La Chine sur le Point d'Écraser les USA ?! Libre et riche

1.000 milliards de dollars… C’est le montant de dette publique américaine que la Chine détenait il y a de cela encore un an !

L’Empire du milieu qui, durant de nombreuses années, notamment suite à la crise des subprimes de 2008, était considéré comme le plus grand créancier au monde vis-à-vis des États-Unis et qui accumulait d’énormes quantités de dettes américaines, se trouve désormais en deuxième position.

De plus, curieusement, depuis maintenant un an, le pays a très largement réduit son exposition aux titres de dettes de l’oncle Same.

La chute, par rapport au plus haut degré d’exposition du pays, est historique, puisque de l’ordre de 180 milliards de dollars en l’espace d’un an et de plus de 457 milliards de dollars depuis son plus haut niveau atteint en 2013 ! 

Du coup, compte tenu de cette situation, beaucoup craignent que la possession de dette américaine par la Chine ne donne à la Chine un outil de domination économique et géopolitique sur les États-Unis et certains parlent même de militarisation des avoirs américains en possession chinoise.

Qu’en est-il concrètement ?

Quelles sont les raisons de détenir autant de dettes et la Chine est-elle en position de force vis-à-vis des États-Unis ?

Dette américaine et pression chinoise

L’exposition de la Chine à la dette publique américaine est clairement entrée dans une nouvelle phase et sa disposition à s’y exposer a visiblement pris un virage à 90 degrés.

En effet, comme on peut le voir sur ce graphique, depuis que le 21ème siècle a commencé, la Chine a passé la moitié de son temps à accroître sa position de créancière vis-à-vis de la dette de l’Oncle Sam, tandis que, désormais, ce phénomène s’est retourné.

La Chine ne cesse de réduire son exposition, année après année.

Néanmoins, malgré cette situation, qui ne sera pas sans conséquence, la Chine reste, après le Japon, le pays qui possède le plus d’obligations publiques américaines.

Aussi, forcément, beaucoup craignent que la possession de dette américaine par la Chine ne donne à l’Empire du milieu un outil de domination économique et géopolitique sur les États-Unis.

En effet, une telle situation serait susceptible de mener les États-Unis à se soumettre à la Chine de part l’emprise économique que cette dernière exercerait. 

Pourtant, en réalité, cette appréhension découle d'une mauvaise compréhension de la dette souveraine et de la manière dont les États tirent leur pouvoir de leurs relations économiques.

Le fait est que, l’achat de dette souveraine par des pays étrangers est une transaction financière dont la finalité est plus unificatrice que diviseuse, notamment en ce qui concerne les relations bilatérales entre les deux pays.

D’ailleurs, l'achat de dette souveraine par d'autres nations est une pratique courante qui favorise l'ouverture de l'économie mondiale.

En ce sens, même si la Chine exigeait le remboursement des dettes possédées ou se mettait à revendre une partie des dettes détenues, comme elle le fait actuellement, en fait, l'utilisation du crédit comme mesure coercitive n’est pas nécessairement chose facile et la capacité qu’a un créancier à imposer ses conditions à une nation débitrice n’est pas nécessairement automatique, varie grandement selon les nations au cours de l’histoire et, en règle générale, cela n’est faisable que dans les cas où la nation débitrice se trouve en situation de faiblesse.

Or, dans le cas des États-Unis, la dette américaine est un actif extrêmement populaire et très recherché au sein de l'économie mondiale. 

Par exemple, entre 2016 et 2017, la Chine a réduit ses avoirs en bons du Trésor américain pour un montant avoisinant les 200 milliards de dollars. 

Pourtant, malgré son ampleur, cette vente n'a pas eu d'incidence significative sur l’économie américaine, limitant ainsi les conséquences négatives qu'une telle action pourrait avoir sur la prise de décision outre-atlantique au niveau économique et géopolitique.

On voit d’ailleurs comment, au fur et à mesure que la Chine a réduit son exposition aux titres de dettes publiques américaines, les investisseurs étrangers ainsi que les investisseurs domestiques s’y sont substitués.

Tout cela, sans compter qu’aujourd’hui et en l’état actuel des choses, la Chine doit maintenir d'importantes réserves de dette américaine, pour pouvoir gérer le taux de change du renminbi vis-à-vis du reste des devises internationales.

Si la Chine venait à liquider soudainement ses réserves, le taux de change de sa monnaie augmenterait, rendant les exportations chinoises plus chères sur les marchés étrangers. En tant que tel, les avoirs chinois en dette américaine ne confèrent pas à la Chine une influence économique importante sur les États-Unis.

