Bien que sa création soit souvent attribuée à une loi signée par le président Woodrow Wilson, les mystères entourant la naissance de LA Banque Centrale la plus puissante au monde : la Réserve Fédérale Américaine, révèlent une tout autre réalité.
À une époque où l'idée même d'une banque centrale était accueillie avec méfiance par le peuple américain, cette institution monétaire centrale a censée être conçue pour atténuer les crises financières, a finalement exacerbé les problèmes qu'elle était censée résoudre.
Forcément, cela a donné lieu à tout un tas de théories parfois farfelus, notamment concernant sa nature, sa prétendue propriété privée ainsi que son rôle au sein du gouvernement.
Qu’en est-il concrètement ? Quelles sont les idées préconçues sur la Réserve fédérale, quelles sont les ramifications de son influence sur l'économie américaine et mondiale et l’institution est-elle réellement un organisme privé ?
Les Seigneurs qui contrôlent notre argent
Bonjour à toute la communauté et bienvenue pour une nouvelle vidéo, je suis Mathieu de la chaîne Libre&Riche !
Bien que son acte fondateur indique qu’elle a été créée par une loi du 23 décembre 1913 , et promulguée par le président Woodrow Wilson, en réalité, il existe une histoire secrète, concernant la Réserve fédérale et les mystères entourant sa naissance.
Si aujourd’hui, il est communément admis, bien malheureusement soit dit en passant, qu’une entité monétaire centrale, telle qu’une banque centrale, est quelque chose de normal, si ce n’est d’indispensable, il faut savoir qu’à l’époque, les hommes d'affaires, les entreprises et même le peuple américain lui-même, depuis leur indépendance, ont été réticents à créer des organisations qui servent à renforcer le pouvoir central et notamment celui de l’État.
L'existence d'une banque centrale intervenant afin de réguler les opérations monétaires faisait donc partie du lot des rejets fermes de ceux qui défendaient avec acharnement les principes fédéraux qui ont donné naissance à la nation.
En fait, les États-Unis avaient déjà connu deux précédentes tentatives de création d'une banque centrale. La première d’entre elle eu lieu pendant la présidence de George Washington, en 1791, et malgré la farouche opposition de Thomas Jefferson, la banque a duré 20 ans.
La deuxième tentative fut révoquée par Andrew Jackson qui, en 1836, démantela la banque centrale et mit fin aux aspirations d'avoir une entité qui réglementerait les opérations financières.
Ainsi, les États-Unis étaient particulièrement méfiants vis-à-vis des organisations aux mains du pouvoir central.
Pendant près de 80 ans, le pays de l’oncle Sam s’est retrouvé sans banque centrale, mais les premières années du vingtième siècle ont été marquées par de profondes crises financières, en particulier une grave en 1907.
À partir de cet instant, certains Américains sont devenus persuadés que le pays avait besoin d'une sorte de réforme bancaire et monétaire qui, lorsqu’il serait menacé par des paniques financières, fournirait une bouée de secours afin de sauver l’économie de la récession.
Mais bien sûr, la méfiance des banquiers et des hommes d'affaires devait être vaincue. C'est ainsi que l'histoire secrète de la Réserve fédérale a commencé à se tisser.
Notre histoire commence en 1910. Par une froide journée de décembre, le sénateur Nelson Aldrich, accompagné de six autres personnes, monte dans un wagon de train à New York à destination de Jekyll Island, au large de la Géorgie.
L’excuse était une journée de chasse et toutes les précautions avaient été prises pour éviter d'être repéré par les journalistes, et pour cause. Parmi les six hommes que Nelson Aldrich a rassemblé figuraient des dirigeants de banques, des fonctionnaires et certaines des personnes les plus riches de la planète à l'époque.
À leur arrivée sur l'île, ils ont tenu une réunion de neuf jours qui portait sur rien de moins que la création de la Réserve fédérale américaine dont l’acte fondateur verra le jour le 23 décembre 1913, c’est-à-dire, il y a de cela, bientôt pile 110 ans.
Pourtant, si la FED fut supposément créée pour mettre un terme aux paniques financières, non seulement, elle ne les a pas empêchés, mais, en plus, durant les 80 années précédant sa création, le système bancaire américain avait fonctionné sans recourir à aucun prêteur en dernier ressort, privilégié par l'État.
Cela ne veut pas dire que les institutions financières du pays n'avaient pas connu de crises, mais la plupart de ces crises résultaient de réglementations gouvernementales.
Par exemple, certaines de ses réglementations visaient à interdire aux banques d’être présentes dans plusieurs États, ce qui les empêchait de diversifier territorialement leur portefeuille d'investissements.
De même, les banques ne pouvaient émettre que des billets en acquérant simultanément des dettes d'État ou fédérales, une restriction qui leur liait les mains pour satisfaire la demande de liquidité de leurs clients et les condamnait à des paniques récurrentes de méfiance.
Cependant, toutes les paniques, y compris la célèbre de 1907, ont été résolues sans qu'aucune intervention d’une quelconque entité centrale ne soit nécessaire.
Ce sont les banquiers eux-mêmes qui étaient chargés de liquider les entités insolvables et de refinancer les autres qui, étant solvables, se trouvaient en situation d'illiquidité.
De cette manière, les entités qui privatisaient les gains, privatisaient également les pertes et assumaient leurs propres responsabilités, à la différence du système actuel où ce sont les citoyens qui finissent par payer pour les erreurs des autres, système dans lequel les gains sont privatisés et les pertes sont socialisées.
Grâce à cela, et malgré l'influence désastreuse des réglementations, les crises économiques antérieures à la FED ont eu une durée moyenne plus courte que celle d'aujourd'hui et les reprises se sont déclenchées avec plus d'intensité.
