages propriétaires a tendance à stagner depuis plusieurs années.
D’ailleurs, on observe que la proportion des locataires et propriétaires était plutôt homogène quel que soit le montant de revenu des ménages à l’époque, tandis que désormais, il s’est totalement dégradé en défaveur des revenus les plus faibles qui sont surreprésentés parmi les locataires,
En revanche, le sort des plus jeunes reste à peu près le même, bien que l’on observe une légère paupérisation.
Ainsi les prix de l’immobilier dépendent non seulement de variables “réelles”, telles que les revenus, la démographie ou encore les contraintes pesant sur l’offre comme l’évolution des permis de construire, des normes de construction et du prix des matériaux, mais aussi de variables “financières”, à savoir le taux d’intérêt et les conditions de crédit telles que le montant et pourcentage d’apport personnel, la durée du crédit, les normes d’endettement et ainsi de suite.
Or, le marché du logement français a connu ces dernières décennies à la fois une baisse des taux d’intérêt et un assouplissement des conditions financières.
Comme on peut le voir, le graphique présente la variation du pouvoir d’achat immobilier en termes de mètres carrés depuis 1998 expliquée par trois variables que sont l’évolution du revenu disponible, du taux d’emprunt et des prix de l’immobilier.
On observe que la surface accessible en France a perdu environ 42 mètres carrés à cause de l’envolée des prix qui vient tirer à la baisse le pouvoir d’achat immobilier en termes de mètres carré, mais dont l’effet négatif est partiellement compensé par la hausse du revenu disponible, faisant gagner environ 20 mètres carrés puis, surtout à partir de 2008, par la baisse des taux d’emprunt permettant de gagner environ 16 mètres carrés de pouvoir d’achat.
Ainsi, en termes nets, le pouvoir d’achat immobilier en mètres carrés s’est légèrement réduit, d’environ 6 mètres carrés par rapport à 1998, à cause, ou plutôt grâce, à l'interaction de ces différentes variables.
À cela, il ne faut pas oublier que pour que les primo-accédants puissent aujourd’hui acquérir, à quelques choses près, le même logement qu’en 2000, malgré la hausse des prix, il leur faut augmenter leur durée d’emprunt de 15 à 25 ans, ce qui correspond précisément à l’évolution observée.
Une nuance à apporter toutefois, c’est qu’il est particulièrement difficile d'appréhender l’impact de ce que l’on appelle l’effet qualité. Autrement dit, valoriser à la hausse ou à la baisse l’évolution de la qualité du logement.
En effet, en principe, les logements sont mieux équipés, mieux isolés et plus pratiques d’accès qu’à la fin des années 90 et donc, si en termes de mètres carrés ces évolutions n’ont aucun impact, l’on pourrait considérer qu’en réalité, le pouvoir d’achat s’est amélioré ou s’est au moins stabilisé puisque le confort s’est accrue.
Un accès à la propriété devenu impossible ?
Compte tenu de ce que l’on vient de voir et des tensions existantes, certains signes avant-coureurs viennent mettre en lumière les turbulences présentes au sein du marché immobilier.
En effet, après une augmentation constante du nombre de ventes depuis 1970, avec certaines chutes entre-temps, on observe que le nombre annuel de transactions immobilières de logements anciens est en forte baisse et constitue l’une des chutes les plus brutales après celle de la crise des subprimes de 2008.
À côté de cet indicateur, compte tenu du resserrement des conditions financières, c’est la production de crédit qui est également impactée. Pour se faire une idée, elle a diminué de 50 pour cent, soit une baisse encore plus prononcée que celle observée durant l’automne 2008, au plus profond de la crise financière.
En ce qui concerne le resserrement des conditions d'octroi des crédits immobiliers, il faut bien rester conscient qu’un crédit immobilier se caractérise par trois éléments que sont :
1° Premièrement, le taux d’intérêt, influencé par la politique des banques centrales ainsi que le taux d’usure en France, c’est-à-dire le taux au-dessus duquel les établissements de crédit n’ont pas le droit de prêter et qui se trouve à 5,28 pour cent pour les prêts à taux fixe d’une durée comprise entre 10 et 20 ans et 5,56 pour cent pour les prêts à taux fixe d’une durée supérieure à 20 ans.
2° Deuxièmement, la durée, limitée à 25 ans avec les règles du HCSF, c’est-à-dire le Haut Conseil de Stabilité Financière, avec possibilité de cumuler 2 ans de remboursement différé, portant la durée à 27 ans au lieu de 30 voire 35 ans avant
3° Et finalement, troisièmement, le montant de la mensualité par rapport aux revenus, c’est-à-dire le taux d’endettement limité à 35 pour cent, qui est déterminée par les deux variables précédentes que sont les taux ainsi que la durée, auxquels s’ajoutent frais de dossier, garanties, assurances et autres coûts afférents au prêt immobilier.
Par l’intermédiaire de ces trois éléments il est donc possible de déterminer d’une part la somme empruntée, c’est-à-dire la capacité d’emprunt et, d’autre part, la somme acquise par la banque, c’est-à-dire le coût du crédit.
Or, aujourd’hui, avec la remontée des taux, la capacité d’emprunt se dégrade, en même temps que le coût du crédit augmente.
Cela est donc logique puisque, imaginons une personne qui souhaite rembourser l’équivalent de 1.000 euros par mois sur une durée de 25 ans.
les taux d'intérêt étaient à 10 pour cent ce qui était le cas dans les années 80, la capacité d'emprunt dans de telles conditions était de 110.000 euros, tandis que le coût du crédit était de 190.000 euros.
En revanche, avec des taux à 1 pour cent, ce qui était encore le cas début 2022, la capacité d'emprunt dans les mêmes conditions était de 265.000 euros pour un coût du crédit de seulement 35.000 euros.
Autrement dit, par le seul effet de la baisse des taux d’intérêt, le pouvoir d’achat en termes de capacité d’emprunt avait plus que doublé, permettant de payer 140 pour cent plus cher avec exactement le même effort de remboursement tous les mois comme on peut le voir sur ce graphique.
Tout logiquement, au fur et à mesure que les taux montent, le coût du crédit occupe une proportion croissante dans le montant total remboursé à la banque, au détriment du capital, c’est-à-dire de la capacité d’emprunt.
À titre illustratif, dans l’exemple d’un crédit sur 25 ans avec des mensualités de remboursement de 1.000 euros, à partir du moment où le taux se rapprochent de 7 pour cent, le montant du coût du crédit devient égal à la capacité d’emprunt. Autrement dit, à ce stade, l’emprunteur paie autant d’intérêt que de capital.
C’est un peu comme si la personne payait “deux fois” le prix de sa maison pour ainsi dire.
On peut donc représenter graphiquement les capacités d’emprunt et le coût d’un crédit de 1 .000 euros de mensualité en fonction du taux d’intérêt et de la durée d’emprunt.
En l’espace d’un an et demi, avec la remontée des taux passant de 1 pour cent à 5 pour cent, c’est donc un pouvoir d’achat qui chute de plus de 35 pour cent. Les biens valorisés à 265.000 euros devraient chuter à 170.000 euros pour que les emprunteurs de début 2022 puissent acheter les mêmes biens qu’en 2023.
Dans de telles conditions, si la question de l'arbitrage entre achat et location de sa résidence principale ne se posait pas, il y a encore quelques mois, la hausse rapide des taux d'intérêt depuis près d'un an et demi a changé la donne en diminuant drastiquement la capacité d'emprunt des candidats à la propriété.
La conséquence, c’est que l'équation est beaucoup moins évidente aujourd'hui qu'hier. Ainsi, les emprunteurs doivent, pour compenser cette contrainte, soit augmenter leur apport personnel, soit augmenter le montant de leurs mensualités de remboursement, deux variables dont la limite se trouve dans le montant d’épargne de ces derniers et dans leur taux d’endettement limité à 35 pour cent.
Cette conjoncture pourrait ne pas s’améliorer de sitôt compte tenu de la situation actuelle. En effet, il y a un peu plus d'un an, le principal taux directeur de la Banque centrale européenne était à 0 pour cent.
Aujourd'hui, ce même taux se trouve à 4,25 pour cent et, pour couronner le tout, la Banque Centrale Européenne indique elle-même que ce taux d'intérêt est susceptible de continuer à augmenter afin de lutter contre l’inflation qui était devenue incontrôlable et qui continue d’être particulièrement élevée, notamment du côté de la France, avec un rebond sur le mois d’août.
Dans les coulisses du pouvoir chinois, une ombre plane. Le géant économique asiatique fait face à une série de difficultés économiques qui ébranlent son statut de superpuissance montante, tant sur la scène nationale qu'internationale.
Cependant, la réponse de l'administration de Xi Jinping à ces problèmes est intrigante. Plutôt que de faire face aux réalités économiques en publiant des données fidèles à la réalité, les autorités ont choisi l'opacité en cessant simplement de divulguer ces informations cruciales. Les chiffres officiels, déjà controversés, cachent une réalité sombre.
Le modèle économique chinois, autrefois vanté pour son équilibre entre libéralisation et contrôle étatique, montre aujourd'hui des signes de faiblesse.
Les économistes, tant chinois qu'étrangers, avaient depuis longtemps averti que ce modèle était fondamentalement défectueux et que des réformes étaient inévitables.
Cependant, Xi Jinping, occupé à consolider son propre pouvoir, a ignoré ces avertissements, et le temps d'un redressement semble peut-être révolu.
Qu’est-il en train de se passer ? Dans quelle mesure le ralentissement économique chinois pourrait-il influencer la stratégie de Xi Jinping sur la scène internationale et ses ambitions de rivaliser avec les États-Unis ? Le modèle économique chinois connaît-il ses dernières heures ?
Les diplômés universitaires chinois au chômage sont devenus une source d'embarras pour le dirigeant chinois Xi Jinping. Le taux de chômage des jeunes a atteint un niveau record, mettant en évidence les graves difficultés économiques du pays, tant au niveau national qu'à l'étranger.
En août, l’administration du Président Chinois a décidé d’agir et de trouver une solution : le bureau des statistiques a tout simplement décidé de cesser de publier les données.
Certains estiment même que le taux de chômage chez les jeunes âgés de 16 à 24 ans pourrait avoisiner les 50 pour cent, soit plus du double du chiffre officiel.
Mais Xi Jinping ne peut ni cacher les difficultés économiques de la Chine, ni s’en cacher. Les problèmes ne sont pas simplement un malaise post-pandémique ou un détour bientôt oublié dans la marche de la Chine vers le statut de superpuissance.
Le modèle chinois tant vanté, c’est-à-dire un mélange de libéralisation et de contrôle étatique qui a généré la croissance fulgurante du pays, est entré en agonie.
La nouvelle ne devrait pas être une surprise. Les économistes et même les décideurs politiques chinois avertissent depuis des années que le modèle chinois est fondamentalement défectueux et qu’il s’effondrerait inévitablement.
Mais Xi était trop occupé à renforcer son propre pouvoir pour entreprendre les réformes nécessaires pour y remédier. Aujourd’hui, les problèmes sont si profonds et les réparations seraient si coûteuses que le temps d’un redressement est peut-être passé.
Contrairement aux hypothèses de nombreux commentateurs ces dernières années, la Chine ne dépassera sûrement jamais les États-Unis en tant qu'économie dominante mondiale si les tendances actuelles se poursuivent.
Il y a vingt ans, alors que l'économie chinoise ne représentait que 14 pour cent de celle des États-Unis, de nombreux économistes commençaient à spéculer sur le moment où le PIB de la Chine pourrait éclipser celui des États-Unis repoussant la date fatidique de leur prédiction, année après année.
Sauf qu’en réalité, la Chine est désormais en retard et perd du terrain face aux États-Unis.
Une trajectoire descendante de la Chine ne garantit cependant pas nécessairement l’avenir de la puissance mondiale américaine. La Chine pourrait s’avérer être un concurrent moins redoutable qu’on l’imaginait autrefois et offrir un modèle de développement moins attractif pour le reste du monde.
Mais l’échec économique pourrait également renforcer la détermination de Xi Jinping à vaincre la domination américaine en s’enrichissant, du moins par d’autres moyens, peut-être plus déstabilisateurs.
La disparition du modèle chinois est, à bien des égards, due à son immense succès. Lorsque les réformes de libre marché commençaient à peine en Chine, en 1980, le pays était plus pauvre, par habitant, que le Ghana ou le Pakistan.
Aujourd’hui, le PIB de la Chine s’élève à 18.000 milliards de dollars et son économie est capable de concevoir des réseaux de télécommunications 5G et des véhicules électriques.
Le moteur du modèle chinois est l’investissement, et en grande partie : dans les usines, les autoroutes, les aéroports, les centres commerciaux, les tours d’habitation, etc.
La Chine était démunie au début de ses réformes et une grande partie des nouvelles infrastructures était nécessaire. De meilleurs systèmes de transport ont contribué à accroître l’efficacité économique ; de nouveaux logements abritaient des familles migrant des fermes vers les villes à la recherche d'opportunités.
Ces investissements ont fait de la Chine une usine mondiale et ont produit des taux de croissance époustouflants.
Au fil du temps, le pays a développé une économie plus avancée, mais l’État et les entreprises ont néanmoins continué à construire. Le taux de croissance est resté élevé, mais l’économie génère désormais des excès de gaspillage qui nuisent à sa santé.
On estime que la Chine compte entre 23 et 26 millions d'appartements invendus. C'est suffisant pour loger toute la population italienne. Beaucoup de ces appartements ne seront jamais achetés, car ils ont été construits dans des villes dont la population est en déclin.
Du côté de l’'industrie automobile, le pays dispose d'une capacité d'usine inutilisée suffisante pour fabriquer plus de 10 millions de voitures, suffisamment pour renouveler à deux reprises l'ensemble du marché automobile japonais.
D’ailleurs, bien que Pékin se vante de son vaste réseau de chemins de fer à grande vitesse, désormais considéré comme le plus grand au monde, le fait est que la société d'État qui l'exploite a accumulé plus de 800 milliards de dollars de dettes et affiche des pertes substantielles.
Certains décrivent même la situation ferroviaire chinoise comme un “piège de la dette à grande vitesse”.
Le problème, c'est que la Chine continue d’investir au-delà de ce que son économie est réellement capable d’absorber, c’est pourquoi le modèle est voué à l’échec.
En ce sens, en raison de tous ces investissements improductifs, financés en grande partie par de la dette, la dette de la Chine a augmenté beaucoup plus rapidement que son économie.
Il y a dix ans, la dette totale de la Chine représentait environ deux fois la taille de son économie. Désormais, elle est trois fois plus grande.
Comme l’explique Michael Pettis, l’un des plus grands spécialistes en la matière :
“La Chine détient la part d’investissement dans le PIB la plus élevée au monde. Son endettement connaît également l’une des croissances les plus rapides de l’histoire. Ceux-ci ne sont pas sans rapport. Alors que des investissements croissants sont consacrés à des projets dont les avantages économiques sont inférieurs à leurs coûts économiques, l’alourdissement du fardeau de la dette de la Chine est une conséquence directe de cette part très élevée des investissements. Cependant, étant donné la part disproportionnée des investissements dans l’activité économique, toute réduction de leur part dans le PIB doit exercer une pression à la baisse significative sur la croissance de l’activité économique globale”.
Le souci, c’est que l’aspect politique est venu exacerber le problème de la dette d’un point de vue économique. Le Parti communiste a vanté des taux de croissance élevés comme preuve de sa légitimité et de sa compétence. En effet, durant de nombreuses années, le Parti brandissait cet argument afin d’assurer sa longévité.
Ainsi, lorsque les taux de croissance sont tombés en dessous des objectifs, les autorités ont ouvert les vannes du crédit pour les relancer. Le Fonds monétaire international estime que les gouvernements locaux chinois ont accumulé 9.000 milliards de dollars de dettes au nom du financement de projets d'infrastructure.
Évidemment, les dirigeants chinois savent depuis longtemps que leur stratégie d’investissement comporte des risques. Déjà, en 2007, Wen Jiabao, alors Premier ministre chinois, déclarait :
“Il existe des problèmes structurels dans l'économie chinoise qui entraînent un développement instable, déséquilibré, non coordonné et non durable”.
On voit donc clairement que les décideurs politiques chinois savaient exactement comment résoudre ces problèmes : la Chine devrait se rééquilibrer, ce qui signifie qu’elle devait diminuer sa dépendance à l’égard des investissements et favoriser de nouveaux moteurs de croissance, en particulier la consommation intérieure, qui est extrêmement faible par rapport aux autres grandes économies. Une des manières d’y parvenir serait notamment de libéraliser son secteur financier et de relâcher la mainmise de l’État sur les entreprises privées.
Au début de son mandat, Xi Jinping semblait accepter ces impératifs. En 2013, il avait par exemple approuvé un projet de réforme du Parti communiste qui s’engageait à donner au marché un rôle “décisif” dans l’économie. Mais les réformes n’ont jamais eu lieu étant donné que les promulguer aurait réduit le pouvoir de l’État, et donc le pouvoir du chef du parti lui-même, qui n’était évidemment pas disposé à troquer le contrôle politique contre la croissance économique.
Au contraire, plus Xi Jinping a de pouvoir, plus la mainmise de l’État sur l’économie devient pesante. Le leader chinois s’est appuyé sur la politique industrielle de l’État pour stimuler l’innovation et a imposé des réglementations intrusives dans des secteurs importants, tels que la technologie et l’éducation.