Sachant cela, et arrivé à ce stade, la question que l’on peut se poser est : de manière générale, pourquoi les pays accumulent des réserves de change ? 

Un accroissement du stock des réserves de change

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, tout pays qui commerce ouvertement avec un pays tiers est susceptible d'acheter de la dette souveraine de cet autre pays. 

En termes de politique économique, on parle de triangle d’incompatibilité ou triangle de Mundell pour les intimes.

Autrement dit, en vertu de ce principe, un pays doit nécessairement faire face à un trilemme et peut donc influencer librement deux des trois éléments que sont le taux de change, la politique monétaire et la circulation des capitaux.

Selon ce principe, on ne peut donc avoir à la fois la libre circulation des capitaux, la maîtrise de la politique monétaire et un système de changes durablement fixes. En revanche, l’abandon d’une des trois conditions permet la possibilité des deux autres. 

Autrement dit : 

-Si un pays choisit de contrôler le taux de change de sa devise vis-à-vis du reste des devises internationales et de conduire une politique monétaire autonome, il devra renoncer à la libre circulation des capitaux.

-Si un pays choisit de contrôler le taux de change de sa devise vis-à-vis du reste des devises internationales et de favoriser la libre circulation des capitaux, il devra renoncer à la politique monétaire autonome.

-Finalement, si un pays choisit de favoriser la libre circulation des capitaux et de mener une politique monétaire autonome, il devra renoncer à sa capacité à contrôler le taux de change de sa devise vis-à-vis du reste des devises internationales.

Or, l’influence du taux de change et l’autonomie de la politique monétaire sont des choix de politiques monétaires effectués par la banque centrale d'un pays et la possession de dettes souveraines étrangères fournit aux pays un moyen de poursuivre leurs objectifs économiques de trois manières différentes : 

1° Premièrement, tout pays ouvert au commerce et/ou à l'investissement international a besoin d'un certain montant de devises étrangères pour payer des biens étrangers ou réaliser des investissements à l'étranger.

En effet, dans un monde globalisé tel que le nôtre, les gouvernements, les particuliers ainsi que les entreprises, entretiennent des relations commerciales et réalisent au quotidien des échanges de biens et de marchandises.

Parfois, nous exportons, c’est-à-dire que nous vendons des marchandises à des pays étrangers pour une certaine valeur et, d’autres fois, nous importons, c’est-à-dire que nous achetons des marchandises à des pays étrangers pour une certaine valeur également.

La différence entre les exportations et les importations nous donne donc la balance commerciale.

Or, il est très rare que l’on exporte autant de marchandises que ce que l’on en importe, c’est-à-dire que l’on se retrouve avec une balance commerciale à l’équilibre.

Lorsque la balance commerciale est excédentaire, cela signifie que exporte plus que ce que l’on importe et, inversement, lorsqu’elle est déficitaire, cela signifie que l’on importe plus que ce que l’on exporte.

Or, pour qu’un pays puisse enregistrer continuellement des déficits commerciaux, comme cela est le cas avec les États-Unis par exemple, encore faut-il que ce pays soit en capacité de s'endetter. Cela signifie qu’un pays ne peut importer plus que ce qu’il n’exporte, c’est-à-dire capter de la valeur étrangère sans le lui en donner en retour, que parce que le pays étranger qui lui envoie ses marchandises accepte de lui faire crédit entre guillemets.

En conséquence, lorsqu’un pays comme la Chine vend plus de marchandises aux États-Unis, sans en recevoir autant, cela revient à lui vendre des biens à crédit, crédit qui se retrouve sous la forme de dollars et/ou de dettes publiques américaines.

De plus, lorsqu'un pays achète des marchandises à l’étranger, il se peut que ce pays ait besoin d’utiliser la devise nationale du pays qui lui échange ses marchandises, raison pour laquelle de nombreux pays conservent en stock des devises étrangères en réserve pour pouvoir réaliser ces dépenses et ainsi ne pas devoir constamment aller échanger leur monnaie sur les marchés internationaux. 

Les politiques économiques nationales exigent d’ailleurs souvent des banques centrales qu'elles respectent certains ratios d'adéquation des réserves de change et d'autres réserves, notamment lorsque le pays est endetté vis-à-vis de pays étrangers, ce que l’on appelle la dette extérieure, et afin que ce même pays puisse continuer de rembourser ses dettes, notamment en cas de crise.