Évidemment, les banquiers préféraient que le coût du renflouement de leurs pairs imprudents ne leur incombe pas, et qu’il s’agisse plutôt de la société dans son ensemble qui paient les pots cassés.
C'est ainsi que des pressions politiques et des conspirations dans l'ombre ont fini par donner lieu, il y a maintenant plus d’un siècle, à la Réserve fédérale, c'est-à-dire un monopole d'État sur la création d’une monnaie de cours forcé dont le but, on ne peut plus explicite, est de refinancer ces entités financières, qui ont été irresponsables, de ne pas honorer leurs engagements à court terme.
Si, au cours de ses premiers jours de vie, la FED était plutôt bien gérée, en l’espace de quelques années seulement, la gouvernance de l’institution centrale fut de plus en plus négligente.
En effet, la FED, qui n’acceptait de venir en aide qu’aux institutions les mieux gérées et avec de solides garanties, s’est mise à concéder des prêts en contrepartie d’un large éventails d’actifs, parfois de moins bonne qualité, notamment dans le but d'inclure de la dette publique à long terme et de faciliter le financement bon marché du Trésor.
Les banques se frottent les mains : elles jouissent enfin d'une offre de crédit garantie et suffisamment élastique pour multiplier allègrement et imprudemment leurs investissements.
Les graines d’un désastre furent semées, et en à peine moins de deux décennies après sa création, la plus grande crise économique de l'histoire frappa les États-Unis. Ainsi, le monopole d'État, créé sous prétexte de stabilisation du système financier du pays, a tout simplement conduit à une faillite complète du système grâce à la folle expansion du crédit qu'il avait lui-même encouragé des années auparavant.
Ainsi, si un tel échec aurait mené à une conclusion radicale au cours du dix-neuvième siècle, c’est-à-dire la fermeture de la Réserve Fédérale, c’est tout le contraire qui fut suivi. Après la Grande Dépression, les élites politiques et bancaires ont continué à s'unir pour continuer à accroître les pouvoirs de cette institution, au point de l'avoir érigée de facto en banque centrale de la planète entière et de l'avoir libérée de son obligation de conversion en or des billets et des dépôts, de manière définitive, notamment après le 15 août 1971 et la fin du système de Bretton Woods.
Une fuite en avant permanente qui nous a conduit par la suite à plusieurs grandes catastrophes macroéconomiques dont, notamment, la stagflation des années 70 ou de la crise de 2008 ou encore la crise inflationniste actuelle, toutes trois alimentées par l’intervention des banques centrales.
En bref : illiquidité bancaire, surendettement public et privé, dépréciation des monnaies, volatilité extrême des taux d'intérêt et, pour couronner le tout, allongement de la durée et de l'intensité des crises économiques.
La FED : entité publique ou privée ?
Arrivé à ce stade, il est fréquent d’entendre que les deux principales banques centrales autour de la planète, que sont la réserve fédérale américaine et la banque centrale européenne, sont privées et donc, qu’un groupe de personnes influentes profiteraient de leur pouvoir en tirer des bénéfices dans l’ombre.
Ces considérations alimentent ainsi le discours démagogique de nombreux étatistes qui se plaisent à imputer au marché, à la déréglementation et à la liberté des mouvements des capitaux les désastres que nous subissons actuellement.
Si le marché est mauvais et l'État est bon, si nous avons besoin de plus d'État et moins de marché, si le monde de la finance, et même nos vies, sont dirigés par des groupes et des entreprises privées malveillantes, comment se fait-il que les crises, tant du côté des États-Unis qu'en Europe, soient de la responsabilité de certaines entités qui sont des monopoles publics ?
L’échappatoire trouvée par certains afin de garder intacts leurs préjugés réside dans le fait que la Réserve fédérale américaine, la banque centrale par excellence, est en fait une entité privée. De cette façon, les désastres qui saccagent l’économie sont non pas de la responsabilité des États, mais des hommes d'affaires avides qui contrôlent la FED pour leur propre bénéfice.
Du coup, qu’en est-il concrètement ?
Le fait que, certains indicateurs semblent, en effet, suggérer, voire corroborer, la nature privée de la Réserve Fédérale Américaine.
En effet, non seulement la FED est formellement indépendante du gouvernement, mais, en plus, la propriété de l’institution monétaire centrale est bien aux 12 banques régionales de la Réserve fédérale, dont les actionnaires sont toutes les banques privées qui sont membres du système de financement de la Fed.
Il faut savoir qu’environ 40 pour cent de toutes les banques américaines sont des banques membres et, par conséquent, des actionnaires de la Réserve Fédérale.
En bref, dans la mesure où la propriété de la FED est privée et sa gestion est indépendante du gouvernement, nous n’avons pas besoin d’arguments supplémentaire pour conclure qu'il s'agit bien d'une banque privée.
Eh bien, en réalité, pas vraiment…
Si l'on souhaite approfondir le sujet et éviter les analyses superficielles, il est indispensable d’étudier trois caractéristiques fondamentales qui régissent la FED que sont la genèse de ses statuts, la sélection de son équipe dirigeante et la nature de son capital social.
1° Concernant la première caractéristique, on sait que toutes les sociétés privées sont régies par des statuts approuvés en assemblée générale des actionnaires dans la limites fixée par la loi. Dans le cas de la réserve fédérale, ce n’est pas tant que ses statuts seraient liés à une réglementation d'État, mais plutôt qu’il s’agit précisément d’une réglementation d'État à part entière, et plus particulièrement la Federal Reserve Act.
Autrement dit, ce ne sont pas les actionnaires qui s'accordent sur le règlement et les modalités de fonctionnement de l'entreprise, mais plutôt l'État qui contrôle l'ensemble de son fonctionnement.
Il est donc assez loufoque de qualifier de “propriétaires” des individus qui n'ont strictement aucune capacité à déterminer les modalités d’organisation de leur entreprise. Or, pour pouvoir orienter une institution comme bon nous semble, encore faut-il avoir un pouvoir décisionnel sur celle-ci, ce qui n’est pas le cas des actionnaires de la réserve fédérale.