En conséquence, le secteur privé chinois est en retrait. À titre d’exemple, il y a de cela deux ans, les sociétés privées représentaient 55 pour cent de la valeur collective des 100 plus grandes sociétés chinoises cotées en bourse. Désormais, cette part se trouve à 39 pour cent.
En outre, à une époque où la Chine avait cruellement besoin de stimuler sa consommation intérieure, les mesures de confinement draconiennes imposées par la Chine, au cours de la pandémie, ont porté un coup dévastateur à l’économie.
Le modèle chinois a craqué sous la pression et la demande est dorénavant si faible que l’économie a sombré dans la déflation, ce qui, si elle persiste, pourrait décourager davantage les investissements et les dépenses de consommation dont l’économie a besoin pour se relancer.
Si l’immobilier était autrefois un contributeur majeur à la croissance économique et une réserve de richesse pour la classe moyenne, aujourd’hui, les investissements, les ventes et les prix dans ce secteur sont en baisse.
L’exemple le plus parlant est sans aucun doute celui de Evergrande ou encore du plus grand promoteur privé, Country Garden, qui est au bord de la faillite, bien qu’il ait échappé de justesse à un défaut de paiement.
Du point de vue financier, la situation n’est pas non plus toute rose.
S’il y a quelques années, l’un des thèmes d’investissement les plus importants à l’échelle mondiale était la manière dont les marchés financiers chinois devenaient de plus en plus accessibles et attractifs pour les investisseurs internationaux, désormais, la situation pourrait commencer à s’inverse.
La croissance économique, la libéralisation financière et l’inclusion dans un groupe d’indices d’obligations et d’actions influents gérés par des sociétés comme MSCI, Russell et Bloomberg signifiaient que tout le monde prédisait des afflux torrentiels de capitaux à long terme.
Ainsi, au cours du temps, le discours de certains grands rêveurs est passer de “investir en Chine est probablement intelligent” à “ne pas investir en Chine est stupide”.
En conséquence, la Chine a reçu des entrées de capitaux record de 576 milliards de dollars rien qu’en 2020 malgré l’impact débilitant du Covid-19.
Sauf qu’en réalité, ces flux se sont avérés inconstants et les chiffres sont assez stupéfiants.
La combinaison du ralentissement de l’économie chinoise, de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, de la relocalisation d’enterprises, de l’effondrement historique du renminbi
ou encore des tensions politiques croissantes, sans compter les craintes que toute invasion chinoise de Taïwan ne déclenche une exclusion du système financier mondial dirigé par les États-Unis, comme ce fut le cas de la Russie, a déclenché un renversement massif de la tendance des flux de capitaux.
Certes, l’économie chinoise n’est pas irréparable, mais la réparer serait coûteux et très douloureux. Le gouvernement devra annuler les créances irrécouvrables, fermer les entreprises zombies et introduire des réformes de marché radicales d’une nature que les décideurs politiques ont jusqu’à présent évitée. Prendre ces mesures relancerait l'économie pour une nouvelle phase de croissance, non pas aux taux élevés du passé, mais à un rythme qui pourrait soutenir le progrès économique du pays.
Le gouvernement chinois n’a toutefois montré aucun intérêt à adopter ces réformes. Diverses autorités ont publié des plans en plusieurs points pour soutenir l’économie qui ne se résument qu’à des ajustements administratifs et à de vagues déclarations. Xi Jinping lui-même a déclaré laisser tomber et préférer faire preuve de patience.
Bien que la Chine ne devrait pas sombrer dans une crise financière semblable à celle des subprimes de 2008, ses perspectives de croissance sont devenues bien moindres et ne lui permettront probablement pas de rattraper les États-Unis, ou même d’en faire un concurrent proche dans les années à venir.
Ainsi, en théorie, les difficultés économiques devraient pousser la Chine à un rapprochement avec les États-Unis, pour empêcher que les relations économiques avec l'Occident ne se détériorent davantage et maintenir l'afflux de technologies et de capitaux étrangers pour aider au développement du pays, mais le leader du parti communiste semble vouloir prendre une direction différente.
Lors du dernier sommet des BRICS, le mois dernier, les membres du forum ont convenu d’ajouter six pays de plus, dont l'Iran et l'Arabie saoudite.
Xi Jinping semble considérer les BRICS comme un contrepoids face à l’Occident.
En d’autres termes, si la Chine ne peut pas dépasser les États-Unis à elle seule, elle pourra peut-être le faire globalement. Mais ce plan pourrait ne pas fonctionner : les économies des six nouveaux membres des BRICS réunis ne sont qu’un peu plus grandes que celles du Royaume-Uni.
La détermination à rivaliser avec les États-Unis est depuis longtemps un élément central du programme économique du parti. Ces dernières années, il a redoublé d’efforts en matière de politiques industrielles, y compris le soutien financier de l’État, spécifiquement conçu pour donner aux entreprises chinoises une longueur d’avance sur leurs rivales américaines dans des secteurs tels que l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs.
En mettant l’accent sur “l’autosuffisance”, il a cherché à réduire la vulnérabilité de la Chine aux sanctions américaines en remplaçant les importations étrangères par des alternatives internes et son initiative des routes de la soie, un programme mondial de construction d’infrastructures, a été conçue pour ouvrir des voies de commerce et d’investissement aux entreprises chinoises au-delà de l’Occident.
Tout cela, sans compter que la Chine n’a peut-être même pas la force économique nécessaire pour atteindre tous ces objectifs.
Le pays reste relativement pauvre, avec un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat et ajusté à l’inflation de 18.000 dollars, soit 2,5 fois moins que celui de la France, qui se trouve à 46.000 dollars, et 3,5 fois moins que celui des États-Unis, qui se trouve à près de 67.000 dollars.
Le ralentissement de l’économie chinoise pourrait affaiblir l’assaut idéologique de Xi Jinping contre l’ordre mondial. Par exemple, la Chine a cherché à démontrer aux pays du Sud que démocratie et développement ne sont pas indissociables et que les autocrates peuvent jouir de la richesse, du respect international et du pouvoir politique.
Ces affirmations sont plus difficiles à faire dans un contexte économique chancelant. Au contraire, les difficultés économiques de la Chine suggèrent que les régimes autoritaires ne peuvent pas à la fois renforcer le contrôle et soutenir le progrès économique et qu'en fin de compte, la réforme politique doit accompagner la réforme économique, un petit peu comme ce qu’il s’était passé avec l’effondrement de l’URSS.
Il est peu probable que le leader du parti communiste chinois accepte cette vérité qui dérange et, au contraire, il poursuivra très probablement son programme anti-occidental avec encore plus d’urgence. S’il ne peut pas se vanter d’une croissance rapide, alors il devra trouver un autre moyen de justifier sa répression auprès de son propre peuple, et une marche pour la primauté mondiale contre les impérialistes américains pourrait faire l’affaire.
Pour cette raison, la faiblesse économique pourrait rendre les dirigeants chinois encore plus dangereux, plus enclins à défendre des causes nationalistes et à se lancer dans des aventures étrangères, comme une mainmise militaire sur Taïwan.
On ne peut qu’espérer que Xi se tournera vers l’histoire et se rendra compte que la puissance d’une nation ne peut être projetée que dans la mesure où sa force économique le permet.
Pour les États-Unis, les malheurs de la Chine présentent à la fois des opportunités et des défis.
D’une part, une croissance chinoise plus faible signifie moins de liquidités pour Pékin pour financer ses nombreuses priorités, allant du développement d’applications d’intelligence artificielle et de fabrication de semi-conducteurs de pointe au renforcement de son armée et au financement de son initiative des routes de la soie.
D’autre part, cela signifie également une diminution des perspectives pour les exportations américaines, aussi petites soient-elles par rapport aux expéditions chinoises vers les États-Unis, et donc un potentiel réduit pour les entreprises américaines actives en Chine, par exemple Apple.
Venezuela, Norvège, Emirates Arabes Unis et Guatemala.
Voilà une sélection de pays qui ne pourrait pas être plus différente.
Et pourtant…
Il existe bien un lien entre ces différents territoires !
En effet, ce sont tous des pays qui, a un moment ou un autre dans l’histoire contemporaine, ont vu leur économie tourner principalement autour de l’exportation d’un seul et unique produit !
Le pétrole dans le cas des trois premiers et les bananes pour le Guatemala.
Or, cette dépendance économique a été, et continue encore de nos jours, particulièrement désastreuse pour le pays qui tombait dans le piège de ce que l’on appelle aujourd’hui le Dutch Desease, ou maladie hollandaise en français !
En quoi consiste cette maladie économique et financière ?
Qu’est-ce que le Dutch Desease ? Quelles sont ses origines du terme et quels en sont les effets, les conséquences et les différentes subtilités ?
Dutch Desease: les origines
Je suis un phénomène très intéressant de l’économie d’un pays, je prends vie suite à la découverte d’une nouvelle opportunité ou ressources, les conséquences de ma venue peuvent s’avérer désastreuse si les autorités en place ne prennent pas les mesures nécessaires…
Je suis ?
Évidemment, le Dutch Desease !
Le modèle économique qui décrit le phénomène du Dutch disease a été pour la première fois développé par les économistes Max Corden et Peter Neary en 1982.
Dutch disease ou syndrome Hollandais trouve son origine, comme son nom l’indique, aux Pays-Bas.
Si le syndrome a probablement existé aux cours des millénaires de civilisation passés, ce terme est lié à la découverte d’un énorme gisement de gaz naturel en mer du Nord en 1959 par les Pays-Bas ainsi que des différents évènements qui en ont découlé.
Pour l’anecdote, la nouvelle ressource découverte ainsi que son exploitation massive associée à une demande importante a très vite provoqué un afflux massif de capitaux étrangers sur le territoire hollandais.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, si de prime abord, cette évolution semble être positive, en réalité cette découverte a eu de graves répercussions sur d’importants segments de l’économie du pays.
En effet, l’augmentation soudaine et rapide de la valeur de la devise nationale de l’époque, le florin néerlandais, a rendu les exportations non pétrolières néerlandaises plus chères et, par conséquent, moins compétitives.
Le taux de chômage est ainsi passé de 1,1 pour cent à 5,1 pour cent entre 1970 et 1977, avant d’exploser à la hausse, avec une baisse importante de l’emploi dans le secteur manufacturier et la production industrielle du pays s’est mise à stagner entre 1974 et 1984.
Un article du journal The Economist datant de 1977 cite trois composantes comme cause du syndrome hollandais :
1° Premièrement, une devise trop forte. Les exportations de gaz avaient entraîné un afflux de devises étrangères, ce qui avait accru la demande de florin et l'avait ainsi renforcé. Cela avait rendu d'autres secteurs de l'économie moins compétitifs sur les marchés internationaux. En outre, l’extraction du gaz étant une activité avec une intensité capitalistique forte, c’est-à-dire ayant besoin d’un grand nombre d’actifs, malgré les efforts engagés par les responsables pour freiner la croissance du florin hollandais, les coûts de la main d’œuvre interne ont connu une croissance beaucoup plus rapide que les produits importés, comme le montre cette image rendant le florin, de facto, moins compétitifs.
2° Ensuite, deuxièmement, la croissance des coûts industriels : d’abord, la croissance des salaires, comme indiqué, fut largement encouragée par le gouvernement. Les cotisations sociales ont également connu une importante croissance, faisant augmenter le poids de la contribution sur les entreprises. L’implantation de nouvelles normes environnementale et de sécurité sociales dont les applications représentent un coût important, associé aux éléments mentionnés, ont aussi eu pour conséquence de faire augmenter les coûts sur les entreprises.
3° Finalement, l’augmentation des dépenses gouvernementale. Au travers des taxes et des participations dans des entreprises, une grande partie des revenus liés à l’exploitation des nouvelles ressources gazières, est revenue au gouvernement qui n’a pas hésité à dépenser au profit des allocations sociales, les fonds de pensions, les bénéfices chômages, etc. sans pour autant augmenter les allocations aux investissements ce qui aurait garanti un flux constant de capitaux
Dutch Desease : le fonctionnement
Dans un objectif de simplification et pour schématiser, il nous est possible de réduire l’ensemble des activités économiques d’un État à trois éléments, comme décrits par les économistes à l’origine du terme.
Ces éléments sont :
- Les services, que l’on peut associer à la main d’œuvre et au capital humain,
- Le secteur manufacturier, que l’on peut associer au capital monétaire, numérique ou intellectuel,
- Et le secteur en croissance : généralement l’énergie qui est le produit des ressources souterraines, c’est-à-dire le facteur terre.
L’ensemble des entreprises emploient chacun de ces trois variables à différentes échelles selon leur secteur d’activité.
Tandis que dans le cas d’une entreprise pétrolière, minière, agricole ou de gaz naturel, c'est le facteur terre qui défini la limite maximum de productivité, dans le cas d’un groupe hôtelier, typique du secteur de service, c’est avant tout le capital humain qui sera le facteur limitant.
On voit donc que, étant donné que les ressources au sein d’une économie sont de nature rares, l’allocation d’une ressource au sein d’un secteur représente un manque à gagner pour les autres secteurs, de sorte que l’on est plus à même de comprendre pourquoi le Dutch Desease s’avère généralement négatif pour les pays en souffrant.
En effet, traditionnellement, ce qu’il se passe dès lors qu’une nouvelle ressource très demandée est découverte dans un pays, c’est qu’une certaine part des trois principaux facteurs mentionnés précédemment sera redirigée à l’exploration et à l’extraction de cette nouvelle ressource.
En ce qui concerne la devise, lorsqu’un pays devient un exportateur très important d’une certaine ressource, la valeur de sa monnaie a tendance à rapidement croitre.
En effet, pour pouvoir acheter la production du pays exportateur, les pays importateurs vont devoir accroître leur demande de monnaie locale, ce qui va faire pression à la hausse sur cette dernière.
Si une valeur élevée de la monnaie peut, dans un premier temps, sembler être une bonne nouvelle, en réalité, il convient de prendre en compte les différentes conséquences que cela engendre.
Dans un contexte d’échanges internationaux, une devise plus forte a tendance à stimuler les importations, le dollar américain en est le parfait exemple, tandis qu’une devise plus faible a tendance à stimuler les exportations, les exportations, le renminbi chinois étant également un bon exemple.
Aussi, une devise élevée implique un prix à payer plus élevé pour l’importateur, ce qui, à terme, fini par porter préjudice au pays dont la devise s’apprécie.
En effet, d’un côté, il devient moins cher pour notre pays d’importer les ressources dont il a besoin et, de l’autre, le secteur manufacturier interne doit concourir contre le secteur en croissance, le secteur des services et contre les produits étrangers moins cher pour la population. On assiste à ce moment à forte réduction des exportations du pays concernés qui touchera l'ensemble des secteurs.
C’est exactement ce que l’on a observé du côté des Pays-Bas qui, après une forte croissance des exportations dans les années 70, la courbe a fini par chuter.
Pour couronner le tout, en règle générale, tout gouvernement en place veut satisfaire sa population dans le but se faire réélire. Ainsi, la découverte d’une nouvelle ressource, faisant entrer beaucoup de capitaux dans les caisses de l’État, entraine bien souvent, dans le meilleur des cas, une diminution des taxes ou une augmentation massive des dépenses du gouvernement et, dans le pire des cas, notamment dans les pays en voie de développement et dans les régimes dictatoriaux, une cannibalisation des ressources au travers de la corruption par les classes dirigeante et une augmentation des inégalités au sein des classes sociales.
La population verra rarement les bénéfices de l’exploitation de la ressource qui sera exploitée par des entreprises étrangères qui paieront peu de taxes à la suite de pots de vins versés aux représentants officiels.
Dutch Desease : les conséquences
Compte tenu de ce que l’on vient de voir, tant que l’ensemble de ces trois conditions persiste, c’est-à-dire que la demande de la ressource reste forte, le prix de la ressource et en croissance et que les quantités produites persistent, il n’y a priori pas de problème au syndrome hollandais.
En revanche, lorsque les choses se compliquent, le gouvernement doit dès lors se confronter à deux options dont aucune n’est enviable :
Soit, il s’endette massivement et/ou imprime des liquidités pour tenter de maintenir ses dépenses, précipitant le pays dans l’hyper-inflation.
Soit, il ne fait rien et les tensions au sein de la population augmentera compte tenu de la hausse du chômage, la perte de compétitivité de nombreuses industries et l’appauvrissement du pays.
Si à l’échelle individuelle, dépendre d’une seule source revenue, bien que non conseillé, est soutenable, à l’échelle d’un État, dépendre d’une seule ressource revient à s’attacher une corde autour du cou.
Aujourd’hui, de nombreux pays tombent dans ce qu’on appelle aujourd’hui la mort prématurée du secteur manufacturier. En effet, après la découverte d’une nouvelle ressource, ces pays deviennent extrêmement dépendants de celle-ci. Les investissements internationaux dans le pays ont tendance à se concentrer exclusivement dans ce secteur en croissance et en raison de la divergence entre la valeur interne et la valeur internationale de leurs devises, le secteur manufacturier qu’ils auraient voulu développer grâce à la nouvelle ressource meurt avant même d’avoir connu la croissance.
L’exemple du pire est d’ailleurs sans aucun doute le Venezuela !