Le FMI publie également des lignes directrices pour aider les gouvernements à calculer les niveaux appropriés de réserves de change compte tenu de leurs conditions économiques.

C’est donc pour cette raison que, très souvent, la dette souveraine fait partie des réserves de change du partenaire commerciale.

2° Deuxièmement, il est pertinent de conserver des dettes publiques notamment pour influencer les taux de change et ainsi veiller à la stabilité des prix à l’intérieur d’une économie.

Comme on peut le voir sur ce graphique, durant de nombreuses années et ce, jusqu’en 2005, la Chine fixait le taux de change du renminbi par rapport au dollar. Désormais, cette politique de taux de change fixe a été abandonnée bien que, dans la pratique, la banque centrale influence son cours dans une plus ou moins grande mesure.

Ainsi, une manière de manipuler le taux de change, c’est d’acquérir et de stocker des actifs étrangers qui se rapprochent le plus de la monnaie, telle que de la dette publique.

De telle manière, en cas de choc économique provoquant la dépréciation de la devise nationale, le pays peut peut venir taper dans ses réserves d’actifs pour les revendre sur les marchés mondiaux contre sa propre devise. De cette manière, cela permet de rétablir la stabilité du taux de change prévenant ainsi les risques d’instabilité économique.

3° Finalement, la dette publique de certains pays bien notés étant garantie par le gouvernement, les institutions financières privées et publiques la considèrent comme un actif à faible risque avec une forte probabilité de remboursement bien que certaines obligations d'État soient considérées comme plus risquées que d'autres.

En ce sens, dans la mesure où ces actifs sont peu risqués, ils peuvent s’avérer être des solutions d’investissement de choix plutôt que de garder des dollars qui ne rapportent rien du tout afin justement de recycler les dollars perçus en cas de balance commerciale excédentaire lors des échanges internationaux de marchandises.

Compte tenu de ce que l’on vient de voir, on peut donc se demander : quelles sont les raisons poussant la Chine à acheter autant de dettes américaines ?

L’Oncle Sam sous domination chinoise ?

Aujourd’hui, la Chine détient d'importantes réserves de change, qui se sont accumulées au fil du temps en partie en raison des excédents persistants de la balance commerciale, pour empêcher les entrées de trésorerie provenant du commerce de déstabiliser l'économie nationale. 

Les importants avoirs du Trésor américain en Chine en disent donc autant sur la puissance des États-Unis dans l'économie mondiale que les particularités propres à l'économie chinoise. 

De manière générale, la dette américaine est un actif recherché puisque relativement sûr et liquide. Ainsi, en tant que monnaie de réserve mondiale et monnaie de transaction internationale, le dollar américain est largement utilisé dans les échanges internationaux. 

De ce fait, dans la mesure où les biens commerciaux sont libellés en dollars et en raison de sa forte demande, le billet vert peut facilement être échangé.

Néanmoins, malgré les qualités attrayantes de la dette US, le financement continue de la dette américaine inquiète les économistes, qui craignent qu'un arrêt soudain des flux de capitaux vers les États-Unis ne déclenche une crise intérieure.

Ainsi, la dépendance des États-Unis au financement par emprunt présenterait des défis, non pas à cause d’une interruption de la demande chinoise, mais en cas d’arrêt soudain de la demande de l’ensemble des acteurs, notamment en cas de tension, comme cela est le cas actuellement avec la crise du plafond de la dette.

Plus qu’un instrument de domination, en réalité, la Chine achète donc de la dette américaine pour les mêmes raisons que d'autres pays achètent de la dette américaine, avec néanmoins deux grandes caractéristiques.

1° D'un point de vue régional, les pays asiatiques détiennent un montant inhabituellement élevé de la dette américaine en réponse à la crise financière asiatique de 1997. La crise financière de 1997 a incité les économies asiatiques, dont la Chine, à constituer des réserves de change comme filet de sécurité. 

Pendant cette crise, l'Indonésie, la Corée, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande ont vu les investissements étrangers chuter d’environ 12,1 milliards de dollars contre 93 milliards de dollars traditionnellement, ce qui représentait l'équivalent de 11% de leur PIB combiné.

En réponse, certains pays comme la Chine, le Japon, la Corée et les pays d'Asie du Sud-Est ont mis en place d'importants fonds de précaution de réserves de change pour les jours difficiles, qui, pour des raisons de sécurité et de commodité, incluent majoritairement de la dette américaine. 