2° La deuxième caractéristique se trouve dans la sélection de l'équipe dirigeante. Le Conseil des gouverneurs de la Fed, qui est l'organe qui fixe le ratio de réserves obligatoires, les taux directeurs, qui supervise le système bancaire du pays de manière générale et qui établit les réglementations financières les plus diverses, est nommé dans son intégralité par le Président des États-Unis et confirmé par le Sénat.
Ainsi, c’est le Président des États-Unis, en collaboration avec le Sénat, qui nomme le conseil des gouverneurs, qui contrôle tous les rouages de la politique monétaire de la banque centrale.
Une nouvelle fois, il est difficile d’appeler “entreprise privée” une entité au sein de laquelle aucun des actionnaires n’a le pouvoir de remplacer les administrateurs et de décider de la politique suivie par l'entreprise.
On comprend donc que, le fait que la FED soit indépendante du gouvernement, n’enlève rien au fait que le Conseil des gouverneurs de la Fed, soit nommé par le Président américain. Les dirigeants sont donc nommés par des hommes politiques et non par leurs actionnaires présumés.
D’ailleurs, comme le reconnaît la FED elle-même sur son site internet :
“Certains observateurs considèrent à tort que la Réserve fédérale est une entité privée parce que les Reserve Banks sont organisées de la même manière que des sociétés privées [...] Les banques commerciales membres du système de la réserve fédérale détiennent des actions dans la Reserve Bank de leur district. Cependant, posséder des actions de la Reserve Bank est assez différent de posséder des actions dans une société privée. Les Reserve Banks ne sont pas exploitées dans un but lucratif et la propriété d'un certain nombre d'actions est, selon la loi, une condition d'adhésion au système. En fait, les Reserve Banks sont tenues par la loi de transférer les bénéfices nets au Trésor américain”.
“Par conséquent, la Réserve fédérale peut être décrite plus précisément comme "indépendante au sein du gouvernement" plutôt que comme "indépendante du gouvernement”.
C'est-à-dire que la FED elle-même reconnaît qu'elle est un organisme d'État, mais indépendant du reste des bureaucrates qui composent l'État. Exactement comme la Banque Centrale Européenne.
3° Finalement, reste enfin à élucider la question de la nature de son capital social. En effet, les plus sceptiques d’entre vous pourraient penser que, certes, ce sont les politiciens qui établissent les règles et nomment les dirigeants de la FED, mais sa nature reste celle d'une société avec des actionnaires privés à 100 pour cent.
Eh bien une nouvelle fois, pas vraiment…
En fait, chaque banque privée membre du système de la Réserve fédérale doit être actionnaire de la banque régionale de son district : les banques ayant une présence nationale ont l'obligation légale d'être membres et donc actionnaires. Concrètement, dès qu'une banque obtient le statut de membre, elle se doit de devenir également “actionnaire”, en détenant une part du capital de la FED régionale où elle est rattachée égale à 6 pour cent de son propre capital.
En outre, bien que les grandes banques, avec un capital social plus important, auront tendance à être les actionnaires majoritaires des banques régionales de la FED, ces dernières ne peuvent même pas influencer la prise de décision dans la mesure où, chaque actionnaire n'a droit qu'à une seule voix quel que soit le nombre d'actions détenues, de sorte qu’une grande banque a le même poids qu’une petite banque.
Mais les particularités ayant trait au capital social de la Réserve Fédérale Américaine ne s'arrêtent pas là. Les actionnaires ne peuvent ni vendre ni utiliser leurs actions en garantie. Autrement dit, leur capital y est nécessairement immobilisé tant qu'ils restent membres du système.
Une nouvelle fois, parler d’entité privée, un organisme dans lequel, il ne nous est pas possible de disposer des titres de propriété est assez peu logique.
Concrètement, lorsque l’on est actionnaire, trois grands droits nous sont attribués :
Le premier ayant trait aux droits politiques, c’est-à-dire la capacité à participer aux prises de décisions au sein de la société, sont très limités.
Le deuxième concernant les droits patrimoniaux, c’est-à-dire la possibilité de disposer de ses titres, sont bafoués.
Et finalement, le troisième qui traite des droits financiers, c’est-à-dire toucher des dividendes, est le seul existant, bien que restreint et fixé par la loi à 6 pour cent du montant investit.
Plus précisément, si les bénéfices réalisés par la Réserve Fédérale sont suffisants, les dividendes versés ne peuvent être supérieurs ou inférieurs à 6 pour cent du capital libéré, ce qui est, il est vrai, un dividende particulièrement élevé.
Pour autant, en pratique, cela signifie que seule une infime partie des bénéfices annuels de la FED reviennent à leurs prétendus propriétaires, alors que la totalité devrait leur revenir, s’il s’agissait d’une vraie entreprise privée.
En effet, selon la loi, tous les bénéfices restants vont au Trésor public.
Ainsi, par exemple, sur les 1.854 milliards de dollars de bénéfices que la Réserve fédérale a obtenu depuis sa constitution, 1.827 milliards de dollars ont été distribués au Trésor et agences étatiques et seulement 27 milliards ont été distribués aux actionnaires, c’est-à-dire les banques.
Autrement dit, le Trésor a absorbé 98,5 pour cent de l’ensemble des bénéfices de la FED depuis sa création.
En bref, la question que l’on peut légitimement se poser est : dans quelle mesure une entité dont les statuts sont de droit étatique, où l'équipe dirigeante est majoritairement désignée par l'État et dont les bénéfices reviennent à près de 99 pour cent à l'État, peut-elle réellement être considérée comme “privée” ?
Dans strictement aucune !
