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Le Piège Mortel du Dutch Desease - Comment une Ressource a Condamné ces Pays à la Ruine !

Venezuela, Norvège, Emirates Arabes Unis et Guatemala. 

Voilà une sélection de pays qui ne pourrait pas être plus différente. 

Et pourtant…

Il existe bien un lien entre ces différents territoires !

En effet, ce sont tous des pays qui, a un moment ou un autre dans l’histoire contemporaine, ont vu leur économie tourner principalement autour de l’exportation d’un seul et unique produit ! 

Le pétrole dans le cas des trois premiers et les bananes pour le Guatemala. 

Or, cette dépendance économique a été, et continue encore de nos jours, particulièrement désastreuse pour le pays qui tombait dans le piège de ce que l’on appelle aujourd’hui le Dutch Desease, ou maladie hollandaise en français !

En quoi consiste cette maladie économique et financière ?

Qu’est-ce que le Dutch Desease ? Quelles sont ses origines du terme et quels en sont les effets, les conséquences et les différentes subtilités ? 

Dutch Desease: les origines

Je suis un phénomène très intéressant de l’économie d’un pays, je prends vie suite à la découverte d’une nouvelle opportunité ou ressources, les conséquences de ma venue peuvent s’avérer désastreuse si les autorités en place ne prennent pas les mesures nécessaires…

Je suis ? 

Évidemment, le Dutch Desease !

Le modèle économique qui décrit le phénomène du Dutch disease a été pour la première fois développé par les économistes Max Corden et Peter Neary en 1982.

Dutch disease ou syndrome Hollandais trouve son origine, comme son nom l’indique, aux Pays-Bas. 

Si le syndrome a probablement existé aux cours des millénaires de civilisation passés, ce terme est lié à la découverte d’un énorme gisement de gaz naturel en mer du Nord en 1959 par les Pays-Bas ainsi que des différents évènements qui en ont découlé.

Pour l’anecdote, la nouvelle ressource découverte ainsi que son exploitation massive associée à une demande importante a très vite provoqué un afflux massif de capitaux étrangers sur le territoire hollandais. 

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, si de prime abord, cette évolution semble être positive, en réalité cette découverte a eu de graves répercussions sur d’importants segments de l’économie du pays.

En effet, l’augmentation soudaine et rapide de la valeur de la devise nationale de l’époque, le florin néerlandais, a rendu les exportations non pétrolières néerlandaises plus chères et, par conséquent, moins compétitives.

Le taux de chômage est ainsi passé de 1,1 pour cent à 5,1 pour cent entre 1970 et 1977, avant d’exploser à la hausse, avec une baisse importante de l’emploi dans le secteur manufacturier et la production industrielle du pays s’est mise à stagner entre 1974 et 1984.

Un article du journal The Economist datant de 1977 cite trois composantes comme cause du syndrome hollandais :

1° Premièrement, une devise trop forte. Les exportations de gaz avaient entraîné un afflux de devises étrangères, ce qui avait accru la demande de florin et l'avait ainsi renforcé. Cela avait rendu d'autres secteurs de l'économie moins compétitifs sur les marchés internationaux. En outre, l’extraction du gaz étant une activité avec une intensité capitalistique forte, c’est-à-dire ayant besoin d’un grand nombre d’actifs, malgré les efforts engagés par les responsables pour freiner la croissance du florin hollandais, les coûts de la main d’œuvre interne ont connu une croissance beaucoup plus rapide que les produits importés, comme le montre cette image rendant le florin, de facto, moins compétitifs.

2° Ensuite, deuxièmement, la croissance des coûts industriels : d’abord, la croissance des salaires, comme indiqué, fut largement encouragée par le gouvernement. Les cotisations sociales ont également connu une importante croissance, faisant augmenter le poids de la contribution sur les entreprises. L’implantation de nouvelles normes environnementale et de sécurité sociales dont les applications représentent un coût important, associé aux éléments mentionnés, ont aussi eu pour conséquence de faire augmenter les coûts sur les entreprises.

3° Finalement, l’augmentation des dépenses gouvernementale. Au travers des taxes et des participations dans des entreprises, une grande partie des revenus liés à l’exploitation des nouvelles ressources gazières, est revenue au gouvernement qui n’a pas hésité à dépenser au profit des allocations sociales, les fonds de pensions, les bénéfices chômages, etc. sans pour autant augmenter les allocations aux investissements ce qui aurait garanti un flux constant de capitaux

Dutch Desease : le fonctionnement

Dans un objectif de simplification et pour schématiser, il nous est possible de réduire l’ensemble des activités économiques d’un État à trois éléments, comme décrits par les économistes à l’origine du terme. 