Ces politiques ont d’ailleurs été plus que justifiées après 2008, lorsque les économies asiatiques se sont vantées d'une reprise relativement rapide alors que les économies occidentales mirent des années à se relever.

2° D'un point de vue national cette fois-ci, la Chine achète de la dette américaine en raison de sa position d’usine du monde. 

En effet, étant donné que la chine a une balance commerciale excédentaire, c’est-à-dire qu’elle exporte plus que ce qu’elle n’importe, on l’a vu, cela revient à faire crédit aux, notamment aux États-Unis.

Le problème, c’est que les exportateurs chinois qui reçoivent des dollars américains pour leurs marchandises vendues aux États-Unis ont besoin de renminbi pour payer le salaires de leurs travailleurs, acheter des biens nationaux ou encore payer des impôts.

De ce fait, ils vendent les dollars qu'ils reçoivent par le biais des exportations à la banque centrale chinoise pour obtenir des renminbis.

La conséquence c’est que cette situation augmente l'offre de dollars et augmente la demande de renminbis ce qui provoque une appréciation du taux de change du renminbi par rapport au dollar ce qui est susceptible de porter préjudice au secteur exportateur chinois en rendant les biens chinois plus chers pour les étrangers.

Or, la stratégie de la Chine consiste précisément à maintenir une croissance interne tirée par les exportations, ce qui contribue à créer des emplois et lui permet, grâce à une telle croissance continue, de maintenir l'engagement productif de sa grande population. 

Cette intervention de la banque centrale chinois, que l’on appelle politique de “stérilisation”, crée donc une pénurie de dollars américains, ce qui maintient les taux du dollar à la hausse. Par la suite, la Chine “recycle” les dollars sous la forme de dette publique américaine pour obtenir un certain rendement sur ses réserves de change. Autrement dit, elle échange un type de monnaie, les billets de dollars, contre un autre type de monnaie, la dette publique.

Par conséquent, tant que la Chine continuera d'avoir une économie axée sur les exportations avec un énorme excédent commercial avec les États-Unis, elle continuera d'accumuler des dollars américains et de la dette américaine. 

Les prêts chinois aux États-Unis, via l'achat de dette américaine, permettent aux États-Unis d'acheter des produits chinois. C'est une situation gagnant-gagnant pour les deux nations, les deux en bénéficiant mutuellement. La Chine obtient un énorme marché pour ses produits et les États-Unis bénéficient des prix économiques des produits chinois. 

Au-delà de leur rivalité politique bien connue, les deux nations sont enfermées dans un état d'interdépendance dont elles profitent toutes les deux, et qui est susceptible de perdurer.

Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire et aussi paradoxal que celà puisse paraître, le plus grand risque pour les États-Unis, ce n’est pas la vente de titres de dettes publiques de la part de la Chine mais bel et bien d’un arrêt des relations commerciales. Mais en faisant cela, la Chine provoquerait autant de dégâts à l’économie américaine qu’à sa propre économie nationale.

D’ailleurs, comme l’explique l'anthropologue David Graeber, dans son livre intitulé “Dette : 5.000 ans d’histoire”, même “la Chine estime que le fait de détenir autant de bons du Trésor américain la rend dans une certaine mesure redevable aux intérêts américains, plutôt que l'inverse”.

Pour conclure et compte tenu de ce que l’on vient de voir, on est mieux à même de comprendre pourquoi la Chine à réduit son exposition aux titres de dettes américains. Loin de vouloir voir les États-Unis s’effondrer, l’Empire du milieu a simplement suivi une politique monétaire inverse à celle suivie traditionnellement.

En effet, celle-ci consiste simplement à défendre son taux de change selon la conjoncture économique et donc lorsque le renminbi perd trop de valeur, la chine rachète du renminbi en vendant de la dette publique américaine et, inversement, lorsque le renminbi prend trop de valeur, la chine vend  sa monnaie et rachète de la dette publique américaine.

Or, depuis 2014, la Chine s’est mise à baisser les taux d’intérêt pour relancer la consommation interne, dans un contexte où, au contraire, les États-Unis suivaient la même année une politique de resserrement monétaire et par la suite de hausse de taux d’intérêt.

Cela portait donc atteinte au taux de change puisque le dollar avait déjà pris beaucoup de valeur, ce qui correspond précisément au moment où l’Empire du Milieu s’est mis à réduire son exposition à la dette publique américaine.