La réalité, c'est que la FED a un actionnaire prédominant dans l'ombre qui est l'État : c'est lui qui écrit les statuts, qui nomme et supervise l'équipe dirigeante et qui empoche pratiquement tous les bénéfices.
Les actionnaires privés, à savoir les banques membres, n’ont d’actionnaire que le nom, sont obligés de financer avec leur capital la Réserve fédérale en échange de bénéficier de privilèges de refinancement à bas coûts, mais qui ne contrôlent pratiquement rien dans la pratique.
Il s'agit donc plus d'une immobilisation forcée, bien que rémunérée, du capital, qu’un droit de propriété sur le système, au grand dam des démagogues et des prêcheurs d’un grand complot illuminati.
En ce qui concerne la Banque Centrale Européenne, strictement aucune ambiguïté ne plane, dans la mesure où les membres du directoire de l’institution sont nommés par les membres du Conseil Européen, Conseil Européen, lui-même constitué des chefs d’État ou de gouvernement des États membre de l’Union Européenne, et que la totalité du capital de la BCE appartient aux banques nationales qui sont en la possession des différents États membres et donc que la totalité des dividendes leur sont attribués.
Pour la première fois depuis 15 ans, en 2022, la Banque Centrale Européenne n'a réalisé aucun bénéfice !
Compte tenu du resserrement monétaire actuel, les pertes de la BCE se poursuivront au moins jusqu'en 2024/2025 et probablement au-delà…
Qu'est-ce que cela signifie concrètement et quel impact cette situation aura-t-elle sur la zone euro et notre monnaie communautaire ?
La BCE dans la tourmente ?!
3 chiffres importants:
- 698,8 milliards d’euros : c’est la taille du bilan de la BCE qui a augmenté de 18,7 milliards d’euros par rapport à l’année 2021
- 1,6 milliards d’euros : c’est le montant dans lequel la Banque Centrale Européenne a dû taper pour venir compenser les pertes d’argent qu’elle a engendrée et, finalement,
- 0 euro : c’est le bénéfice de la BCE
Pour la première fois depuis 15 ans, la Banque Centrale Européenne n'a réalisé aucun bénéfice, mais, en plus, elle a dû taper dans ses réserves pour éviter d’enregistrer des pertes.
Compte tenu de l’évolution actuelle, les analystes prédisent des années de pertes suite au renversement de ses politiques monétaires ultra-accommodantes.
Cela n’est un secret pour personne, les banques centrales ont énormément gonflé leurs bilans au cours des dernières décennies.
Cet outil vise à poursuivre leurs objectifs de stabilité macroéconomique et financière.
Le problème, c’est que, en agissant de la sorte, les banques centrales ont sciées la branche sur laquelle elles étaient assises.
Mais comment se fait-il que la banque centrale, celle qui a pourtant le monopole de l'émission monétaire, subisse des pertes ?
A priori, l’entité n’aurait qu’à faire tourner sa “planche à billets” ?
En réalité, parler de planche à billets n’a pas vraiment de sens…
Le fonctionnement et le rôle de la BCE
Par conséquent, si le but est d’asseoir et renforcer la crédibilité de sa monnaie, la banque centrale ne peut pas émettre librement de la monnaie pour annuler ses pertes.
Du coup, sa situation actuelle n’est en réalité pas si différente de ce qu’il peut arriver à n’importe quelle autre entité : si ses revenus sont supérieurs à ses dépenses, alors elle gagne de l’argent. À l’inversement, si ses revenus sont inférieurs à ses dépenses alors, elle perd de l’argent.
En fait, l’activité de la BCE, outre son unique mandat de stabilité des prix en maintenant l’inflation à moyen terme sous et proche des 2%, consiste à toucher des revenus sur ses actifs et reverser une partie de ses revenus en remboursant ses dettes sur son passif. La différence étant le bénéfice.
Le problème, c’est que l’actif de la BCE est rempli de dettes d’États peu rémunératrices mais, dans le même temps, du côté du passif, la BCE doit rembourser des intérêts.
Il faut savoir que lorsque la banque centrale verse des intérêts aux banques commerciales, elle transfère une partie de ses bénéfices au secteur bancaire.
Elle ne crée pas de l’argent pour l’occasion contrairement à ce que certains croient !
Elle prend l’argent que les États paient dans le cadre du remboursement de leur dette et en redistribue une partie aux banques. Le surplus faisant office de bénéfices ou de pertes.
Le hic, c’est que la plupart des obligations d'État détenues par la Banque Centrale ont été émises à des taux d'intérêt très bas, souvent même nuls.
Dans le même temps, la BCE paie un taux d'intérêt de 2,5% sur les réserves bancaires.
En effet, les augmentations récentes des taux d'intérêt ont des implications importantes pour les profits et les pertes des banques centrales.
Les hausses de taux d'intérêt entraîne également des paiements d'intérêts plus importants par les banques centrales aux banques commerciales.
Ces paiements d'intérêts pourraient être encore plus importants étant donné que la BCE a annoncé de nouvelles hausses des taux.
Malgré tout, cela reste encore difficile à anticiper dans la mesure où, en même temps que les taux d’intérêt sont censés croître, la BCE a mis en place son resserrement quantitatif: le Quantitative Tightening.
Lorsque la BCE réalise des profits, elle les redistribue à ses actionnaires, c’est-à-dire les États à hauteur de leur détention capitalistique.
C’est l’article 33 des statuts du Système Européen des Banques Centrales, relatifs à la répartition des bénéfices et des pertes nets de la BCE qui dispose que :
“Le bénéfice net de la BCE est transféré dans l'ordre suivant :
a) un montant à déterminer par le conseil des gouverneurs, qui ne peut dépasser 20% du bénéfice net, est transféré au fonds de réserve générale dans la limite de 100% du capital ;
b) le bénéfice net restant est distribué aux détenteurs de parts de la BCE proportionnellement aux parts qu'ils ont libérées”.