Après la nationalisation des réserves de pétrole dans les années 70, la valeur de la devise a augmenté, encourageant les importations et réduisant les exportations. Le gouvernement n’a pas cherché à diversifier ses investissements et le secteur pétrolier fut cannibalisé par la corruption.
Les entreprises financées par le gouvernement étaient devenues des zombies maintenus artificiellement par le gouvernement qui y injectait des capitaux malgré la mauvaise gestion et l’absence d’obligation de rentabilité.
Les dépenses sociales ont explosé, à tel point que le gouvernement s’est adonné à la dette pour financer des dépenses absurdes et impression monétaire, provoquant une situation hyper-inflationniste.
L’inflation était telle qu’elle a même dépassé les 350.000 pour cent sur un an. Christine Lagarde n’a qu’à bien se tenir…
Évidemment, tous les pays disposant de nombreuses ressources naturelles ne sont pas condamnés à finir comme le Venezuela. L’exemple le plus parlant étant sans aucun doute la Norvège.
Si le parcours du pays n’est pas très différent de celui du Venezuela, la Norvège est pourtant aujourd’hui au sommet des classements en termes de joie de vivre, de PIB, de protection salariale, d’espérance de vie et de facilité de lancer des business.
Tout comme le Venezuela, la Norvège a également découvert en 1969 de nombreux gisements pétrolifères en mer de Norvège. Le PIB du pays est passé de 5 milliards à 65 milliards de dollars entre 1960 et 1980.
L’exploitation des ressources s’est fait au travers de l’entreprise gouvernementale Equinor, anciennement StatOil de sorte que l’ensemble des profits dus à l’exploitation sont allés au gouvernement, tout comme notre précédent exemple.
Tout comme le Venezuela, la Norvège a engagé des dépenses sociales, à la seule différence que les dépenses engagées par le pays furent très réfléchies et tournées vers l’avenir.
Étant conscient, que les revenus issus de l’exploitation pétrolière ne seraient pas éternels, le gouvernement a investi ses gains dans un fond souverain qui est aujourd’hui le plus grand au monde avec près de 1.400 milliards de dollars d’actifs. Les actifs en eux-mêmes ne sont pas accessibles par la population ou même le gouvernement et l’ensemble des fonds sont investis exclusivement en dehors du pays et dans des secteurs autres que le pétrolier servant ainsi de protection.
Seuls les bénéfices issus des investissements sont utilisé pour financer les dépenses sociales comme : l’éducation, la santé, la sécurité sociale, etc.
Pour conclure, comme on vient de le voir dans le cas de la Norvège, la découverte ou l’exploitation d’une nouvelle ressource n’a pas à être une fatalité pour un pays. Après des décennies d’existence et les nombreux exemples ou équivalents du Dutch disease observés au cours de l’histoire, la concentration de ressources et la mauvaise gestion ont très souvent été à l’origine du mal.
La solution pour y lutter peuvent se résumer en deux mots : diversification et gestion. De nombreux pays exportateurs l’ont aujourd’hui compris.
Outre le cas de la Norvège, on peut également citer la Chine dont le secteur manufacturier fait beaucoup plus parler que ses exportations de matières brutes, les Émirats Arabes Unis, le Qatar ou encore l’Arabie Saoudite qui tendent également à augmenter la part du tourisme dans leur économie et à favoriser les investissements étrangers dans les secteurs autres que celui des ressources naturelles en implantant des hubs sans compter leurs fonds souverains chargés d’investir dans des entreprises étrangères.
La découverte d’une ressource en abondance dans un pays est dans un premier temps une très bonne nouvelle. Néanmoins, cela peut très vite se transformer en un désastre économique et social pour un pays en l’absence de diversification et de gestion adaptée.
Le Venezuela est très vite le pays auquel on pense lorsque l’on fait, référence, a un pays détruit par sa propre richesse. Des territoires dépendants principalement d’une ressource unique sont légion, notamment les pays du golfe et des pays d’Afrique. Si certains d’entre eux tentent de se protéger contre la dépendance et ses conséquences, seul l’avenir nous montrera qui a su se protéger suffisamment, car comme le dit si bien Warren Buffett : “c’est lorsque la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nu …”
La réserve fédérale américaine lance un système de paiement en temps réel dans la cadre de la première grande mise à jour depuis les années 1970 !
Il s’agit donc de la plus grande avancée depuis des décennies pour le réseau de transfert d'argent américain désuet.
Ce système permettra ainsi aux Américains de transférer de l'argent par voie électronique en quelques secondes, une avancée significative pour un pays où les chèques papier et les espèces restent populaires tandis que les virements bancaires peuvent prendre plusieurs jours.
Cela signifie que les banques et certaines applications permettront d'envoyer de l'argent à tout moment, même les week-ends et les jours fériés, 365 jours par an, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Cependant, seule une fraction des plus de 4.000 banques aux États-Unis ont souscrit à FedNow comme JPMorgan Chase et Wells Fargo.
En quoi consiste ce système ?
Pourquoi est-il instauré seulement maintenant et quels risques cela suppose sur le système financier et monétaire international ?
FedNow et la compensation bancaire
Chaque fois que l’on parle de Réserve Fédérale et des banques centrales, les théories du complot refont surface.
Avec le système FedNow qui est en développement depuis 2019 et qui vient d’être mis à exécution il y a de cela quelques jours, nombreuses sont les personnes craignant que l’on fasse un pas de plus vers la fin du cash et vers le traçage de toutes les transactions par le gouvernement.
Ces préoccupations sont totalement logiques.
La chose importante à savoir à propos de ce nouveau système, c'est que, dans la pratique, pour l'utiliser il n’y a pas d’application à télécharger ou de manipulation particulière à réaliser.
Il suffit d’avoir un compte bancaire auprès de l'une des banques ayant adhéré à ce système et le FedNow sera automatiquement utilisé.
Il faut savoir que jusqu’à maintenant, à quelques exceptions près, les systèmes de paiement en temps réel n’existent pas vraiment ou sont peu développés, qu’il s’agisse des États-Unis, de la France ou quelque soit le pays, notamment chez les pays développés.
En réalité, lorsque l’on effectue un transfert d’argent de notre compte vers le compte d’une autre personne ou d’une société, il n’y a pas immédiatement de transfert d’argent entre les deux banques et cela peut parfois même prendre plusieurs jours.
Ce que fait la banque A lorsqu’on lui demande de transférer de l’argent à une banque B, c’est non pas envoyer de l’argent mais une promesse numérique.
On parle traditionnellement de IOU qui signifie “I Owe You” ou “Je Te Dois” en français.
Il s’agit donc d’un titre en vertu duquel la banque A prend l’engagement d’envoyer de l’argent à la banque B à la fin de la journée.
Arrivé à ce stade, on peut donc se demander : pourquoi ne pas transférer directement de l’argent plutôt que d’attendre la fin de la journée ?
La réponse peut se résumer en deux mots : “Compensation bancaire”.
La compensation bancaire est le mécanisme par lequel les établissements bancaires se règlent entre eux le solde des opérations réalisées par leurs clients.
De manière très schématique, une fois par jour, les comptes sont fait entre ces deux banques, et seul le solde de toutes les opérations réalisées dans un laps de temps défini est échangé.
Imaginons une situation où trois amis partent en voyage en vacances. Ils se répartissent chacun les achats. L’ami A s’occupe de faire les courses et dépense 100 euros, l’ami B s’occupe d’acheter les billets de transport et dépense 70 euros et, finalement, le dernier ami, l’ami C, se charge de payer les différentes activités que nous allons réaliser et dépense 80 euros.
La somme totale dépensée par les trois amis s’élève donc à 250 euros.
Autrement dit, l’ami A doit rembourser 70 euros et 80 euros aux deux autres amis, soit 150 euros. Le problème c’est qu’au total, les amis B et C lui doivent également 100 euros.
Du coup, au lieu de leur donner les 70 euros à l’un, puis 80 à l’autre et demander aux deux autres qu’ils remboursent ce qu’ils doivent, ils vont plutôt attendre la fin de la journée et faire les comptes.
À la fin de la journée, on se retrouve donc avec la situation suivante :
L’ami A doit 70 euros à B et 80 euros à C, l’ami B doit 100 euros à B et 80 euros à C et l’ami C doit 100 euros à A et 70 euros à B.
A doit donc 150 euros et on lui doit 100 euros, B doit 180 euros et on lui doit 70 euros et C doit 170 euros et on lui doit 80 euros. Si l’on déduit ce que chacun doit avec ce que chacun a payé, le solde est le suivant :
A doit 50 euros, B 110 euros et C 90 euros.
Étant donné qu’un total de 250 euros a été dépensé par les amis, cela signifie que pour être à l’équilibre et donc que chacun dépense la même quantité d’argent, il suffit de diviser 250 euros par 3, ce qui nous donne 83,33 euros.
Ainsi, on se rend compte que A ne doit rien à personne et, au contraire, il doit être remboursé de 33,33 euros, par B à hauteur de 26,67 euros et par C à hauteur de 6,67 euros.
Une fois les comptes soldés, on se retrouve donc bien avec 83,33 euros.
Évidemment, dans le cadre du système bancaire, le procédé diffère bien que le principe soit le même.
Plutôt que déplacer de l’argent chaque fois qu’une transaction est effectuée, le but est de déplacer seulement les montants nécessaires à la fin de la journée et cherchant à compenser ce qui est dû entre les différentes entités. D’où le terme de compensation bancaire.
Pour l’anecdote, en France, le système de paiement de détail s’appelle CORE pour “COmpensation REtail” et au niveau pan-européen c’est le fameux SEPA, acronyme anglais de “Single Euro Payments Area”.
FedNow : la grande innovation ?!
Compte tenu de ce que l’on vient de voir, on comprend que le système FedNow doit permettre d'effectuer des virements d'argent instantanément.
Pourtant un système similaire existe déjà depuis plus de cinq ans et il est utilisé par de nombreuses entités financières pour effectuer des virements instantanés.
Il s’agit du RTP, initiales de Real Time Paiement.
Or, il y a de cela quelques jours, le 20 juillet dernier, le deuxième système de paiement en temps réel appelé Fed Now est entré en vigueur.
Autrement dit, le RTP et le FedNow font maintenant la même chose, ils envoient de l'argent en temps réel et ne coûtent que quelques centimes par transaction.
Il existe néanmoins deux différences principales.
La première, c’est que FedNow permet le transfert instantané jusqu'à 500 milles dollars ce qui est bien en deçà de la transaction moyenne d'environ 5 millions de dollars sur le principal service de transfert d'argent de la Fed, le Fedwire, qui est utilisé par les banques, les entreprises et les agences gouvernementales.
La seconde différence qui importe bien plus c’est le fait que RTP appartient à “The Clearing House” détenus par une vingtaine des plus grandes banques mondiales, tandis que FedNow a un seul propriétaire : la réserve fédérale.
Autrement dit, si un système de paiement en temps réel existait déjà pourquoi en créer un autre ?
C'est là que naissent les théories du complot sur une monnaie mondiale unique pour contrôler la population étant donné que ce système nous rapprocherait d'une monnaie numérique de banque centrale.
En effet, si ce système a trait au paiement national, il ne manquerait plus qu’un système international.
Or, à l'international, ce projet a un nom : le Project Cedar, qui se trouve désormais en phase 2.
Ce projet a pour vocation d'améliorer les paiements transfrontaliers, notamment au travers des monnaies digitales de banque centrale.
Il faut savoir qu’il existe un problème avec notre système actuel. Lorsque l’on souhaite envoyer de l'argent à l'international, les virements sont très lents et très coûteux.
Cela peut prendre plusieurs jours pour la simple et bonne raison que lors de l'envoi d'un paiement international, ce paiement peut nécessiter non pas une, ni deux mais jusqu'à trois banques intermédiaires pour vérifier cette transaction tout en passant par diverses conversions de devises.
Donc envoyer de l'argent à l'international n'est pas très efficace ni toujours sûr et certainement pas rapide même pour les banques.
Mais après les tests en phase 1 du Project Cedar, les chercheurs ont découvert qu'ils pouvaient réduire le temps d'une transaction de plusieurs jours à moins de 15 secondes et cela ne leur coûterait que quelques centimes rendant ainsi beaucoup plus efficace l'utilisation de ces monnaies numériques de banque centrale.
Or, les États-Unis ne sont pas le seul pays à le faire et pratiquement tout le système bancaire mondial est en concurrence pour développer sa propre CBDC.
En fait, il y a déjà 11 pays qui ont lancé une CBDC !
32 sont en développement et 46 étudient les données.
Autrement dit, de plus de pays s'impliquent et, au total, il y a 130 pays qui représentent 98 pour cent du PIB mondial.
Ce nouveau système, qui n'est en fait pas si nouveau, donne ainsi aux banques centrales et donc au gouvernement énormément de pouvoirs.
Or, si à la fin des années 60, 77% de la population faisait confiance au gouvernement, notamment celui des États-Unis, désormais, seule 20 pour cent de la population lui font confiance, soit une personne sur cinq.
Le fait est que cette confiance qui s'érode dans le temps, notamment en ce qui concerne l’aspect monétaire est de plus en plus légitime, notamment compte tenu de la gestion calamiteuse qui est en faite actuellement.
On peut d’ailleurs remonter aux années 1930, lorsqu’en 1933, l’Executive Order 6102 fut adopté, en vertu duquel l’or des citoyens fut exproprié sous les Roosevelt.
Un exemple similaire et assez récent concerne notamment le gouvernement canadien en 2022.
En effet, suite aux protestations des camionneurs au Canada, paralysant la capitale, qui ne pouvaient pas partir aux États-Unis s'ils ne se faisaient pas vacciner, le gouvernement avait décidé d’adopter des mesures exceptionnelles au travers de la loi sur les mesures d'urgence parmi les mesures figurait le gel des comptes bancaires des manifestants.
Que l’on soit d'accord ou non avec les protestations et les mesures prises, le fait que les comptes bancaires puissent être gelés en cas de désaccord avec le gouvernement est une mesure particulièrement préoccupante.
La réalité, c’est que le système bancaire actuel a déjà le pouvoir de faire tout cela en cas d'activités illégales comme le blanchiment d'argent ou encore le financement du terrorisme.
Donc les banques ont déjà la capacité de geler certains comptes bancaires. Il n’y a rien de nouveau à cela. Ce que nous devrions surveiller en revanche, c'est si le gouvernement essaie d'éliminer d'autres formes de monnaie et notamment l'argent physique.
Une autre chose qui devrait mettre la puce à l'oreille a trait au contrôle et la surveillance de nos transactions financières.
Par exemple, le yuan numérique, qui est la monnaie numérique de la Banque centrale de Chine, a pour caractéristique d’avoir une date d'expiration, ce qui signifie que si la quantité d’argent n’est pas utilisée avant une date prédéfinie, cette somme est susceptible de disparaître.
Bien que cela puisse sembler étrange, en réalité c'est une manière dont dispose le gouvernement pour contrôler l'inflation.
Ainsi, même si l’inflation est multifactoriel, cette dernière peut se produire notamment lorsqu’il y a un excès de dépenses au sein de l’économie alors que, dans le même temps, la production n’est pas suffisamment élastique, c’est-à-dire que l’offre n’arrive pas à s’ajuster aussi rapidement à la demande qui augmente.
Ce cas de figure, qui a été caractéristique de la période de reprise post-pandémique avec un rupture des chaîne d’approvisionnement et un excès de dépense, a eu pour conséquence de faire croître les prix.
Ainsi, en ayant la possibilité de mettre en place une date d'expiration sur l'argent le gouvernement aurait la capacité de mieux contrôler la demande afin de l’ajuster à l’élasticité de l’offre.
Évidemment, l’on passerait d’un système de vol par l’inflation à un système de vol par péremption de l’argent.
Une chose est sûre, avec le système FedNow, trois risques pèseront sur le système selon un rapport de Moody’s.
1° Premièrement, les institutions financières dépendent fortement des frais liés aux paiements par carte de crédit. Mais si les consommateurs et les entreprises commencent à utiliser FedNow au lieu des cartes, ces revenus pourraient se tarir. En 2022, les commerçants ont payé environ 85,6 milliards de dollars en frais de cartes de crédit.
En effet, il faut savoir que lorsque les commerçants acceptent les cartes de crédit, cela implique de payer des frais à la banque pour chaque transaction.
2° Deuxièmement, FedNow permet des mouvements d'argent en temps réel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Néanmoins, cela suppose des risques notamment en ce qui concerne la sécurité. En effet, avec une utilisation en temps réel, la technologie et le personnel devra évoluer pour surveiller les transactions 24 heures sur 24 afin de se protéger contre les cyberattaques.
Cela portera préjudice aux plus petites banques et institutions qui disposent de moins de ressources.
3° Finalement, des mouvements d'argent plus rapides pourraient également augmenter le risque de panique bancaire. Moody's a noté que les récentes faillites bancaires ont été exacerbées par la rapidité des retraits, qui pourraient se produire encore plus rapidement avec FedNow.
Pour conclure, bien que la réserve fédérale explique que FedNow n’est en aucun cas lié à une monnaie digitale de banque centrale, ni une étape vers l'élimination de toute forme de paiement, y compris en espèces et qu’une telle mesure ne saurait être prise sans l’autorisation d’une loi, de tels risques pourraient ouvrir la porte à l’instauration d’une CBDC.