Dans tous les cas, une chose est sûre : on peut clairement dire que le pari de la BCE que les taux d'intérêt resteraient bas se retourne désormais contre elle et elle le reconnaît dans son dernier rapport.
Ce paradoxe est tout simplement la conséquence des changements de politique monétaire.
Pour autant, pour le moment, il est précipité de crier au catastrophisme compte tenu du matelas de sécurité que l’institution a construit au cours des années précédentes dans le but d’absorber les pertes futures.
Un problème supplémentaire: ces ressources financières ne sont pas nécessairement stables et une valeur sûre à proprement parler dans la mesure où elles sont composées de titres qui peuvent prendre ou perdre de la valeur.
On comprend vite que si la BCE doit venir taper régulièrement dans ce matelas…
Le futur de la zone euro compromise ?
En soit, ces pertes, ne signifient probablement pas l'éclatement de la zone euro, mais elles ne doivent surtout pas être ignorées compte tenu du fait qu’elles pourraient en être l’élément déclencheur.
D'une part, parce qu'elles proviennent en partie d’une politique monétaire très laxiste qui a davantage profité aux pays les plus endettés et les moins solvables et, d’autre part, parce que ce sont désormais, les pays qui ont le moins de dettes et les plus solvables qui en paient le prix.
L’on assiste donc actuellement à la fragmentation entre les pays du nord et les pays du sud, exactement comme nous l’expliquons depuis maintenant près de 2 ans !
Un autre risque est d’ordre politique et à trait à l’indépendance des institutions monétaires. En d’autres termes, si les banques centrales continuent de perdre de l'argent chaque année, les États pourraient devoir injecter du capital supplémentaire au pire moment…
Dans le cas contraire, c’est l'indépendance de ces organismes qui serait remise en question, ce qui pourrait exacerber le poids de l’État au travers de ce que l’on appelle la “fiscale dominance” et donc l’étatisation de la société !
Finalement, il faut bien rester conscient que la capacité d’une banque centrale à opérer normalement même en cas de capital négatif n’est valable que si elle reste crédible aux yeux des marchés financiers et du système bancaire.
Comme le reconnaît la Banque des Règlements Internationaux, aussi connue pour être la banque centrale des banques centrales, dans un récent rapport, plusieurs banques centrales ont déjà enregistré de nombreuses pertes.
Selon la BRI, les banques centrales peuvent atténuer le risque de mauvaise perception grâce à une communication efficace avec les parties prenantes.
Le problème c’est que la crédibilité de la BCE n’est pas glorieuse… Une plus grande fréquence de communication a plutôt eu tendance à éroder la confiance déposée dans l’institution :
En cas de mauvaise gestion macroéconomique et de manque de crédibilité de l'État, les pertes peuvent éroder la réputation de la banque centrale.
Cela est d’autant plus problématique que la BCE elle-même a reconnu que “les banques centrales accepteraient volontiers des pertes sur leurs bilans qui entraîneraient en fin de compte des pertes pour le contribuable moyen” …
On peut donc conclure que, s’il est vrai que, techniquement parlant, une banque centrale ne peut pas faire faillite, la monnaie elle, le peut.
Or, le principal produit que gère une banque centrale est précisément la monnaie et elle a pour vocation de veiller à sa stabilité.
Les risques de défiance vis-à-vis des banques centrales et des monnaies que ces dernières gères sont donc clairement des signes mettant en exergue leur faillite à mener à bien leur mission.
Bientôt, la façon dont nous utilisons notre argent sera complètement bouleversée !
L'argent liquide va disparaître et les gouvernements ainsi que les banques centrales du monde entier veulent que les citoyens cessent d'utiliser le cash pour effectuer leurs transactions et optent pour de la monnaie numérique.
Tout cela sera rendu possible grâce au développement du numérique et notamment la mise en place du dollar numérique, également appelé CBDC (Central Bank Digital Currency). D'ailleurs nous avions déjà abordé le sujet dans un précédent article.
Le Forum de Davos en a fait un sujet de discussion au cours de la précédente réunion qui s’est tenue en janvier de cette année.
Selon l'Atlantic Council GeoEconomics Center, 114 pays sont à divers stades d'exploration des CBDC. Déjà 11 pays ont émis une CBDC en janvier 2023 dont notamment, la Jamaïque, les Bahamas ou encore le Nigéria.
D’ailleurs, plusieurs tests ont déjà été effectués et, par exemple, en novembre de l’année dernière, la Réserve fédérale terminait la première phase d'un test avec des CBDC qui consistait à effectuer un virement international.
Désormais, il y a un autre test qui est effectué par une fondation appelée le Digital Dollar Project.
L'objectif du test est de pouvoir acheter et vendre des actions en utilisant des dollars numériques au lieu d'utiliser des dollars déposés sur un compte bancaire.
Quels sont les mystères de la fin annoncée du cash et quelles pourraient être les conséquences dans notre vie quotidienne ?
Le combat contre le Cash
Ce graphique illustre à quel point les moyens de paiement utilisés par les citoyens sont similaires selon les pays bien qu’il existe quelques divergences, notamment du côté des pays asiatiques.
En effet, on observe que, globalement, l’utilisation du cash est minoritaire par rapport aux autres moyens de paiement dans l’ensemble des pays.
La particularité de la Chine et de certains autres pays asiatiques réside dans la réalisation de paiements au travers des téléphones portables.
Il existe une concurrence entre la monnaie dite “moderne” et la monnaie “physique".
Ce phénomène n'est pas nouveau et l'histoire est remplie d’exemples où une innovation détruit des usages anciens pour les remplacer par des nouveaux. C’est l’économiste autrichien Joseph Schumpeter qui avait théorisé ce phénomène : la “destruction créatrice”.
Les banques centrales et commerciales, les applications mobiles ainsi que les gouvernements poussent petit-à-petit à ce que l'argent physique soit abandonné pour transiter vers une utilisation exclusivement numérique.
En France, pratiquement tout est fait pour limiter l’utilisation du cash et, par exemple, les paiements entre particuliers ne sont pas limités mais un écrit est nécessaire pour une transaction au-delà de 1.500 euros. Le paiement d’impôts et de taxes est limité à 300 euros et le paiement en espèces d’un particulier à un professionnel est limité à 1.000 euros.
Les risques de la fin du cash et l’avènement des CBDC
En fait, cette tentative de bannir l'argent liquide du monde pourrait entraîner l'exclusion totale de millions de personnes de l'économie mondiale étant donné que de nombreuses personnes n’ont toujours pas accès à des comptes bancaires.
Une étude réalisée par l'Organisation des Nations Unies a révélé que plus d'un tiers de la population mondiale n'a jamais utilisé Internet, soit 2,7 milliards d’individus.
Autrement dit, il y a clairement un problème de bancarisation pour toutes ces personnes qui se verraient de facto exclues du système de paiement et donc, de l’économie.
L’élimination du cash nous exposerait à une série de risques :
Risque 1: faillite et perte potentielle de l’argent déposé.
En théorie, en cas de faillite d’une banque, chaque compte bancaire est censé jouir d’une garantie apportée par le FGDR.
Le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution est chargé d’une mission d’intérêt général puisqu’il est l’opérateur de crise du secteur bancaire et financier et protège les avoirs des clients en les indemnisant en cas de défaillance de leur établissement.
La règle à ce jour, c’est 100.000 euros par déposant et par établissement pour les comptes chèques et livrets et 70.000 euros par client et par établissement pour les titres.
Ce plafond de garantie s’applique quel que soit le nombre de comptes de dépôts ouverts auprès du même établissement bien que dans la pratique, il y avait en novembre 2022 l’équivalent de 2.800 milliards d’euros tout type de dépôts bancaires confondus pour un montant de garantie de dépôts de seulement 5,8 milliards d’euros, soit 0,21 pour cent du montant nécessaire pour couvrir l’ensemble des dépôts …
Et c’est ici que les CBDC (monnaies digitales de banque centrale) pourraient apporter une solution.
En effet, il est plus risqué de détenir de la monnaie auprès d’une banque commerciale qu’une banque centrale.
Or, aujourd’hui, la seule solution pour ne plus être créancier d’une banque commerciale c’est de convertir l’argent de ses comptes bancaires en pièces et billets.
Le problème, c’est que les transactions ne peuvent plus être tracées, d’où l’instauration d’une CBDC.
Le problème, c’est qu’avec la fin du cash et l’instauration d’une telle monnaie, il serait, dans les faits, pratiquement impossible de s’extraire du bancaire qui deviendrait, de facto, un monopole de l’État.
Risque 2: la confidentialité et le respect de la vie privée.
La mise en application d’un tel instrument est susceptible de permettre aux autorités de connaître avec un très haut niveau de fiabilité l’ensemble de nos habitudes quotidiennes.
En effet l’objectif est de contrôler l’économie avec précision en évitant l’évasion fiscale. Cette monnaie digitale permettrait de contrôler voire même orienter la consommation des individus…
Les gouvernements auraient directement accès à nos finances personnelles et connaîtraient notre mode de vie. De plus, ils pourraient appliquer un impôt supplémentaire pour toute épargne jugée comme étant excédentaire afin de pousser à la consommation et à l’accroissement des dépenses pour ainsi stimuler l’économie.
Risque 3: Les potentielles défaillances dans le système bancaire nous empêchant d’accéder à l’argent sur nos comptes.
Si la numérisation de l’économie apporte de nombreux avantages, son accessibilité est liée à notre connectabilité.
Or, en l’absence de connexion internet, en cas de panne ou de cyberattaque, l’accès serait automatiquement limité.
Risque 4: Monnaie fondante, périssable ou l’application d'une taxe sur des montants d’épargne trop importants
Une publication dans le Wall Street Journal, a mis en avant une étude qui démontre que l'utilisation de monnaie électronique nous pousse à dépenser plus d’argent ! En effet, il nous est plus difficile de s’imaginer à quel point le montant de monnaie diminue par rapport au fait de “lâcher” des billets. Ceci explique en partie pourquoi notre société de consommation est autant développée. C'est pourquoi lorsque nous utilisons de l'argent numérique, nous courons plus de risques de dépenser inutilement et même de dépenser l'argent que nous n'avons pas en utilisant les cartes de crédit parce que le cerveau traite les dépenses différemment.
Si, traditionnellement, le rôle des banques centrales a été celui de “prêteur en dernier ressort” c’est-à-dire des entités vers lesquelles on peut se tourner pour obtenir des fonds en urgence, après avoir épuisé toutes les autres possibilités. Depuis la grande crise financière de 2008, les banques centrales, sont en quelques sortes devenues des emprunteurs de premier ressort.
Ainsi, après plus d’une décennie de Quantitative Easing et l’adoption de politiques monétaires accommodantes, depuis l’année dernière, ces deux grandes entités, ont choisi de mettre en place le processus inverse : le Quantitative Tightening qui permettrait de lutter contre l’inflation.
Or, les dernières données publiées semblent indiquer que l’inflation est en train de se modérer, comme nous l'avions vu dans un précédent article.
Pourquoi en réalité, les restrictions monétaires actuelles mises en place par les banques centrales ne pourront pas durer ? Pourquoi nous pourrions très probablement assister à un retour à des politiques moins restrictives dès cette année ?
Quantitative Easing et situation monétaire
Tous les jours nous utilisons la monnaie et pourtant le fonctionnement de notre système monétaire est encore profondément incompris. Pourtant, sans maîtriser ces concepts de base, il est impossible de bien appréhender le fonctionnement économique mondial.