En outre, qu'on le veuille ou non, les États-Unis se doivent de rester compétitifs vis-à-vis du reste du monde, il n’est plus qu’une question de temps avant que de telles monnaies voient définitivement le jour.
L'économie chinoise se trouve dans une impasse ! Et cela ne devrait pas être une surprise.
La consommation chinoise est en berne, la dette globale est la plus élevée au monde derrière les États-Unis et ne cesse de croître, les risques déflationnistes commencent à se faire sentir, l'investissement des entreprises privées s'érode, le chômage des jeunes atteint des niveaux historiques et comme si cela ne suffisait pas, la croissance chinoise patine et inquiète.
Il est clair que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes et, tandis que de nombreux experts ont vanté la “réouverture” comme une aubaine pour l'économie mondiale, ils ne regardaient clairement pas les graves déséquilibres structurels de la Chine.
Sauf que, désormais, il existe un gros problème : c'est le risque de tomber dans une récession de bilan.
Et à cause de cette récession de bilan, les récentes baisses de taux d'intérêt en Chine, afin de relancer l’économie, pourraient ne pas fonctionner.
Au lieu de cela, cela ne fera probablement qu'amplifier les déséquilibres actuels.
Le Japon a dû faire face à ce même problème au début des années 1990, tout comme les pays occidentaux après 2008.
La preuve en est, l'assouplissement monétaire qui s’est est suivi, tant du côté nippon que du côté américain et européen, s'est avéré assez inutile pour la croissance et n’a fait que créer des bulles d’actifs.
Désormais, c’est la Chine qui semble suivre cette voie.
Qu’en est-il concrètement ? Qu'est-ce qu'une récession de bilan exactement ? Et quel futur attend la Chine dans les années à venir ?
La récession de bilan
En termes simples, une récession de bilan fait référence à une situation économique dans laquelle le principal problème affectant une économie est le fardeau excessif de la dette des ménages, des entreprises ou des deux.
C'est un concept popularisé par l'économiste Richard Koo et il est lié au concept de déflation de la dette décrit par l'économiste Irving Fisher.
Cette situation s’observe particulièrement dans un contexte économique vis-à-vis duquel sont confrontés les pays coincés dans un phénomène de désendettement, situation durant laquelle les agents procèdent au remboursement de la dette et donc la demande de crédit baisse.
Ce phénomène se caractérise par un changement de comportement du secteur privé vers la thésaurisation, c'est-à-dire le remboursement de la dette plutôt que vers la dépense ou l’investissement, ce qui ralentit l'économie par une réduction de la consommation des ménages ou de l'investissement des entreprises.
À ce stade, l'attention n’est plus tant portée vers les facteurs traditionnels, tels que les taux d'intérêt ou la politique budgétaire du gouvernement mais vers les bilans des particuliers et des entreprises, c’est-à-dire le secteur privé.
En règle générale, ces bilans sont grevés de niveaux d'endettement élevés, résultant souvent d'une bulle spéculative sur l'immobilier ou d'autres actifs qui ont éclaté, et les consommateurs se détournent du crédit.
Le terme bilan découle d'une équation comptable selon laquelle, et comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer à maintes reprises, l’actif et toujours, en tout temps et en tout lieu, égal au passif, c’est-à-dire la dette à laquelle s'ajoutent les capitaux propres.
Dans un tel cas de figure, si le prix des actifs tombe en dessous de la valeur de la dette contractée pour les acheter, les capitaux propres doivent être négatifs, ce qui signifie que le consommateur ou l'entreprise devient insolvable.
Autrement dit, jusqu'à ce qu'elle retrouve sa solvabilité, l'entité se concentrera sur le remboursement de la dette ou elle risquera de faire faillite.
On comprend bien que pendant une récession de bilan, la principale préoccupation des ménages et des entreprises est d’assainir leurs bilans en remboursant la dette et en accumulant du cash plutôt qu'en dépensant ou en investissant leur argent.
Cela se traduit donc par une consommation moindre, une diminution des investissements et un manque de production et de demande globale au sein de l'économie.
En conséquence, la croissance économique devient lente voire négative, et le chômage se met à augmenter.
Arrivé à ce stade, cette conjoncture semble certainement familière à un grand nombre d’entre vous !
Et pour cause, la politique monétaire, qui consiste souvent à abaisser les taux d'intérêt pour stimuler le crédit et les dépenses, devient moins efficace dans cette situation parce que l'accent est mis sur la réduction de la dette plutôt que sur la concession de nouveaux crédits.
Cela signifie que si les individus se désendettent, c’est-à-dire qu’ils remboursent leurs dettes, et évitent de nouveaux prêts, les baisses de taux perdent de leur sens.
C’est notamment ce phénomène, que l’on a pu observer aux États-Unis, lors de la crise des subprimes :
Pour autant, on pourrait penser que le fait de rembourser la dette est une bonne chose et cela est vrai, du moins, en règle générale.
Le problème ici, c'est quand tout le monde le fait en même temps.
C'est ce qu'on appelle le sophisme de composition, c'est-à-dire l'erreur de supposer que ce qui est vrai d'un membre d'un groupe est vrai pour le groupe dans son ensemble, ce qui revient à attribuer les propriétés des parties d'un ensemble à l'ensemble lui-même.
Pour mieux comprendre, il s’agit de considérer que, parce que les plumes remplissant un sac de plumes sont légères, alors le sac est léger, les personnes de telle nationalité sont gentils, donc toutes les personnes composant ce pays sont gentils, ou encore, les joueurs de cette équipe sont les meilleurs du championnat, donc il s’agit nécessairement de la meilleure équipe du championnat.
Il en va de même pour la dette. Rembourser sa dette car l’on se trouve dans une situation d’insolvabilité pouvant nous faire tomber en faillite ne signifie pas que rembourser sa dette est forcément et nécessairement une bonne chose.
De ce fait, au fur et à mesure que les individus diminuent leur consommation et leurs investissements pour rembourser leurs dettes, la production et la demande globale dans l'économie chute, ce qui se traduit par une période prolongée d'activité économique morose, de déflation et de faibles taux de croissance.
Pendant ce temps, la faible demande de nouveaux prêts fait encore plus baisser les taux d'intérêt et ainsi de suite.
La Chine entre dans une nouvelle ère
Ainsi, en raison de ce contexte, les baisses de taux d'intérêt en Chine ne feront probablement qu'aggraver ce dilemme.
Selon la théorie économique et monétaire, lorsque la croissance est faible, la baisse des taux d'intérêt devrait stimuler la demande.
L'idée est que les acteurs vont profiter de la baisse des taux d'intérêt pour consommer et investir davantage.
Mais dans le monde réel, cela ne fonctionne pas comme ça dans de nombreux cas : il suffit de regarder le cas du Japon et de l'Europe.
En fait, la réduction des taux d'intérêt aggravera probablement les déséquilibres et il y a deux grandes raisons à cela :
1° Premièrement, l’épargne brute chinoise est particulièrement élevée par rapport à son Produit Intérieur Brut, puisque de 45 pour cent.
Cela signifie que les Chinois épargnent bien plus qu'ils ne dépensent.
La raison est relativement simple et réside dans le modèle économique chinoise qui met l'accent sur les exportations et les entreprises publiques :
La demande des consommateurs reste réprimée, de sorte qu'il existe un important réservoir d'épargne pour alimenter les investissements.
Et bien que cela ait fonctionné lorsque la Chine était largement sous-investie au début des années 2000, elle a maintenant atteint la loi des rendements décroissants.
Cela signifie qu'une grande partie de l'investissement est non rentable et inutile.
C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que la plupart des économistes qui pensaient que le PIB de la Chine dépasserait celui des États-Unis au cours de la prochaine ont en réalité assez mal compris le modèle de croissance de la Chine et la manière dont cette croissance est générée.
Ces derniers l’ont mal compris, de la même manière qu’ils l’avaient mal compris lorsqu'ils prédisaient dans les années 60 que le PIB de l’union soviétique dépasserait le PIB américain au cours des deux décennies suivantes, ou lorsqu'ils effectuaient ce même type de projection avec le Japon au cours des années 80.
Leurs estimations ne prenaient pas en compte le fait qu’à mesure que les niveaux d'investissement restaient supérieurs à ce que l'économie pouvait absorber de manière productive, une part de plus en plus grande de la croissance ne pouvait être créée que par la partie de l'économie qui fonctionnait sous des contraintes budgétaires souples.
Cette “croissance”, entre guillemets, qui n'était en réalité que de l'activité et non de la croissance à proprement parler, dans le sens de valeur ajoutée, ne pouvait exister que tant que le gouvernement et le système bancaire étaient disposés et capables de tolérer une augmentation insoutenable de la dette associée à cette activité.
Cela signifie que dès que les niveaux d'endettement deviendraient trop élevés ou une fois que les décideurs politiques décideraient qu'ils devaient s'attaquer à la dette avant qu'elle ne devienne trop élevée et insoutenable, nous verrions une grande partie de la croissance s'inverser.
C'est pourquoi non seulement la croissance se mettrait à ralentir, mais, en plus, elle se mettrait à ralentir beaucoup plus rapidement qu'on ne l'aurait cru possible.
Non seulement revenir à des taux de croissance durables serait quasiment mission impossible, mais, en plus, c’est la stagnation qui guetterait le pays en question.
Cela explique d’ailleurs pourquoi, même si de plus en plus d'économistes s'accordent à dire que la future croissance du PIB chinois sera bien inférieure aux attentes et à leurs prédictions d'antan, ils ne comprennent toujours pas pourquoi.
Ils pensent que la croissance ralentit en raison de changements apportés à des politiques autrefois bonnes ou à cause de problèmes récemment apparus mais, en réalité, tout cela était prévisible compte tenu du modèle de croissance adopté durant de nombreuses années.
Si tel n’était pas le cas, la dette consacrée au financement des investissements ne serait jamais devenue un problème aussi énorme puisque la croissance de la dette aurait été plus que compensée par une croissance du PIB.
Le ratio d’endettement total de la Chine se trouve d’ailleurs à un niveau record, se rapprochant des 300 pour cent du PIB.
Pour mettre cela en perspective, si la croissance économique et les rendements augmentaient en tandem, le ratio de la dette sur PIB n'augmenterait pas.
Cela nous montre que l'économie chinoise est déséquilibrée et doit plutôt se concentrer sur sa propre économie domestique.
2° Deuxièmement, les banques chinoises, déjà sous pression, ont vu leurs marges nettes d'intérêt, ce que l’on appelle la “NIM”, acronyme anglais de “Net Interest Margin”, tomber à des niveaux très bas.
Actuellement, cet indicateur se trouve l’un de ses niveaux les plus bas.
Or, cet indicateur est d’une importance capitale dans la mesure où il reflète la différence entre les revenus d’un prêt et les coûts de ce même prêt.
Le fait est que les banques chinoises ont déjà constaté une augmentation des prêts non performants et Moody's s'attend à ce que ces perspectives pessimistes perdurent.
En ce sens, si en théorie, des taux de dépôt plus bas devraient contribuer à ce que les marges des banques augmentent, dans un environnement caractérisé par une dette toxique croissante et des investissements non rentables, cela peut aggraver les choses.
Cette situation met en exergue quelque chose de plus fondamentalement préoccupant : un parallèle de plus en plus important avec le Japon des années 1990.
Alors que les épargnants sont pénalisés par des rendements plus faibles, leur appétit de dépenser diminue, comme cela s'est produit au Japon.
Cela se reflète notamment au travers de la confiance des ménages qui s'est effondrée l'année dernière au milieu des fermetures dues au Covid-19 et la réouverture soudaine et catastrophique de Xi Jinping en décembre a non seulement déclenché une vague d'infection, mais elle n'a pas fait grand-chose pour raviver ce sentiment de confiance.
Dans ce contexte, la baisse des rendements de l'épargne risque d'avoir l'effet inverse recherché par les décideurs, soit, une baisse de la demande de crédit.
Le danger est que les ménages pensent qu'ils doivent maintenant augmenter leur épargne pour avoir le coussin dont ils ont besoin pour les dépenses futures, y compris la santé et la retraite.
Ce type de concentration sur la constitution d'actifs plutôt que sur les dépenses est précisément ce que l’on appelle récession de bilan, c’est-à-dire la volonté d'épargner/rembourser la dette et la réticence à emprunter/dépenser.
Il est important de noter que la Chine n'a pas les filets de sécurité sociale dont disposent certains pays occidentaux. Ainsi, les individus doivent épargner davantage, et donc moins consommer, pour se préparer à la retraite et aux frais de santé plus tard dans la vie.
Et comme il y a un nombre croissant de Chinois qui prendront leur retraite dans les décennies à venir, cette tendance ne fera qu'augmenter.
La Chine doit donc trouver un moyen de faire deux choses : raviver la confiance des consommateurs et stimuler la demande intérieure.
Ce défi est de taille dans la mesure où les autorités chinoises ont également fait pression pour une baisse des taux sur les prêts immobiliers dans le but de relancer le secteur immobilier, bien que les transactions ainsi que les prix continuent de chuter.
Tout cela, dans un contexte où les promoteurs ne veulent pas investir et les consommateurs ne veulent pas acheter, notamment après la faillite d'Evergrande, l'un des groupes les plus importants et les plus endettés du pays.
Le secteur immobilier chinois commence maintenant à ressembler quelque peu au Japon des années 1990.
La chute du Japon dans la stagnation comportait plusieurs aspects. L'un était une baisse soutenue des valeurs foncières qui a paralysé le secteur financier de ce pays, car la propriété était la principale garantie de crédit dans ce système.
Un autre élément de la détérioration du Japon était la profonde antipathie de Tokyo à reconnaître l'étendue des créances douteuses dans le système, et la pression exercée par les autorités sur les banques pour éviter de forcer les emprunteurs à s'effondrer.
La leçon des décennies perdues du Japon est que sans un nettoyage de la dette en temps opportun et une stimulation de la demande, l'état d'esprit de désendettement pourrait s'enraciner dans le secteur privé et, après un certain point, même des taux d'intérêt nuls ne pourraient plus aider.
Or, les choses semblent aller dans la direction opposée.
À titre d’exemple, le taux de change entre le dollar et le renminbi chinois s’est apprécié de 6 pour cent sur la dernière année.
De plus, il ne faut pas oublier qu’une telle dépréciation revient à taxer le consommateur chinois car elle augmente les coûts des importations et subventionne les exportations. Si la Chine voulait promouvoir une plus grande demande intérieure, elle devait permettre au renminbi de s'apprécier, d'enregistrer des déficits de comptes courants et de restructurer les créances douteuses.
Mais avec de tels déséquilibres structurels, cela s'avérerait politiquement extrêmement difficile et causerait des difficultés économiques à court terme. Ainsi, le risque ici est que la situation actuelle perdure au fur et à mesure que la récession de bilan s’enracine.
Les sanctions économiques imposées à la Russie ont-elles finalement réussi à briser le pays ?
Cette question se pose alors que des sources du Financial Times révèlent que les paiements en espèces, ou plutôt leur absence, auraient joué un rôle central dans la décision du chef du groupe Wagner, Prigozhin, de marcher sur Moscou.
Le dirigeant tchétchène Kadyrov a même publiquement accusé Prigozhin de privilégier ses intérêts commerciaux plutôt que l'intérêt national.
Ainsi, pourquoi le Kremlin a-t-il cessé de payer Prigozhin ? Est-il possible que le pays soit à court d'argent et que les sanctions commencent finalement à briser la Russie ?
Qu’en est-il concrètement ?
L’état réel de l’économie russe
Pour connaître la situation réelle de l'économie russe ainsi que les dommages que les sanctions lui ont causés, de nombreux indicateurs peuvent être analysés.
Évidemment, afin de mieux voir à quel point les sanctions sont susceptibles d’être réellement dommageables, encore faut-il savoir si les données officielles du PIB sont fiables.
Après tout, les chiffres du PIB de la Russie sont communiqués par le gouvernement russe lui-même.
Le même gouvernement qui assurait, il n'y a pas si longtemps, qu'il n'envahirait pas l'Ukraine. Le même gouvernement qui assurait qu'il n'avait aucun lien avec le groupe Wagner en 2021.
Pour autant, avant l'invasion de 2022, les statistiques économiques de la Russie étaient en fait considérées comme assez fiables, et bien plus fiables que les statistiques chinoises par exemple.
Or, passé cette date, les agences statistiques russes ont commencé à mettre un terme à la publication de certains nombre de données susceptibles de nous renseigner sur l'impact des sanctions bien que les chiffres du PIB continuent d’être communiqués.
Sauf que, désormais, de plus en plus d’analystes commencent à se méfier de ces chiffres dans la mesure où il se pourrait que la Russie ait commencé à manipuler ses statistiques afin de cacher le véritable impact des sanctions.
C’est précisément pour cette raison qu’un grand nombre d’économistes et de journalistes ont immédiatement commencé à chercher des données alternatives qui pourraient refléter une réalité différente concernant l’état de l'économie russe.
L’une de ses approches consiste notamment à suivre la pollution des usines russes à l'aide de satellites.
Vu de l'espace, la plupart des industries russes semblaient être en recul d’en moyenne de 6,2 pour cent l'an dernier, alors même que les statistiques officielles faisaient état d'une augmentation de 1,2 pour cent de la production.
Cet écart s’est avéré particulièrement important notamment en ce qui concerne le secteur automobile, où la pollution a chuté de 16 pour cent en 2022, bien que les statistiques officielles semblent indiquer qu'elle est restée relativement stable.