Si le nombre de personnes consternées par la taille des bilans des banques centrales à cause des politiques d’assouplissement quantitatifs successifs, en réalité, il convient de rester conscient que ce sont en grande partie les exigences réglementaires post-crise des subprimes de 2008.
Dans le cadre de sa mission de “normalisation” de la politique monétaire, tant la FED que la BCE, ont progressivement annoncé en 2022 qu'elles mettraient fin aux achats nets d’obligations d’États afin de réduire la taille de leur bilan respectif.
Bien que souvent oublié par un grand nombre de personne, l’objectif premier du quantitative easing n’était non pas d’injecter de la monnaie au sein de l’économie, mais bel et bien de baisser davantage les taux d’intérêt afin de stimuler l’activité.
En effet, dans la mesure où il existe une relation inverse entre prix des obligations et taux d’intérêt:
- une augmentation des achats d'obligations provoquant une hausse de leur prix équivaut à une baisse des taux d'intérêt
- tandis qu’une diminution des achats d'obligations provoquant une baisse de leur prix équivaut à une hausse des taux d'intérêt.
Ainsi, lorsque la banque centrale achète des obligations, elle ne le fait pas directement auprès de l’État mais auprès d’institutions qui ont elles-mêmes acheté au préalable ces titres de dettes.
La partie "création monétaire" est ce qui rend nerveux un grand nombre de personnes.
Pourtant, il faut savoir que pour chaque dollar ou euro "créé", la banque centrale achète un équivalent à de la monnaie, ici des obligations d’États.
Autrement dit, il y a un échange d’une forme de monnaie, les obligations d’États, contre une autre forme de monnaie, les réserves de banques centrales.
Ici, deux précisions importantes sont nécessaire :
Des actifs monétaires similaires
Financièrement parlant, une obligation d’État et un billet de monnaie sont des actifs monétaires similaires dans la mesure où leur valeur reposent tous les deux dans la confiance accordée à un État.
Une multitude de monnaies
Il existe non pas une, deux ou trois formes de monnaie mais une multitude. Toutefois, on distingue 3 types de monnaies :
-Les pièces et les billets : on parle de monnaie fiduciaire. Cette monnaie est créée par la banque centrale.
-La monnaie électronique: elle se trouve dans nos comptes bancaires, on parle de monnaie scripturale. Cette monnaie est créée par les banques commerciales.
-Les réserves : on parle de monnaie de banque centrale. Cette monnaie est créée par la banque centrale au moment de racheter notamment de la dette d'État.
Ainsi, lorsqu’une banque centrale rachète une obligation d’État à une banque, l’obligation achetée se fait en réalité avec des réserves nouvellement créées pour l’occasion et elle les “enferme” entre guillemets, à l’intérieur de son bilan.
Exemple:
Imaginons un État qui est en déficit public, c’est-à-dire qu’il dépense plus d’argent que ce qu’il n’en gagne. Dans une telle situation, l'État en question va s’endetter sur les marchés en émettant une obligation à 10 ans de 100 euros par exemple.
Il est donc possible de représenter le bilan comptable de l’État avec, pour rappel, un actif qui est toujours égal au passif.
Au passif, c’est-à-dire au niveau des dettes, l’État émet une obligation de 100 euros et la contrepartie à l’actif est sa capacité théorique à lever de l’impôt afin de rembourser ses dettes.
Ici, on suppose que c’est une banque commerciale qui lui prête de l’argent. Ainsi, le bilan de la banque commerciale sera représenté de la sorte:
À l’actif apparaît l’obligation et au passif le dépôt d’une même valeur, ici 100 euros.
Maintenant, supposons que, grâce au quantitative easing, la banque centrale rachète cette obligation à la banque commerciale. Dans un tel cas de figure, l’obligation apparaît désormais au sein de l’actif du bilan comptable de la banque centrale qui crée des réserves, c’est-à-dire de la monnaie de banque centrale spécialement pour l’occasion.
Désormais, le bilan de la banque commerciale est modifié et à l’actif, au lieu des obligations qu’elle avait acheté à l’État puis revendu à la banque centrale, apparaissent les réserves.
Encore une fois, ici il y a un simple échange d’une forme de monnaie, les obligations d’États, contre une autre forme de monnaie, les réserves de banques centrales.
Cela ne fait aucune différence dans la capacité de la banque à créer du crédit.
L’un des déterminants de l’expansion accrue de 2020 réside dans les déficits massifs des différents gouvernements de la planète qui ont stimulé la demande alors même que l’offre était réduite voire bloquée, générant des goulots d'étranglement et donc des hausses de prix massives.
Que la banque détienne des obligations d’État ou des réserves auprès de la banque centrale n'a strictement aucune importance quant à sa prise de décision de prêter davantage ou pas.
L’une des seules différences réside dans le fait qu’en rachetant les obligations dans le cadre du QE, la banque centrale élimine le risque de taux d'intérêt du marché.
En effet, il existe une relation inverse entre les taux d’intérêt et le prix d’une obligation. Aussi, si les taux venaient à monter, comme cela est le cas actuellement, alors les banques en possession d’obligations d’États verraient la valeur de leur investissement chuter.
Ainsi, en achetant les obligations, la banque centrale endosse donc le risque de taux et cela est effectivement particulièrement néfaste pour l’économie.
Le risque n’est donc pas tant celui sur lequel la quasi-totalité des néophytes se focalisent, c’est-à-dire celui de la création monétaire, mais bel est de bien de baisse artificielle du risque.
Quantitative Tightening et future situation monétaire
Aujourd’hui, nous nous trouvons donc dans une situation monétaire particulière dans la mesure où elle est caractérisée par l’inverse du QE : le QT, pour Quantitative Tightening.