Évidemment, la pollution n'est pas le signal le plus fiable afin de voir l’état réel de l'économie russe.
En effet, pour obtenir une analyse pertinente, il est nécessaire d’examiner plus de données alternatives et ainsi voir si elles étaient corrélées avec le PIB russe avant l'invasion de l'Ukraine en 2022.
Et c'est exactement ce qu'ont fait les économistes de la Banque Centrale Européenne en construisant un indice alternatif pour l'économie russe qui ne s'appuie pas sur les données fournies par l'agence russe des statistiques officielles.
Au lieu de cela, leur indice s'appuie sur une variété de données différentes qui incluent les données sur la pollution mentionnées précédemment ainsi que des données telles que les statistiques sur les dépenses des cartes bancaires des consommateurs, les données d'importation de partenaires commerciaux, les données sur les ventes de maisons, les recherches Google sur le chômage, etc.
Fait intéressant, alors que leur indice suit plutôt bien les données officielles avant l'invasion de 2022, il commence à diverger à partir de décembre 2021 et finit par être totalement différent à partir de février 2022, date de l'invasion, ce qui suggère que l'économie russe a fait entre 0,2 et 2,9 points de pourcentage de moins que ne le prétendent les statistiques officielles.
Cependant, bien que cette recherche soit vraiment intéressante, elle ne prouve pas non plus que la Russie manipule ses statistiques de PIB et ce, pour deux raisons.
1° La première, c’est qu'il ne s'agit pas d'une étude scientifique à proprement parler, c’est-à-dire évaluée par des pairs. De la même manière que cet indicateur devrait être testé dans plusieurs pays pour tester sa fiabilité.
2° La seconde, c’est que l’indice se concentre sur l'économie civile alors que les dépenses de la Russie se sont massivement déplacées vers l'armée en 2022. Il est donc normal qu’une différence soit perceptible à partir de décembre 2021, moment où la russie commençait à déplacer son armée à la frontière de l’ukraine, préparant sont invasion imminente.
Donc, en résumé, bien qu'il y ait de gros signaux d'alarme concernant les données russes, il n’y a, pour le moment, peu voire pas de preuves que les chiffres officiels du PIB sont manipulés ou qu'ils peuvent s'expliquer par un changement radical vers une économie de guerre.
Par conséquent, pour estimer l'impact des sanctions, les données officielles semblent être suffisamment pertinentes.
La question que l’on peut se poser est donc, quel est l’étendu des dommages des sanctions sur l’économie russe.
Les dommages des sanctions sur l’économie russe
Évidemment, il est très difficile de répondre à cette question.
La raison est relativement simple : à la différence des sciences dures, il n’est pas possible d’avoir de groupes de contrôle et savoir ce qu’il se serait passé en l’absence d’invasion.
Pour se faire une idée, les données disponibles suggèrent que malgré les sanctions infligées par les pays alliés de l'Ukraine, les importations russes de marchandises sont pratiquement revenues aux niveaux d'avant l'invasion.
Quand l'invasion russe a commencé le 24 février, 2022 depuis l'Ukraine les pays alliés ont réagi en appliquant une énorme quantité de sanctions économiques de toutes sortes contre la Russie.
Jusqu'à présent ces sanctions ont augmenté les coûts d'approvisionnement des entreprises et des familles russes rendant difficile pour ce pays l'accès à certains composants critiques.
Ils ont réduit les revenus pétroliers et gaziers du gouvernement et ont stoppé les investissements directs étrangers.
Entre janvier et avril de cette année, les revenus pétroliers et gaziers du gouvernement russe ont diminué de près de moitié par rapport à l'année précédente.
Néanmoins il y a un problème : à court terme, l'effet des sanctions semble être beaucoup plus limité, ce qui a amené beaucoup de personnes à tirer des conclusions hâtives.
Malgré tout, à court terme, les sanctions ne semblent pas être aussi efficaces. Les dégâts qu'elles causent semblent limités, du moins beaucoup plus que prévu, et, en tout cas, elles ne semblent pas être utiles pour forcer le Kremlin à mettre fin à cette guerre.
En fait, les importations russes de marchandises sont pratiquement revenues aux niveaux d'avant l'invasion.
Cela s’explique de deux manière différentes et grâce à l’intervention de deux grands types d’acteurs :
D’un côté, il y a ceux qui remplacent purement et simplement les fournisseurs occidentaux et de l’autre, ceux qui jouent le rôle d’intermédiaires entre la Russie et les marchés occidentaux qui lui sont prohibés.
1° La Chine ou la Turquie sont de bon exemple du premier type d’acteurs :
2° Certains pays sont un bon exemple du deuxième type d’acteurs et, le cas le plus emblématique est sans aucun doute celui de l’Arménie.
En effet, en même temps que ses importations de produits européens se sont envolés, ses exportations vers la Russie ont en fait de même :
Ainsi, en l’état actuel des choses, l’on peut simplement affirmer que l’économie russe se trouve actuellement en récession.
Or, pour s’assurer du lien de causalité entre les sanctions et l’existence de cette récession, encore faudrait-il pouvoir savoir quel aurait été l’état de l’économie russe en l’absence de sanctions et/ou d’invasion.
Ainsi, dans la mesure où cela est impossible, la seule manière de se rapprocher de la réalité consiste à effectuer des estimations et, selon ces dernières, la récession en Russie serait plus proche des moins 7 pour cent.
Pour ce faire, trois techniques différentes sont utilisées pour estimer l'impact des sanctions sur l'économie russe.
La première méthode, la plus populaire, utilisée par les économistes pour calculer l'impact probable des sanctions sur l'économie russe consiste à comparer les performances de l'économie russe aux prévisions concernant ses performances avant la guerre et avant l'imposition des sanctions.
Et, étant donné que les analystes s'attendaient en moyenne à ce que l'économie russe rebondisse de l'impact du Covid en 2022 avec une croissance d'environ 5 à 8 pour cent, et que l'économie s’est contractée de 2,1 pour cent en 2022, alors l'implication logique c’est que, les sanctions et la sont à l’origine d’un manque à gagner de 7 à 10 pour cent de PIB.
Selon la Banque de Finlande, qui a synthétisé ce type d'études, l'estimation moyenne est une baisse de 9 pour cent du PIB russe.
Bien sûr, les faiblesses de cette approche est qu'elle ne sépare pas la guerre des sanctions et qu'elle suppose implicitement que ces prédictions originales allaient être exactes.
Heureusement, les chercheurs de la Banque de Finlande ont également résumé une méthode plus scientifique utilisée par les économistes pour étudier l'impact des sanctions sur la Russie, à savoir créer un modèle mathématique de l'économie russe, puis comparer l'impact des sanctions dans deux simulations de ce modèle.
En moyenne, ces études suggèrent que le PIB de la Russie a diminué d'environ 7 pour cent.
Cependant, bien que cette configuration scientifique puisse être de qualité, le gros défaut ici est que ces modèles sont des simplifications grossières de la véritable économie russe et des sanctions qui lui sont imposées.
Ainsi, la dernière méthode d'estimation est celle consistant à évaluer l'impact de la guerre et des sanctions en examinant les données du pétrole.
En effet, dans la mesure où l'économie russe est extrêmement dépendante des prix de l'énergie, qui sont étroitement liés au prix du pétrole, l'ensemble de ses performances économiques était autrefois fortement corrélé aux prix du pétrole.
La croissance du PIB réel en Russie a toujours été étroitement corrélée au prix réel de ses exportations de pétrole. Il existe une forte corrélation positive d’avant-guerre entre les deux variables.
La croissance russe a enregistré de mauvais résultats au cours de la période où les prix du pétrole ont chuté après 2015, mais elle était plus élevée au cours de la période précédente, lorsque les prix du pétrole se situaient généralement en moyenne autour de 80 à 100 dollars le baril et le PIB réel du pays en moyenne autour de 4 pour cent par an.
Ainsi, une croissance de 4 pour cent est une référence brute de la croissance du PIB de la Russie en 2022 si l'invasion n'avait pas eu lieu puisque les prix se trouvaient au-dessus de ce niveau.
Compte tenu de la croissance négative annoncée en 2022 de moins 2,1 pour cent et des prévisions pessimistes pour 2023, ce calcul très simple suggère à nouveau une chute de 7 à 9 pour cent du PIB au début de 2023.
On peut donc dire que la combinaison de ces différentes données montrent que l’état de l’économie russe pourrait être inférieur à ce que laissent croire les données officielles.
Cependant, étant donné que ces estimations sont si incertaines, il convient de les prendre avec des pincettes bien qu’elles soient nécessaires.
D’ailleurs, cela est susceptible d'expliquer pourquoi, après la baisse des prix du pétrole, le gouvernement russe avait de plus en plus de mal à continuer de respecter ses engagements financiers et de payer ses factures.
Poutine a récemment admis avoir payé Wagner environ un milliard de dollars par mois.
L'impact des sanctions pourrait donc expliquer la volonté du Kremlin de réduire les paiements au groupe Wagner débouchant sur la rébellion du groupe paramilitaire.
Bien que les sanctions ne soient pas aussi efficaces qu’espérées, elles semblent bien être à l’origine de certains débordements au sein du pays qui souhaite éviter d'emprunter davantage,
et se tourne désormais vers les grandes entreprises et célèbres oligarques afin de lever des fonds supplémentaires.
Ainsi, il se pourrait bien que Prigozhin et son groupe Wagner étaient l'une de ces entreprises vis-à-vis de laquelle l'État essayait de soutirer de l'argent et réduire les paiements.
Donc, oui, compte tenu des informations limitées dont nous disposons, il se pourrait que les sanctions commencent de plus en plus à jouer un rôle dans le chaos actuel que nous observons en Russie.
Cela étant dit, d'autres explications tout aussi plausibles peuvent être données. En effet, il existe une riche histoire d'exemples où de mauvaises performances de guerre ont conduit à des conflits internes.
Par exemple, il se pourrait très bien que le ministère russe de la Défense ait réduit les paiements de Wagner parce qu'il se sentait menacé par l’importance accrue du groupe paramilitaire.
Cela aurait du sens, étant donné que le groupe wagner avait refusé de signer un contrat avec le ministère de la défense visant à placer le groupe sous son joug et un jour après cette décision, c’est le groupe tchétchènes qui signa ce contrat.
C’est un fait indéniable, la Chine a énormément de réserves de change dans ses coffres !
Pour être plus précis, la Chine accumule aujourd’hui plus de 3.000 milliards de dollars de réserves.
Sauf qu’en réalité, les chiffres officiels diffèrent grandement des chiffres officieux et notamment de ce que l’on appelle couramment les réserves fantômes qui n'apparaissent pas dans les livres officiels de la Banque populaire de Chine.
Ces fonds ont été cachés dans les banques d'État et ont largement échappé à toute analyse.
Le fait est que la Chine est si grande que la façon dont elle gère son économie et sa monnaie compte énormément pour le reste du monde.
Pourtant, au fil du temps, la façon dont elle gère sa monnaie et ses réserves de change est devenue beaucoup moins transparente, créant de nouveaux types de risques pour l'économie mondiale.
Qu’en est-il concrètement ? Qu’est-il en train de se passer et quelles pourraient être les conséquences ?
La Chine et ses réserves de change
De 2002 à 2012, la banque centrale chinoise était particulièrement active sur le marché des devises.
En effet, durant cette décennie, la Banque Populaire Chinoise intervenait pratiquement tous les jours, en achetant notamment des dollars afin d’empêcher la monnaie chinoise de s’apprécier et pour s'assurer que les exportations du pays pouvaient continuer de se vendre à l’international à des prix très abordables.
Au cours de cette période, les réserves de change de la Chine ont régulièrement augmenté et il en a été de même pour les avoirs chinois de dettes américaines ou de dettes dites titrisées et émises par des agences implicitement soutenues par le gouvernement de l’Oncle Sam comme Freddie Mac et Fannie Mae par exemple.
À l’époque, les économistes craignaient que l'intervention de la Chine sur le marché des devises ne maintienne le commerce déséquilibré. En effet, ces derniers craignaient que la Chine ne vende ses réserves en dollars dans un moment de tension géopolitique, transformant faisant tomber le monde et notamment les États-Unis dans une crise financière profonde.
Or, une chose amusante s'est produite au cours des dix dernières années : les réserves de la Chine ont cessé d'augmenter.
En effet, à partir de 2014, les réserves de change déclarées par la banque centrale ont atteint un pic avant de chuter jusqu’en 2016 pour finalement rester stables depuis lors.
Oui mais voilà …
Cette stabilité des réserves déclarées par la Chine est un véritable casse-tête. Malgré tous les discours qu’il est possible d’entendre sur la démondialisation, l'excédent des exportations chinoises est en fait à un niveau record.
Le véritable excédent du compte courant de la Chine est probablement supérieur aux 400 milliards de dollars que la Chine rapporte officiellement.
Tout comme la Chine a des "banques fantômes", on parle aussi de “shadow banks”, c’est-à-dire des institutions financières qui agissent comme des banques mais qui ne sont pas soumises à la réglementation des banques, la Chine a ce qu'on pourrait appeler des "réserves fantômes" ou “shadow reserves”.
Ainsi, au travers de ces deux mécanismes, c’est-à-dire “shadow banks” d’une part et “shadow reserves” de l’autre, tout ce que la Chine fait sur le marché n'apparaît plus dans le bilan de la banque centrale.
Le problème c’est que ce manque de transparence de la part de la Chine suppose de nombreux problèmes pour le reste du monde.
La Chine est structurellement si importante au sein de l'économie mondiale que tout ce qu'elle fait, qu’on parvienne à le voir ou pas, fini par avoir un impact énorme sur le reste de la planète.
L’exemple le plus illustratif est sans aucun doute celui ayant trait à la crise des subprimes en 2008. En effet, à l’époque, la Chine achetait massivement de la dette américaine, ce que l’on observe au travers des surfaces vertes et bleues, ce qui faisait pression à la baisse sur les rendements obligataires poussant les investisseurs privés à se tourner vers des titres toujours plus risqués, contribuant ainsi à créer les conditions qui ont provoqué le choc de 2008.
Ce n’est qu’après cet événement, que la Chine a décidé de diversifier ses réserves donnant naissance aux nouvelles routes de la soie, à partir de 2013, poussant les banques à adopter de nouvelles politiques visant à aider Pékin à utiliser ses réserves étrangères accumulées.
Ainsi, alors que les réserves de change peuvent sembler n'intéresser que les économistes, leur gestion et leur utilisation peuvent avoir d'énormes effets dans le monde réel. Ils sont une force économique suffisamment puissante pour qu'un plan d'infrastructure complet, mondial et de plusieurs décennies n'ait été, à certains égards, qu'un effet secondaire d'une décision de 2009 de trouver de nouvelles façons de gérer les réserves étrangères de la Chine.
Les réserves fantômes de la Chine
Arrivé à ce stade, on comprend donc qu’il serait naïf de croire qu’aujourd’hui la Chine se défait de ses réserves de changes ou qu’elles sont stables depuis maintenant près de 10 ans.
Du coup, la question que l’on peut se poser est : comment un pays parvient-il à faire disparaître ses réserves de change ?
Une façon assez simple consiste tout simplement à créer un fonds souverain. Auquel cas, la banque centrale vend ses réserves à une agence gouvernementale qui a pour mandat d'investir dans des actifs hors de la comptabilité prenant en compte les réserves.
Évidemment, la Chine a créé son fonds souverain appelé la China Investment Corporation, ou CIC, en 2007 bien qu’il ne s’agisse pas de sa principale façon de cacher ses réserves.
En effet, la principale façon que la Chine utilise pour cacher ses réserves, c’est son grand système bancaire d'État.
Il faut savoir que lorsque la République populaire a été instaurée, durant de nombreuses années, il n'y avait pas vraiment de distinction entre la banque centrale d’un côté et les banques d'État de l’autre. L’ensemble des entités faisaient tout simplement partie du gouvernement.
Ainsi, la Chine utilise trois manières différentes pour ses “shadow reserves” :
1° La première façon consiste à placer l'argent dans les banques commerciales d'État.
Bien que cette histoire soit souvent oubliée, il existe en fait une étroite relation, notamment au cours des années allant de 2003 à 2008, entre la Banque Centrale Chinoise et les banques commerciales d'État, dont les quatres principales sont la Banque industrielle et commerciale de Chine, la Banque de construction de Chine, la Banque agricole de Chine et la Banque de Chine et qui sont d’ailleurs la quatre banques les plus importantes de la planète.
En fait, en 2003, la Chine a utilisé 45 milliards de dollars de ses propres réserves, une somme particulièrement élevée pour l'époque, afin de recapitaliser la Banque de Chine et, en 2005, la Banque de construction de Chine avait, elle aussi, profité de 15 milliards de dollars de réserves.
La Banque Centrale Chinoise a également transféré environ 150 milliards de dollars de réserves aux banques commerciales d'État à la fin de 2005 et au cours de l'année 2006.
Et, finalement, entre 2007 et 2008, la Banque Centrale Chinoise a plus ou moins contraint les banques à détenir 200 milliards de dollars de leurs réserves obligatoires en dollars alors même qu'à l'époque les banques n'avaient pas beaucoup de dépôts en dollars.
Au total, fin de 2008, le gouvernement chinois disposait d'environ 400 milliards de dollars de réserves “fantômes”. Un montant qui peut sembler faible de prime abord, mais qui représentait tout de même l’équivalent de 10 pour cent du PIB chinoise à l’époque !
2° La deuxième façon consiste à placer de l’argent dans les deux “policy banks”, c’est-à-dire des banques institutionnelles liées au gouvernement.
Après la crise financière mondiale de 2008-2009, la Chine a mis en place une nouvelle stratégie pour utiliser ses réserves de change excédentaires : remettre une partie de ses devises à ses deux “policy banks”, c’est-à-dire la Banque de Développement de Chine et la Banque d’Exportation et d’Importation de Chine, afin qu'elles puissent soutenir l’investissement chinois à l'étranger.
L'un des premiers signes de ce changement de politique est survenu lorsque la Banque de développement de Chine a commencé à prêter d'énormes sommes pour soutenir une augmentation de la production mondiale de pétrole afin de répondre aux besoins de l'économie chinoise en pleine croissance.
“Depuis 2009, la Banque de développement de Chine a accordé des lignes de crédit totalisant près de 75 milliards de dollars à des sociétés énergétiques nationales et à des entités gouvernementales au Brésil, en Équateur, en Russie, au Turkménistan et au Venezuela. La compagnie pétrolière d'État russe, par exemple, a obtenu un prêt de 15 milliards de dollars pour développer sa production en Extrême-Orient, et la société russe d'oléoducs a obtenu 10 milliards de dollars pour construire un oléoduc pour amener le pétrole sur le marché. Le Venezuela a obtenu au moins 30 milliards de dollars, tandis que l'Angola a obtenu plus de 20 milliards de dollars”.
Ces deux “policy banks” chinoises ont également accordé des quantités massives de crédits à l’intérieur du pays afin d’acheter des équipements de télécommunications. Cela a contribué à l'expansion mondiale d'entreprises comme Huawei, qui dispose d'une ligne de crédit d'au moins 30 milliards de dollars auprès de la Banque Chinoise de Développement.
Si rien de cela n’est secret dans la mesure où depuis 2013 avec le lancement des nouvelles routes de la soie, les initiatives sont publiques, ce qui n'est pas aussi bien connu, c'est que les prêts à l'étranger des “policy banks” ont également servi, en fait, à cacher certaines des réserves de la Chine.
En effet, chaque fois que la Chine prête de l'argent à l’une de ses deux “policy banks”, au niveau de la comptabilité, ces réserves disparaissent des réserves officielles de la Chine.
Le problème, c’est que, suivre les mouvements des “policy banks” est bien plus complexe que de suivre les mouvements effectués par les banques commerciales d’État présentées précédemment.
Ainsi, ces fonds cachés, adossés à des devises sorties des avoirs de réserve de change de la banque centrale chinoise, sont probablement l’une des principales raisons pour lesquelles les réserves déclarées de la Chine sont stables depuis maintenant plusieurs années.
Si, de prime abord, il peut sembler logique de ne pas déclarer ces réserves comme étant les réserves officielles de la Chine, le fait que la Chine ne tienne pas de comptabilité séparée biaise inévitablement les statistiques et l’ampleur réelle des montants détenus.
3° Finalement, la dernière façon utilisée par la Chine pour accroître ses “shadow reserves” consiste à convaincre les banques commerciales d'État d'agir comme la banque centrale.
Ces banques détiennent désormais plus de 1.100 milliards de dollars d'actifs étrangers.
En outre, une chose étrange à propos de ces dépôts, c’est qu'ils n'agissent pas comme des dépôts normaux.
En effet, en temps normal, lorsque les taux augmentent, le montant des dépôts à tendance à baisser. C’est ce que l’on observe par exemple aux États-Unis où les taux se sont envolés et, dans le même temps, le volume des dépôts s’est effondré.
En revanche, du côté de la Chine, les volumes de dépôts en dollars ont augmenté lorsque les taux d'intérêt américains étaient inférieurs au taux chinois, et ont récemment baissé même si les taux américains sont désormais supérieurs à ceux de la Chine.
En d’autres termes, le bilan des banques commerciales d'État ressemble étrangement au bilan d'une banque centrale qui agit sur le marché pour stabiliser la valeur de sa monnaie.
Une chose est sûre, au total, les institutions qui relèvent du gouvernement central chinois ont probablement plus de 6.000 milliards de dollars d'actifs étrangers, soit le double, par rapport aux 3.000 milliards de dollars rapportés par les données officielles.
Ce total comprend donc à la fois les actifs étrangers des banques commerciales d'État, ceux des banques stratégiques d'État et du Fonds souverain chinois.
Finalement, et pour terminer, on peut légitimement se demander s’il est nécessaire de s'inquiéter !
La réalité, c’est que la Chine est une économie tellement grande et tellement déséquilibrée que toutes ses activités ont un impact mondial démesuré.
Les réserves fantômes de la Chine sont particulièrement importantes. Plus grandes encore que les réserves officielles du Japon, le deuxième plus grand détenteur de réserves au monde. Plus grandes que les actifs sous gestion du fonds souverain de Norvège, le plus grand fonds souverain au monde.
Il n'est donc pas surprenant que ces réserves massives de changes soient au centre des débats les plus intéressants. La contribution de la Chine au surendettement mondial est fonction du détournement des devises du marché obligataire américain vers les prêts aux infrastructures mondiales.
Pourtant, les banques chinoises ont accès à tant de dollars que les banques commerciales d'État chinoises en sont venues à jouer un rôle important dans le financement d'autres banques mondiales par le biais d'échanges de devises, ce que la Banque des règlements internationaux appelle la dette cachée, alors même que les “policy banks” faisaient des pays à faible revenus leur terrain de jeu.
La conclusion, c’est que se limiter uniquement aux avoirs de dettes américaines déclarés par la Chine pour en tirer des conclusions, c’est passer à côté de l'essentiel de la présence financière mondiale chinoise.
L'ampleur de ces réserves cachées, c’est-à-dire les actifs en devises étrangères qui ne sont pas officiellement considérés comme des “réserves”, met également en évidence un fait important qui est souvent oublié au milieu de toutes les discussions sur les problèmes de dette intérieure de la Chine.
À l'échelle mondiale, la Chine est toujours un créancier massif, et le poids de l'accumulation massive de devises étrangères de la Chine se fait toujours sentir autour de la planète.
Les prix du pétrole ont pris un sacré coup depuis maintenant un an !
Le pétrole brut Brent, traditionnellement utilisé pour fixer le prix d'environ les deux tiers de l'approvisionnement mondial en pétrole échangé au niveau international, s’est effondré à 74 dollars après avoir atteint un sommet à 120 dollars soit, une chute de près de 40 pour cent !
Or, aussi curieux que cela puisse paraître, il n’y a rien d’étonnant à cela, alors même que l’Arabie Saoudite annonçait en début de mois une coupe supplémentaire d’un million de barils par jour afin de doper les cours de l’or noir.
En fait, la raison est simple : chaque fois que l'Arabie saoudite annonce des réductions, en réalité, cela revient à subventionner les producteurs mondiaux de pétrole à ses propres dépens.
Qu’en est-il concrètement ?
Pourquoi le marché du pétrole continue de chuter alors même que l’OPEP fait tout pour que le contraire se produise et quel est le dilemme auquel est confronté l’Arabie Saoudite ?
L’OPEP face au dilemme du prisonnier
Bonjour à toute la communauté et bienvenue pour une nouvelle vidéo, je suis Mathieu de la chaîne Libre&Riche !
Il fut un temps, notamment dans les années 1970, où l’Arabie saoudite et l'OPEP, c’est-à-dire l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétroles, fournissaient environ 60 pour cent du marché mondial du pétrole.
Or, cette période est aujourd’hui révolue et les parts de marché de l’organisation se trouvent désormais sous les 38 pour cent.
Ainsi, l’OPEC, considérée comme un cartel visant à réguler la production et le prix par un effort coordonné de ses pays membres, notamment en instaurant un système de quotas de production, se retrouve aujourd’hui coincé dans ce qu'on appelle le “dilemme du prisonnier”.
Ce dilemme du prisonnier qui nous vient tout droit de ce que l’on appelle la théorie des jeux est pourtant très souvent sous-estimé voire oublié par un grand nombre d’analystes.
Ce phénomène met d’ailleurs en exergue la raison pour laquelle la logique du marché fait que tout regroupement d’intérêts similaire finit tôt ou tard par être détruit.
En termes simples, le dilemme du prisonnier est un concept de théorie des jeux inventé par le mathématicien Albert Tucker pendant la guerre froide en 1950 comme un moyen d'aider à prendre des décisions stratégiques.
Il s'agit essentiellement d'une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où, en l'absence de communication entre les deux joueurs, chacun choisira de trahir l'autre si le jeu n'est joué qu'une fois.
Autrement dit, les décideurs individuels sont toujours incités à choisir la solution qui crée le résultat le moins optimal pour le groupe.
L’exemple le plus couramment donné est celui où deux hommes sont arrêtés car soupçonnés d’un même crime mais la police n'a pas de preuves pour les inculper. Les hommes sont donc emprisonnés et retenus dans des cellules séparées sans pouvoir communiquer l’un avec l’autre.
L'autorité pénitentiaire offre à chacun des prisonniers l’un des trois choix suivants :
1° Si un seul des deux prisonniers dénonce l'autre, il est remis en liberté alors que le second obtient la peine maximale de 10 ans,
2° Si les deux se dénoncent entre eux, ils seront condamnés à une peine plus légère de 5 ans,
3° Si les deux refusent de dénoncer, la peine sera minime puisque de 6 mois, faute d'éléments au dossier.
Cette situation peut ainsi être représentée au travers de ce tableau :
On voit donc que, pour les condamner, la police a besoin qu'au moins l'un d'eux passe aux aveux ou témoigne contre l'autre.
Maintenant, en supposant que les suspects soient rationnels, ces derniers sont censés plus valoriser leur propre liberté par rapport à celle des autres.
Ainsi, ils ont chacun deux options : avouer ou se taire.
Si les deux restent silencieux, en raison de l'absence d'aveux, la police condamnera les deux à beaucoup moins de temps de prison : un scénario optimal d’un point de vue du groupe ou les hommes sortent finalement gagnant-gagnant.
Mais comment les suspects peuvent-ils être sûrs de ce que l'autre dit ou ne dit pas ?
Si le suspect numéro 1 parle, il sera libéré tandis que le suspect numéro 2 partira en prison pour 10 ans et inversement si le suspect numéro 2 parle et le suspect numéro 1 se tait.
Pendant ce temps, si les deux finissent par avouer, essayant de se sauver, ils purgeront chacun plus de temps que s’ils n’avaient rien dit : une situation sous-optimale où les deux hommes sont perdants-perdants.
Ainsi, le dilemme du prisonnier illustre les défis de la coopération lorsque des individus ou des groupes d’individus sont confrontés à des intérêts conflictuels.
Parfois, choisir son propre intérêt peut n’être d'aucune utilité si les autres ne pensent également qu'à leur propre intérêt.
Et d'un autre côté, penser à l’intérêt du groupe alors que les autres membres du groupe ne pensent qu'à leur propre intérêt pourrait également nous être préjudiciable.
Ainsi, ce dilemme du prisonnier nous donne une excellente illustration de ce à quoi sont confrontés les pays de l’OPEP et notamment l’Arabie Saoudite lorsqu’elle annonce sa volonté de réduire la production de pétrole.
En effet, chaque fois que l'Arabie saoudite et l'OPEP annoncent des coupures de production de l’or noir, dans la pratique, cela revient à subventionner les producteurs mondiaux à leurs dépens.
Il faut savoir que l'OPEP a été fondée à Bagdad, en Irak, avec la signature d'un accord en septembre 1960 par cinq pays, à savoir la République islamique d'Iran, l'Iraq, le Koweït, l'Arabie saoudite et le Venezuela.
Ce n’est que par la suite que ces pays ont ensuite été rejoints par le Qatar, l’Indonésie, la Libye, les Émirats arabes unis, l’Algérie, le Nigéria, l’Équateur, le Gabon, l’Angola, la Guinée équatoriale et plus récemment, le Congo.
Officieusement, d’autres pays comme la Russie, le troisième plus grand producteur de pétrole de la planète, ou encore le Mexique, ont adhérés de manière informelle à la fin de 2016, suite au boom du pétrole de schiste portant les États-Unis à la première place des plus grands producteurs de pétrole au monde, créant ainsi l’OPEP+.
De ce fait, l’OPEP qui, à l’origine, a été délibérément formé pour veiller au maintien des prix du pétrole au niveau désiré tout en conservant ses parts de marché ne se trouve plus dans la même position de force qu’auparavant.
En effet, l’Arabie saoudite et l'OPEP n'ont plus autant de pouvoir sur les prix qu’à l’époque.
En fait, pour qu’un cartel fonctionne encore faut-il que le groupe ait un pouvoir de fixation des prix quasi-total sur un marché et qu'ils coopèrent les uns avec les autres.
Mais l'Arabie saoudite et l'OPEP ont vu leur part de marché diminuer au cours des 50 dernières années. Leur influence n'est donc plus ce qu'elle était.
Des pays comme les États-Unis, le Mexique, le Brésil, la Russie et la Chine ont tous connu une augmentation spectaculaire de la production de pétrole au cours des 15/20 dernières années.
Et cela est devenu particulièrement évident après 2010.
Pour rappel, entre fin 2010 et mi-2014, le prix du pétrole brut Brent se trouvait au-dessus des 100 dollars le baril.
Une situation qui a très largement bénéficié au schiste américain qui a finalement été le grand gagnant.
En effet, l’objectif politique de l'OPEP s’est retourné contre lui.
On l’a vu, l’ambition de l’OPEP est de modérer l'offre d’or noir pour maintenir les prix artificiellement plus élevés.
Sauf que pour maintenir les prix plus élevés, il est nécessaire de réduire la production, c’est-à-dire diminuer l'offre par rapport à la demande.
Le problème ?
Au fur et à mesure que l'on réduit la production, cela revient à ouvrir grand la porte à d'autres acteurs qui peuvent désormais venir s'emparer de parts de marché.
Par exemple, si la demande mondiale de pétrole est de 100 millions de barils par jour, et que l'Arabie saoudite et l'OPEP réduisent de 2 millions de barils par jour, cette demande supplémentaire par rapport à l'offre est censée faire monter les prix ce qui offre des opportunités d’arbitrages à d’autres pays producteurs pour, soit lâcher des réserves de pétrole qui peuvent désormais être vendues à des prix plus élevées, soit augmenter la production de 2 millions de barils et de gagner la part de marché précédemment détenue par l’OPEP.
Ainsi, chaque fois que l'Arabie saoudite et l'OPEP réduisaient leur production pour maintenir les prix plus élevés, cela revenait en fait à perdre des parts de marché, tout en subventionnant le schiste américain et le pétrole russe.
On le voit d’ailleurs, chaque fois que les pays du golfe s’amusent à jouer avec leur production de pétrole,les États-Unis, en profitent pour augmenter leur production et taper dans leurs réserves, accroissant d’autant leurs parts de marché.
C’est ainsi qu’après avoir réalisé qu'ils perdaient des parts de marchés, l'Arabie saoudite et l'OPEP ont décidé fin 2014 d'arrêter de couper leur production et, au lieu de cela, augmenter la production de pétrole pour essayer de noyer le schiste américain
innondant ainsi le monde d’or noir provoquant une surabondance mondiale de pétrole et faisant chuter les prix du brent chutent de 70 pour cent en l’espace de 18 mois.
Le problème, c’est que cette stratégie n’a pas eu les effets escomptés.
En fait, l'Arabie saoudite a perdu davantage de parts de marché pendant que les autres producteurs de pétrole ont continué d’accroître leur offre et le schiste américain s'est avéré beaucoup plus résistant à long terme.
Tout cela, sans compter les désagréments existants entre les membres mêmes de l’OPEP+.
Par exemple, il n'y a pas si longtemps, en 2020, l'Arabie saoudite et la Russie étaient en pleine guerre des prix ce qui avait contribué au krach du marché.
Cela permet ainsi de souligner à quel point il est important de comprendre les intérêts divergents et les politiques contradictoires entre les différents producteurs de pétrole.
Cela permet d’ailleurs de mettre en exergue qu’il est loufoque de croire que les BRICS auraient des intérêts communs et seraient alignés dans un objectif commun de réduction de leur dépendance à l’occident alors qu’en réalité, il existe une interdépendance mondiale tant des pays occidentaux vers les pays émergents que des pays émergents vers les pays occidentaux.
Les enjeux du marché du pétrole
Arrivé à ce stade et compte tenu de ce que l’on vient de voir, il est évident qu’il existe deux problèmes fondamentaux avec l'OPEP et l'OPEP+.
1° Premièrement, les revenus pétroliers constituent la majeure partie des revenus de plusieurs pays producteurs de pétrole. Ainsi, leurs budgets publics et leurs réserves en dollars dépendent de la production pétrolière.
2° Deuxièmement, la plupart de ces pays ont nationalisé leur production de pétrole. Par conséquent, l'État est dépendant de l’or noir et peut choisir arbitrairement des objectifs de production alors que, par exemple, aux États-Unis et au Canada, il n'y a pas de contrôle obligatoire de la production de pétrole.
Ainsi, dans ce contexte de cartel, les pays membres sont confrontés à un dilemme lorsqu'ils décident des niveaux de production d’or noir.