Ce resserrement quantitatif vise donc à diminuer le bilan des banques centrales et plus précisément d’un montant de 95 milliards de dollars par mois dans le cas de la Réserve Fédérale Américaine.
Aujourd’hui, le problème qui se pose c’est que, si la FED souhaitait faire retomber le montant de son bilan à la même valeur que celle en vigueur avant la crise financière à environ 1.000 milliards de dollars, il faudrait patienter plus de 6 ans et demie avec un rythme de réduction de 95 milliards de dollars par mois.
À première vue, ramener le bilan aux niveaux d’avant crise des subprimes est donc impossible à moins que la contraction ne dépasse les 300 milliards de dollars par mois afin de rester sur un délai de contraction raisonnable d’environ 2 ans.
Le fait est que même si la FED voulait le faire, en fait, elle ne pourrait pas.
En effet, si l’on se focalise sur la composition du bilan de la FED et notamment sur la partie du passif, quatre grandes composantes en ressortent :
La monnaie physique
La monnaie fiduciaire, représente pas moins de 2.300 milliards de dollars.
Avant la crise des subprimes, les pièces et billets en circulation avaient une valeur supérieure à 800 milliards de dollars et représentaient donc 90 pour cent du bilan de la FED qui était valorisé à l’époque à moins de 900 milliards de dollars.
La diminution de la quantité de pièces et de billets étant extrêmement complexe et n’étant en tout cas pas visée par le resserrement de la politique monétaire, on peut d’ores et déjà conclure que la valeur plancher du bilan de la FED est de minimum 2.300 milliards de dollars !
Le compte du trésor
Il s’agit en quelque sorte du compte bancaire du gouvernement qui est conservé auprès de la banque centrale.
Actuellement, le solde est d’environ 400 milliards de dollars et il n'est clairement pas sous le contrôle de la Banque Centrale puisqu’elle ne fait que lui fournir un compte bancaire spécial.
De plus, le solde n'est pas affecté par le resserrement de la politique monétaire : sa valeur peut donc aussi bien croître que diminuer.
Les réserves bancaires
La monnaie de banque centrale que les banques commerciales et d'autres institutions possèdent auprès de la Réserve Fédérale ou de la BCE, pour un montant 3.000 milliards de dollars.
On l’a vu précédemment, lorsque la banque centrale met en place le Quantitative Easing, c’est ce compte qui est crédité en l’échange d’obligations d’État.
Ce sont donc précisément ces réserves sur lesquelles la banque centrale exerce un contrôle et qui doivent diminuer au cours du Quantitative Tightening.
Les opérations Reverse Repo
Les opérations de Reverse Repo, pour Reverse Repurchase Agreement. On parle de mise en pension en français et c’est la situation durant laquelle la Banque Centrale prête des liquidités aux banques sur le très court-terme. Viennent ensuite les dépôts étrangers ou encore le capital de la banque centrale pour un montant total de 2.800 milliards de dollars dont près de 2.300 milliards rien que pour les opérations de Reverse Repo.
Ainsi, ces quatre composantes sont les principaux éléments constitutifs du passif du bilan de la FED et on peut voir comment il a évolué dans le temps depuis la crise de 2007.
Les limites du QT et le retour de la “planche à billets”
Une donnée à prendre en compte c’est que jusque durant la crise financière de 2008, la FED ne payait pas d'intérêts sur les réserves excédentaires des banques commerciales. En conséquence, les banques commerciales avaient tout intérêt à investir ou utiliser cet argent autrement plutôt que de le faire dormir.
C’est, entre autres, ce qui a contribué à ce que les institutions financières soient constamment à la recherche d’actifs toujours plus rentables mais aussi toujours plus risqués.
On voit d’ailleurs à quel point ces prêts interbancaires se sont développés à partir des années 90, jusqu’à finalement disparaître presque totalement au moment où le marché interbancaire s’est grippé, les liquidités s'étant asséchées, obligeant les banques à se tourner vers la banque centrale pour éviter un effondrement du système monétaire et financier.
Or, le mode de financement s’est tout simplement métamorphosé et, désormais, ce sont les réserves qui jouent ce rôle, réserves créées par la Banque Centrale.
Il faut savoir qu’il y a une limite dans le nombre de dettes d’États puisqu’il est nécessaire que ces derniers s’endettent constamment pour que les banques puisses y augmenter leur exposition et ce, d’autant plus, que les dettes arrivant à échéances doivent être renouvelées pour que les banques maintiennent stable leur exposition.
Pour y remédier et ainsi satisfaire les exigences des nouvelles réglementation, une solution se trouvait dans la création de réserves de la part de la Banque Centrale puisque, les réserves sont une forme de monnaie et les dettes d’État le sont également !
La contrepartie c’est que, désormais, ces réserves sont devenues indispensables et certains effets négatifs ont pu être observés lors de la crise Repo de septembre 2019, après que la FED avait démarré son resserrement monétaire en 2017, faisant exploser les taux Repo :
Une situation complexe
Ainsi, aujourd’hui, si la FED se trouve dans une situation plus que complexe avec deux grandes composantes que sont les réserves et les Reverses Repo.
On peut donc dire que l’énorme bilan des Banques Centrale a surtout permis de maintenir la stabilité du système financier en raison du changement de la réglementation et de la composition du système bancaire.
Ces facteurs signifient que la contraction totale possible du bilan de la FED est particulièrement limitée et pourrait très probablement prendre fin dès cette année 2023
Le rythme de contraction ralentira probablement plus tôt que prévu et avant le terme auquel la plupart des personnes s’attendent.
Au-delà du Quantitative Easing, la vraie question à se poser est donc : est-ce que l’accumulation de réglementation suite à la crise des subprimes a réellement permis une réduction des risques au sein des marchés ?
Il est fort probable que, plus qu’une réduction, nous ayons tout simplement assisté à un déplacement du risque.