Chaque pays est incité à maximiser sa propre production pétrolière pour augmenter ses propres revenus et gagner de plus grandes parts de marché.
L'OPEP tente ainsi de résoudre ce dilemme par la coopération et la prise de décision collective.
L'organisation, sous la tutelle de l'Arabie saoudite, fixe ainsi des quotas de production pour les pays membres, visant à stabiliser les prix du pétrole et à maintenir un marché équilibré. En limitant la production, l'OPEP tente de cette manière à gérer les niveaux d'approvisionnement et à soutenir la hausse des prix du pétrole : une situation considérée comme gagnant-gagnant.
Cependant, la dynamique du dilemme du prisonnier entre en jeu lorsque chaque pays considère ses propres intérêts !
Par exemple, si un pays décide de dépasser son quota de production, comme ce fut le cas de la Russie en 2020, et d'augmenter sa production, il peut en bénéficier en capturant des plus grandes parts de marché et potentiellement d’accroître ses revenus aux dépens du groupe.
Mais si chaque pays triche, parce qu'ils ne savent pas si les autres respectent les réductions de production, cela peut inonder le marché de pétrole : une situation considérée comme perdant-perdant.
Ce phénomène crée donc des tensions au sein de l’organisation : chaque membre essayant de trouver un équilibre entre la maximisation de ses propres intérêts et le maintien de la stabilité du marché pétrolier.
Or, le fait de vouloir prioriser ses propres intérêts se produit plus fréquemment que ce que l’on pourrait croire.
L’Arabie saoudite et l'OPEP sont souvent confrontées à des difficultés pour faire respecter les quotas de production et empêcher les comportements de passager clandestin, certains pays dépassant leurs limites tandis que d'autres les respectent : certains finissent gagnants tandis que d’autres finissent perdants.
Cette situation s’est reproduite une énième fois en début de mois avec l’Arabie saoudite qui a annoncé de nouvelles réductions de l'approvisionnement en pétrole d'environ 1 million de barils par jour à compter de juillet et de les prolonger jusqu'en 2024.
Mais d'autres pays de l'OPEP+ ne voulaient pas réduire la production de pétrole puisqu'ils dépendent de ces revenus.
De la même manière, on peut voir qu’aujourd’hui, le cartel du pétrole courtise la Guyane pour que le pays devienne un nouveau membre, dans le but d'étendre l'influence du bloc alors que la Guyane est soudainement devenue le producteur de pétrole à la croissance la plus rapide au monde.
Or, le président du pays d'Amérique centrale a clairement laissé entendre ne pas vouloir adhérer, son but étant de maximiser sa production étant donné que la demande de pétrole devrait diminuer au cours des prochaines décennies.
Pendant ce temps, les exportations russes de pétrole brut ont augmenté alors qu'elles auraient dû baisser par rapport aux réductions promises de 2023.
En fait, selon Bloomberg, les flux de brut russe vers les marchés internationaux restent élevés et sont toujours supérieurs de plus de 1,4 million de barils par jour à ce qu'ils étaient à la fin de l'année dernière.
D’ailleurs, cela n’est pas passé inaperçu puisque l'Arabie saoudite en a de plus en plus marre de la Russie qui continue de dépasser ses quotas d'approvisionnement, ce qui exerce une pression à la baisse sur le prix du pétrole et ronge la part de marché de l'Arabie saoudite en Asie.
Pourtant, en observant cette situation sous l'angle du dilemme du prisonnier, cela a du sens.
Les Russes ont tout intérêt à laisser les Saoudiens et l'OPEP réduire leur production, faisant ainsi grimper les prix sur les marchés afin d’en récolter les fruits au travers de marges plus élevées, permettant ainsi à Poutine de financer ses ambitions belliqueuses.
En outre, compte tenu de la décote de prix entre le pétrole russe oural et le pétrole brent d’environ 20 dollars, en raison des sanctions, la Russie a tout intérêt à produire plus afin d’augmenter les volumes de vente pour compenser des prix plus faibles.
Le problème c’est que cela choque frontalement avec les intérêts de l’OPEP et de l’Arabie Saoudite qui, à chaque coupe de pétrole que l'OPEP essaie de mettre en place, se retrouve dans une situation où elle subventionne les productions pétrolières américaines, russes et brésiliennes, qui ne cessent d’augmenter ces dernières années.
Il n’est donc pas étonnant que les tensions montent au sein de l'OPEP.
Ces pays ne veulent pas perdre des parts de marché et les revenus dont ils dépendent pour le budget de l'État.
Ainsi, le dilemme du prisonnier met en évidence les complexités rencontrées par l'OPEP dans le maintien de la coopération et la gestion de la production pétrolière.
Cela souligne le besoin de confiance, de communication efficace et d'un engagement collectif envers des objectifs communs pour éviter un scénario où tout le monde souffre de la baisse des prix du pétrole, sauf le consommateur évidemment.
Or, comme nous venons de le voir, dans le monde réel, tout est plus complexe que ce qu’on voudrait nous le faire croire et tous les pays ont des intérêts biens spécifiques et propres à chacun.
Il y a donc fort à parier que les prix du pétrole poursuivent leur stabilisation voire, finissent par baisser, comme ce fut le cas il y a de cela 10 ans.
Actuellement, il y a beaucoup de battage médiatique autour de la dédollarisation et de l’instauration d’une supposée monnaie BRICS.
Cette initiative pourrait ainsi remettre en question la prédominance de l'Occident sur ce groupe majeur de nations, ce qui est une source d'inquiétude chez de nombreuses personnes, notamment compte tenu des situations de nature belliqueuse qui se produisent actuellement.
Qu’en est-il concrètement ?
Cette alliance des BRICS est-elle réellement capable d’imposer une telle monnaie ou au contraire ce projet, s’il existe, est-il voué à l’échec ?
La dépendance des BRICS à l’occident
Quoi qu’en disent ses partisans, l’alliance des BRICS est un regroupement de pays avec d’un côté, un moteur de croissance en plein affaiblissement avec la Chine, une poule aux œufs d'or qui n'a pour le moment jamais pondu d'œufs bien qu’un certain potentiel puisse être perceptible du côté de l’Inde, et trois producteurs de matières premières malades en Russie, au Brésil et en Afrique du Sud.
Évidemment, il n'est pas impossible qu'une monnaie BRICS soit mise en place. Mais cela exigerait des sacrifices tellement douloureux que ces pays ne pourraient pas se permettre d’endurer.
De manière générale, il convient de garder à l'esprit qu'il s'agit d'un sujet macroéconomique particulièrement complexe et plusieurs vidéos ont déjà traité ce thème très intéressant.
Le problème, c’est que certains raccourcis sont souvent pris, laissant ainsi libre court à l’idéologie au détriment de la logique économique.
S’il est fréquent d’entendre dire que, généralement un pays qui a un excédent de compte courant, c'est-à-dire qui exporte plus de biens et d'épargne qu'il n'en importe, est une "bonne" chose et, qu’à l’inverse, un déficit, qui importe plus de biens et d'épargne qu'il n'en exporte, est "mauvais", en réalité, rien n’est tout noir, rien n’est tout blanc, surtout au sein d’économises modialisée et interconnectées comme celles dans lesquelles nous vivons aujourd’hui.
Il faut savoir que pour qu’un pays enregistre une balance courante excédentaire, c’est-à-dire qu’elle exporte plus que ce qu’elle n’importe, c’est qu’il y a nécessairement des pays qui enregistrent une balance courante déficitaire, c’est-à-dire qui importent plus que ce qu’ils n’exportent.
Ainsi, si l’ensemble des pays des BRICS affichent des excédents de compte courant, c’est parce que les pays occidentaux, et notamment les États-Unis, se trouvent en situation de déficits de la balance courante.
Il s’agit donc d’un acte d'équilibrage : un excédent quelque part est un déficit ailleurs et vice versa.
Et actuellement, presque tous les BRICS affichent d'énormes excédents de compte courant tandis que les États-Unis ou le Royaume-Uni affichent d'importants déficits du compte courant.
Or, ces excédents indiquent également que les BRICS ont des économies déséquilibrées, dans la mesure où ils ne consomment pas la totalité de ce qu'ils produisent et doivent donc exporter le reste à l'étranger.
En d'autres termes, ces excédents courants nous montrent que les BRICS ont une demande intérieure faible et dépendent des économies occidentales pour importer leur surabondance de biens et d'épargne pour assurer leur croissance.
Ces excédents chroniques des BRICS indiquent ainsi deux choses :
1° Premièrement, les BRICS ont une très faible capacité de consommation en raison des faibles revenus des ménages.
Pour vérifier cela, il suffit de se focaliser sur les dépenses de consommation finale des ménages.
Il y a un énorme écart entre les dépenses de consommation au sein des BRICS et au sein de l’Union Européenne et d’autant plus du côté des États-Unis.
Rien que les dépenses de consommation aux États-Unis s'élèvent à près de 43.000 dollars par tête soit, le double des dépenses finales de consommation de l’ensemble des BRICS réunis.
Les BRICS n'ont tout simplement pas assez de pouvoir d'achat pour absorber la totalité de ce qu'ils produisent et dépendent donc des exportations.
Ainsi, la première leçon à bien intérioriser c’est que, s'il n'y avait pas les déficits occidentaux, ces économies se noieraient dans la déflation et le chômage, car tous leurs biens non consommés resteraient inutilisés faisant pression à la baisser sur la croissance et les prix. Pour le dire clairement : sans les importations occidentales, la croissance de ces pays serait quasi nulle, voire négative et leurs réserves de change seraient presque vides.
2. Deuxièmement, la plupart des pays des BRICS ont des taux d'épargne interne particulièrement élevés par rapport à leur PIB, de l’ordre de 45 pour cent pour la Chine et 30 pour cent pour la Russie ainsi que l’Inde contre seulement 18 pour cent du côté des États-Unis par exemple.
Or, les ménages ne peuvent faire que deux choses avec un revenu : le consommer ou l’épargner.
De ce fait, lorsqu’il y a plus d'épargne, cela signifie que cet excédent doit être exporté pour plus de rendement à l'étranger. En fait, bon nombre des BRICS et des économies émergentes dépendent de cette épargne élevée pour alimenter la croissance de leurs exportations.
En effet, la croissance de l'épargne fournit le capital nécessaire afin de stimuler l'investissement, qui à son tour stimule les gains de productivité et donc les exportations.
C'est ce que la Chine, la Russie, le Brésil et même le Japon ont fait dans une certaine mesure. Ainsi, l'épargne élevée se transforme en moins de consommation intérieure, ce qui crée un excédent courant plus important. Et plus de réserves dans les caisses de l'État.
Et que font-ils de ces réserves en dollars ? Ils achètent de la dette publique américaine, considérée comme sans risque, afin d’obtenir un rendement sur leur épargne et les utilisent également pour maintenir leurs devises faibles par rapport au dollar, veillant ainsi à ce que la croissance des exportations se poursuive.
Le fait est que compte tenu de ce que l’on vient de voir, historiquement, il s'est également avéré très difficile de rééquilibrer une économie à épargne élevée et exportatrice vers une économie axée sur la demande intérieure et le cas le plus illustratif est sans aucun doute celui du Japon.
Le Japon et “l’impossibilité” de modifier un modèle économique
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon jouait clairement le rôle que la Chine joue aujourd’hui. En effet, à l’époque, le pays du soleil levant enregistrait des excédents courants chroniquement importants en se concentrant sur la demande mondiale plutôt que sur la consommation intérieure.
À la fin des années 1980, le Japon était une économie axée sur les exportations, dépassant les 14 pour cent du PIB en 1984.
Le problème, c’est qu’en 1985, sons signés les accords du plaza visant à dévaluer le dollar américain par rapport au yen japonais et au mark allemand dans le but de rééquilibrer les échanges commerciaux et lutter contre les achat compulsif d’actifs américains de la part des japonais.
En effet, dans une telle situation, un dollar plus faible permettait de rendre la production américaine relativement plus compétitive et un yen plus fort signifiait une augmentation des importations au Japon.
Ainsi, le dollar s’est effondré de 40 % par rapport à la monnaie japonaise entre 1985 et 1990 et donc, le yen s’est apprécié d’autant.
Cette flambée du yen a eu un impact considérable sur l'économie japonaise.
Pour commencer, cela a porté préjudice aux exportations nippones, qui se sont mises à chuter la même année.
Cela a également entraîné une augmentation de la dette des ménages puisqu’en seulement 5 ans, celle-ci était passée d’environ 50 pour cent du PIB à près de 70 pour cent étant donné qu’un yen plus fort ne faisait qu’accroître les importations du pays.
Cerise sur le gâteau, ces accords marquèrent également le début du gonflement de la plus grande bulle financière et économique au japon, condamnant le pays à la déflation, la stagnation économique et l’explosion de la dette.
Et c'est précisément là que les choses deviennent intéressantes !
En 1986, voyant les risques potentiels d’une appréciation du yen, le Premier ministre japonais a essayé de faire passer l'économie japonaise d'une économie axée sur les exportations à une économie axée sur la demande interne au travers de la publication du rapport Maekawa du nom de l'ancien directeur de la Banque du Japon.
Pour ce faire, l’économie devait favoriser les dépenses de consommation au détriment de l'épargne et, un yen plus fort devrait stimuler les importations augmentant ainsi le niveau de vie des Japonais.
C'était en tout cas une tentative de la part du Japon de mettre en place un rééquilibrage économique.
Trente ans plus tard, bien que le Japon soit aujourd’hui une économie développée, le miracle japonais n’est plus qu’un lointain souvenir, le pays est en constante stagnation et continue d’enregistrer des excédents courants particulièrement élevés, faisant de lui, le principal créancier des États-Unis.
L’exemple du Japon est particulièrement intéressant dans la mesure où il fait figure d’étude de cas pour la Chine ou l’un des pays des BRICS, s’ils venaient à envisager d’instaurer leur monnaie en tant que monnaie de réserve mondiale puisqu’ils n’auraient également pas d’autre choix que rééquilibrer leurs économies.
Les similitudes entre les deux nations sont d’ailleurs flagrantes, telles que la faiblesse de la consommation intérieure, l'érosion démographique, la dette excessive et les mauvais investissements.
Monnaie BRICS : Vouée à l’échec ?!
Alors que les BRICS seraient sur le point de défier le dollar, à en croire certains démagogues, en réalité, deux gros problèmes se poseraient avec une telle monnaie.
1° Premièrement, dans la mesure où les BRICS enregistrent des excédents de compte courant, cela signifie qu'ils doivent exporter leur excédent à l'étranger vers l'Occident, comme nous venons de le voir.
La raison est relativement simple : on l’a vu, si un pays enregistre un excédent c’est qu’un autre enregistre un déficit. Or, si les BRICS veulent se défaire du dollar, quel pays acceptera d’enregistrer des déficits courants aussi massifs que les États-Unis afin d’acheter les marchandises des BRICS qui ont besoin d’enregistrer d’énormes excédents courants pour croître.
L’une des solutions pourrait être que la Chine accepte d’enregistrer d'énormes déficits afin d’absorber les excédents des pays de l’alliances des BRICS. Or, en l’état actuel des choses, il semble peu probable que la Chine accepte de rééquilibrer sa propre économie afin de subventionner les exportations des BRICS.
C’est en tout cas ce que laissent penser les données puisque, l'excédent du compte courant de l’empire du milieu a atteint, en février 2023, un niveau qui n’avait plus été touché sur les 14 dernières années,
tout comme l'excédent commercial manufacturier de la Chine qui dépasse les 10 pour cent du PIB.
On voit d’ailleurs à quel point s’il est fréquent de dire que la croissance mondiale repose sur la Chine qui joue le rôle d’usine du monde, en réalité, ce sont surtout les États-Unis qui importent et consomment énormément autour de la planète.
Le déficit du compte courant américain, c’est-à-dire ce qu’il importe, est supérieur à celui des autres grands pays déficitaires réunis.
Ce n’est d’ailleurs pas nouveau puisque même avant le Covid-19, le déficit de la balance courante des États-Unis était plus élevée que les 19 pays réunis enregistrant les plus gros déficits après les US.
Cela signifie que les États-Unis à eux seuls créent une demande de biens étrangers à hauteur de près de 1.000 milliards de dollars. Aucun pays n'est capable d’en faire autant …
Si les États-Unis décidaient, du jour au lendemain, d’équilibrer leur budget et de réduire les déficits, les économies des BRICS ressentiraient une baisse considérable de leur croissance et de la liquidité au niveau international.
Évidemment, il n’y a rien de glorieux à cela, dans la mesure où cette consommation excessive se fait sur le dos d’un accroissement de l'endettement.
Toujours est-il que ce sont justement ces déficits américains qui permettent de fournir des quantités faramineuses de dollars américains autour de la planète faisant du billet vert la monnaie de réserve mondiale par excellence, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer dans une précédente vidéo.
En effet, lorsque les États-Unis importent plus qu'ils n'exportent, ils achètent leurs marchandises en dollars. Les vendeurs de marchandises reçoivent donc des dollars qu’ils réutilisent pour les investir dans l’économie et des actifs américains.
Or, la Chine, qui est la plus grande nation excédentaire au monde, n'exporte pas de renminbis en termes nets dans la mesure où le pays exporte plus que ce qu’il n’importe.
Ainsi, si les BRICS veulent éliminer les États-Unis et le dollar, ces derniers devront accepter de payer le prix cher en stoppant leurs excédent de leur balance courante alors même que leur “miracle économique” se base précisément sur le position d’exportateurs au niveau mondial.
2° Deuxièmement, une monnaie BRICS suppose que toutes les économies soient rattachées à une monnaie et à sa politique monétaire.
Avec un tel système, il doit y avoir une économie ou un système d'ancrage afin de maintenir les taux d'intérêt et la liquidité.
Or, historiquement, lorsque des pays veulent former un bloc monétaire, ils se rattachent au pays le plus puissant économiquement avec de faibles taux d'inflation.
Par exemple, lorsque l'euro et la Banque centrale européenne ont été créés, c’est la Bundesbank allemande qui a été prise pour exemple étant donné que l'Allemagne était la locomotive Européenne.
Dans la pratique, cela signifiait que les membres de la zone euro utilisant l'euro devaient respecter les politiques définies par la BCE ce qui a causé de graves problèmes entre l'Allemagne et le reste de la zone euro, mettant en exergue la fragmentation croissante entre les pays du nord et les pays du sud.
L’exemple le plus parlant est sans aucun doute celui de la Grèce lorsque le pays se trouvait en difficulté entre 2010-2012 et qui était littéralement à la merci de la BCE et de l'Allemagne, qui ont accordé des prêts en échange de mesures d'austérité forcées.
Cela signifiait que la Grèce et d'autres pays européens endettés ont été contraints de subir de profondes récessions. Et la poursuite de l'austérité a aggravé la situation, même si l'Allemagne et d'autres continuaient de croître.
Il est donc particulièrement loufoque, pour ne pas dire absurde, d’entendre les détracteurs de l’euro devenir défenseurs d’une monnaie BRICS alors même qu’ils pointent pourtant si justement du doigt les problèmes d’une monnaie commune et d’une politique monétaire unique.
Ainsi, si dans un futur plus qu’hypothétique, une monnaie BRICS était créée, elle serait très probablement basée sur le système monétaire chinois.
Et dans une telle situation, que se passerait-il si la Chine entrait dans un cycle de surchauffe et cherchait à resserrer sa politique monétaire alors même que le Brésil entre en récession ?
Alors que le Brésil voudrait des taux d'intérêt plus bas afin de stimuler son économie, la Chine voudrait des taux plus élevés afin de refroidir son économie ce qui provoquerait inévitablement des conflits entre les pays de l’alliance.
Ainsi, dans la mesure où les pays des BRICS sont extrêmement différents, il est très peu probable que cette monnaie voit le jour sur le court et moyen terme.
Si les concepts de balance des paiements entre les États-Unis et les BRICS ne semblent pas retenir beaucoup l'attention, il est pourtant essentiel de comprendre comment fonctionnent ces mécanismes, sans quoi, tout idée de fin de l’hégémonie du dollar n’est que pure démagogie et idéologie.
Nouveau vent de panique sur le marché des crypto-actifs !
Après la justice américaine, désormais, la plateforme Binance se retrouve dans le viseur de la répression des fraudes et du parquet de Paris.
Après avoir communiqué sa volonté de se retirer du marché chypriote, Binance a annoncé ce vendredi la suspension de ses services aux Pays-Bas.
Or, si lors de l’annonce de la cessation de ses services à Chypre, Binance avait exprimé son intention de se concentrer sur les marchés français, italien et espagnol, cette nouvelle enquête judiciaire en France pourrait changer la stratégie de la société !
Pour rappel, le gendarme de la bourse américaine a déposé 13 chefs d’accusation contre la plus grande plateforme de crypto-actifs au monde.
Dans ce cyberespace, ces plateformes qui jouent le rôle d'intermédiaires audacieux orchestrent des rencontres entre les aspirants acheteurs et vendeurs d'actifs numériques, tout comme Amazon le fait pour les produits ou l'agent immobilier pour les maisons.
Cependant, derrière ces transactions se cachent des enjeux qui dépassent la simple mise en relation. Certains exchanges jouent un double jeu, oscillant entre le rôle de broker, agissant pour le compte de leurs clients, et celui de dealer, négociant pour leur propre compte.
Et c'est précisément ici que les choses deviennent plus compliquées, plus risquées, mais aussi bien plus intéressantes.
Qu’est-il en train de se passer ?
Quelles sont les subtilités des exchanges de crypto-actifs, les risques et les opportunités qu'ils représentent ?
L’activité d’exchange de crypto-actifs : Broker/Dealer
Pour faire simple, un exchange de crypto-actifs de manière générale, n'est ni plus ni moins qu'un intermédiaire ayant pour objectif de mettre en relation des investisseurs qui souhaitent acheter un actif avec des investisseurs qui souhaitent vendre ce même actif.
De manière très schématique, on peut même dire que l’activité d’un exchange est similaire à l’activité d’un centre commercial ou d’une plateforme en ligne comme Amazon qui met en relation des acheteurs et des vendeurs.
Concrètement, le principal service fourni par un exchange de crypto-monnaie est, en principe, le même que n'importe quel courtier en actifs financiers.
Néanmoins, bien que cela soit souvent oublié par de nombreuses personnes, il existe une différence fondamentale entre ce que l’on appelle un dealer d’un côté et un broker de l’autre.
1° Dans le premier cas, un broker met en relation différents investisseurs souhaitant acheter et vendre un actif et prélève une commission pour les mettre en relation un petit peu comme le ferait une agence immobilière qui s’occupe de jouer le rôle d’intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs. On dit que le broker négocie pour le compte et l'ordre de tiers, c’est-à-dire ses clients.
2° Dans le second cas et à l'opposé du broker, le dealer opère sur son propre bilan. Cela signifie que le dealer exploite son propre portefeuille, détient lui-même les actifs qu’il vend ou achète aux investisseurs. On dit que le dealer négocie pour lui-même et pour son propre compte un petit peu comme le ferait un supermarché qui agit comme revendeur de marchandises.
Le supermarché, contrairement à l'agent immobilier, achète la nourriture qu'il vendra ensuite à ses clients. C'est-à-dire que le supermarché est propriétaire, bien que sur une courte période, des biens qu'il vendra plus tard aux clients de détail.
Cela étant dit, on comprend qu’un exchange de crypto-actifs joue le rôle de broker ou de dealer en mettant en relation des investisseurs mais avec des actifs cryptographiques et prélève des commissions lors de l’opération.
Toutefois, à l’activité de broker des services annexes sont également fournis et on peut notamment mentionner le service de conservation ou custodian en anglais. On parle aussi de teneurs de compte conservateur dont la fonction est de garder les actifs cryptographiques pour le compte des investisseurs.
Dans ce cas de figure, l’exchange, s'engage à garder les actifs sous sa protection et sa supervision, sans avoir de pouvoir dessus. Autrement dit, juridiquement et financièrement parlant, les actifs restent entre les mains des clients et le broker ne peut pas y toucher.
Bien entendu, la conservation de titres ou d'actifs est un service payant et l’exemple le plus courant est sans aucun doute le fameux coffre-fort au sein d’une banque. La banque s’engage à veiller à la bonne conservation du contenu du coffre pour le compte du client sans pour autant avoir le droit de disposer des biens se trouvant à l’intérieur.
Dans le cas des exchanges d'actifs cryptographiques sous la forme de broker, en principe, la même chose se produit : un investisseurs transfert de l’argent vers le courtier, achète un crypto-actif avec cet argent, crypto-actif qui, par la suite, est conservé par l’exchange.
Une chose est sûre, dans le cadre d’une activité de courtage du type broker, en principe, l’exchange ne peut pas faire faillite sauf cas exceptionnel de vol d’actifs.
Ce fut, par exemple, le cas d’une des faillites les plus notoires en 2014 avec le plus grand broker de cryptos au monde : l’exchange japonais MtGox à cause d’un supposé piratage informatique menant au vol des actifs cryptographiques. En quelque sorte, une version moderne du braquage d'une banque.
Cette situation mise de côté, dans la mesure où le broker n’a ni la capacité juridique ni la capacité financière d’utiliser les actifs, à aucun moment la plateforme ne peut faire faillite et elle est censée être en mesure de rendre à la demande des propriétaires investisseurs les titres qu’elle conserve.
Oui mais voilà, la plupart du temps, les exchanges fonctionnent comme des dealers et non pas comme des brokers. Et c’est précisément là que les problèmes commencent.
Exchange dealer et risques
En réalité, de nombreux exchanges de crypto-actifs fonctionnent comme s'ils étaient des dealers, et non des brokers.
Or, comme expliqué précédemment avec l’exemple du supermarché, le dealer opère sur son propre bilan et exploite son propre portefeuille en détenant lui-même les actifs qu’il vend ou achète aux investisseurs.
Cela peut notamment être illustré au travers du bilan comptable du supermarché.
Comme on peut le voir, le supermarché achète de la nourriture à un producteur disons pour 100 euros, nourriture qui apparaît à l’actif de son bilan, qu’il finance avec un apport en capital de 100 euros en contrepartie au passif.
Lorsque le supermarché achète de la nourriture, la nourriture entre dans son actif et, à l’inverse, lorsque la nourriture est vendue, elle sort de son actif et est remplacée par du cash lors du paiement par les clients.
Par conséquent, un supermarché est simplement un dealer qui opère pour son propre compte et négocie pour lui-même.
Néanmoins, les dealers sur les marchés financiers ont tendance à réaliser des opérations plus intéressantes que notre supermarché dans la mesure où ils interagissent également du côté du passif.
Par exemple, une opération typique d'un exchange qui fonctionne sous la forme d’un dealer serait la suivante : un investisseur crée un compte sur la plateforme et y transfère 100 euros depuis son compte bancaire afin d’acheter du Bitcoin.
Dans un tel cas de figure, la plateforme est censée utiliser les 100 euros du client et acheter du bitcoin.
Comptablement parlant, cela signifie que 100 euros de bitcoin apparaissent à l’actif et du côté du passif apparaît l’engagement de la plateforme de livrer 100 euros de bitcoin au client lorsque ce dernier le lui réclame.
Si, de prime abord, cette opération semble être exactement la même que celle du broker, en réalité, elle est totalement différente.
Pour le client, a priori, l’opération est similaire en tout point de vue. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que la plupart des investisseurs et même certains professionnels, ne connaissent même pas la différence entre broker et dealer.
En revanche, tant dans le fond que dans le mode de fonctionnement, l’opération est différente.
L’aspect le plus important à garder en tête c’est que, si dans le cas d’un broker, le Bitcoin est bel et bien conservé “dans les coffres” de la plateforme, entre guillemets, avec le dealer, la plateforme ne possède pas nécessairement le Bitcoin dans ses coffres. La plateforme ne fait que prendre un engagement de livrer du bitcoin au moment où le client le lui réclame.
Évidemment, si la promesse du dealer est crédible, ou si le client ne connaît pas la différence entre un dealer et un broker, l’investisseur peut croire qu'il a effectivement du bitcoin en sa possession.
Dans le cas où le dealer possède bel et bien le Bitcoin en contrepartie, ou un actif d’une valeur équivalente, on dit que le bilan est équilibré ce qui implique que le dealer ne court pas de risques
Dans l’exemple précédent, la promesse de livrer un bitcoin par l'exchange, c'est-à-dire son passif, est contrebalancée par la possession d'un bitcoin du côté de l'actif. Notre exchange avec un bilan équilibré ne prend aucun risque.
Pour couronner le tout, dans le monde financier, de nombreux dealers sont ce qu'on appelle des market makers ou teneurs de marché en français.
Pour faire simple, le teneur de marché est une entité qui a pour vocation de fournir de la liquidité à un actif, c’est-à-dire de perdre à ce que les investisseurs puissent toujours avoir la possibilité d’acheter ou de vendre les actifs qu’ils souhaitent.
C’est pourquoi, traditionnellement, on dit qu’un teneur de marché joue le rôle de vendeur pour les acheteurs et d’acheteur pour les vendeurs. Autrement dit, il s’engage à acheter les actifs que les investisseurs souhaitent vendre sur sa plateforme et il s’engage à vendre les actifs que les investisseurs souhaitent acheter sur sa plateforme.
Ainsi, le dealer cherche constamment à bien gérer le montant d’actifs qu’il possède et le montant de passif qu’il s’est engagé à livrer.
L’objectif du teneur de marché est donc de constamment acheter et vendre des actifs avec une position nette proche de zéro et un bilan équilibré.
Parfois, sa position nette est positive, il a plus d'actifs en portefeuille qu'il n’a promis d’en livrer et, d’autres fois, sa position nette est négative, c'est-à-dire qu'il a moins d'actifs en portefeuille qu'il n’a promis d’en livrer.
Son objectif de maintenir une position nette à l’équilibre est due au fait que le teneur de marché gagne de l’argent en arbitrant l’écart entre le prix à l’achat et le prix à la vente.
En fait, tous les actifs financiers ont deux prix : un prix à l’achat, que l’on appelle “bid” en anglais, et un autre prix à la vente, que l’on appelle “ask” en anglais.
Ainsi, en jouant le rôle de teneur de marché, le dealer réalise un arbitrage entre le prix bid et le prix ask que l’on appelle le “spread bid-ask”.
Par exemple, un investisseur souhaite acheter du bitcoin à 100 euros et je lui vend un bitcoin que j’ai acheté à 95 euros, ce qui me permet d’empocher la différence, soit 5 euros.
À l’inverse, un investisseur souhaite vendre du bitcoin à 100 euros, je le lui rachète à 95 euros et je peux le revendre à quelqu’un d’autre pour 100 euros, ce qui me permet encore une fois de gagner la différence, soit 5 euros.
Pour les personnes qui souhaitent creuser le sujet, cette gestion se fait au travers du modèle de Treynor.
Le problème, c’est que bien souvent, les dealers ne parviennent pas à atteindre leur objectif.
Binance : dealer en faillite ?
Comme on peut le voir, aujourd’hui, une grande partie du marché des actifs cryptographiques est un marché qui imite presque parfaitement les mécanismes de la finance traditionnelle.
Bien que l’activité d’un dealer ne soit pas intrinsèquement frauduleuse et joue au contraire un rôle extrêmement important, tout comme les banques, les risques de contrepartie et de faillite sont potentiellement grands, raison pour laquelle la réglementation prend une importance particulière pour la préservation et la sécurité de l’épargne d’investisseurs plus ou moins avertis.
Le cas de la faillite de la plateforme FTX, l’année dernière, qui jouait également le rôle de dealer, est un excellent exemple, comme nous l’avions vu dans de précédentes vidéos :
De cette manière, on est plus à même de comprendre, entre autres, les raisons des accusations émises à l’encontre de la plateforme d’exchange Binance qui joue également le rôle de dealer.
En effet, comme on peut le lire sur le document de la SEC, il est reproché à Binance d’avoir illégalement réalisé trois fonctions essentielles du marché des valeurs mobilières que sont : l’activité de bourse, l’activité de broker-dealer et l’activité de chambre de compensation, sans s’être s'enregistrer auprès de la SEC, ce qui est pourtant obligatoire.
En outre, la SEC a également mentionné dans le procès, qui porte 13 chefs accusations différents, que Binance International avait gonflé ses chiffres sur le marché des altcoins, "mélangeant" des millions de dollars d'actifs d'investisseurs avec ceux des sociétés financières propriété du PDG de Binance : Changpeng Zhao ou CZ pour les intimes.
Cette accusation semble d’ailleurs fondée puisque le directeur de la communication aurait reconnu de manière explicite agir dans l’illégalité :
Ainsi, en plus d’avoir endossé le rôle de dealer il existe un conflit d’ordre sémantique en ce qui a trait à la distinction entre deux concepts que sont “un security”, que l’on peut traduire par valeur mobilière en français et “un commodity” que l’on pourrait traduire par matière première en français.
Tandis que les valeurs mobilières les plus courantes sont notamment les actions et les obligations, les matières premières sont assimilées au pétrole, à l’or ou encore au blé par exemple.
Or, si le Bitcoin est bien considéré comme une matière première depuis 2015 en vertu de la loi américaine,de nombreux tokens ne jouissent pas de cette définition légale.
Le problème c’est que, si le commerce de matières premières ne nécessite pas de législation particulière et n'importe qui peut vendre une marchandise, celui des valeurs mobilières est réglementé et nécessite une licence de courtier en bourse.
À cela, il faut également prendre en compte le fait que la SEC accuse Binance de wash trading, c’est-à-dire d’avoir manipulé les volumes échangés sur sa plateforme.
Comme on peut le voir sur cet organigramme, Sigma Chain, un market maker contrôlé à 100 pour cent par le patron de Binance, serait à l’origine de 50 pour cent des volumes échangés sur la plateforme.
Selon les données de la société d'analyse de crypto-monnaie Kaiko, au premier semestre 2021, les échanges de tokens, autres que Bitcoin et Ether, se sont envolés, passant de 2,6 milliards de dollars à 82 milliards de dollars, soit une augmentation semestrielle de plus de 3.000 pour cent.
En ce sens, la tourmente qui touche Binance actuellement, est à l’origine d’une chute de 10 pour cent des parts de marché de la plateforme sur le marché américain.
Il semble que l'objectif des régulateurs américains soit désormais d'éradiquer complètement la crypto aux États-Unis, et quoi de mieux que de commencer par les exchanges avant de s'attaquer aux tokens les plus populaires qui peuvent ensuite être classés comme des titres de valeurs mobilières.