Ces éléments sont :

  • Les services, que l’on peut associer à la main d’œuvre et au capital humain,
  • Le secteur manufacturier, que l’on peut associer au capital monétaire, numérique ou intellectuel,
  • Et le secteur en croissance : généralement l’énergie qui est le produit des ressources souterraines, c’est-à-dire le facteur terre.

L’ensemble des entreprises emploient chacun de ces trois variables à différentes échelles selon leur secteur d’activité. 

Tandis que dans le cas d’une entreprise pétrolière, minière, agricole ou de gaz naturel, c'est le facteur terre qui défini la limite maximum de productivité, dans le cas d’un groupe hôtelier, typique du secteur de service, c’est avant tout le capital humain qui sera le facteur limitant. 

On voit donc que, étant donné que les ressources au sein d’une économie sont de nature rares, l’allocation d’une ressource au sein d’un secteur représente un manque à gagner pour les autres secteurs, de sorte que l’on est plus à même de comprendre pourquoi le Dutch Desease s’avère généralement négatif pour les pays en souffrant.

En effet, traditionnellement, ce qu’il se passe dès lors qu’une nouvelle ressource très demandée est découverte dans un pays, c’est qu’une certaine part des trois principaux facteurs mentionnés précédemment sera redirigée à l’exploration et à l’extraction de cette nouvelle ressource.

En ce qui concerne la devise, lorsqu’un pays devient un exportateur très important d’une certaine ressource, la valeur de sa monnaie a tendance à rapidement croitre.

En effet, pour pouvoir acheter la production du pays exportateur, les pays importateurs vont devoir accroître leur demande de monnaie locale, ce qui va faire pression à la hausse sur cette dernière.

Si une valeur élevée de la monnaie peut, dans un premier temps, sembler être une bonne nouvelle, en réalité, il convient de prendre en compte les différentes conséquences que cela engendre.

Dans un contexte d’échanges internationaux, une devise plus forte a tendance à stimuler les importations, le dollar américain en est le parfait exemple, tandis qu’une devise plus faible a tendance à stimuler les exportations, les exportations, le renminbi chinois étant également un bon exemple.

Aussi, une devise élevée implique un prix à payer plus élevé pour l’importateur, ce qui, à terme, fini par porter préjudice au pays dont la devise s’apprécie.

En effet, d’un côté, il devient moins cher pour notre pays d’importer les ressources dont il a besoin et, de l’autre, le secteur manufacturier interne doit concourir contre le secteur en croissance, le secteur des services et contre les produits étrangers moins cher pour la population. On assiste à ce moment à forte réduction des exportations du pays concernés qui touchera l'ensemble des secteurs.

C’est exactement ce que l’on a observé du côté des Pays-Bas qui, après une forte croissance des exportations dans les années 70, la courbe a fini par chuter.

Pour couronner le tout, en règle générale, tout gouvernement en place veut satisfaire sa population dans le but se faire réélire. Ainsi, la découverte d’une nouvelle ressource, faisant entrer beaucoup de capitaux dans les caisses de l’État, entraine bien souvent, dans le meilleur des cas, une diminution des taxes ou une augmentation massive des dépenses du gouvernement et, dans le pire des cas, notamment dans les pays en voie de développement et dans les régimes dictatoriaux, une cannibalisation des ressources au travers de la corruption par les classes dirigeante et une augmentation des inégalités au sein des classes sociales. 

La population verra rarement les bénéfices de l’exploitation de la ressource qui sera exploitée par des entreprises étrangères qui paieront peu de taxes à la suite de pots de vins versés aux représentants officiels.

Dutch Desease : les conséquences

Compte tenu de ce que l’on vient de voir, tant que l’ensemble de ces trois conditions persiste, c’est-à-dire que la demande de la ressource reste forte, le prix de la ressource et en croissance et que les quantités produites persistent, il n’y a priori pas de problème au syndrome hollandais.

En revanche, lorsque les choses se compliquent, le gouvernement doit dès lors se confronter à deux options dont aucune n’est enviable :

Soit, il s’endette massivement et/ou imprime des liquidités pour tenter de maintenir ses dépenses, précipitant le pays dans l’hyper-inflation.

Soit, il ne fait rien et les tensions au sein de la population augmentera compte tenu de la hausse du chômage, la perte de compétitivité de nombreuses industries et l’appauvrissement du pays.

Si à l’échelle individuelle, dépendre d’une seule source revenue, bien que non conseillé, est soutenable, à l’échelle d’un État, dépendre d’une seule ressource revient à s’attacher une corde autour du cou.

Aujourd’hui, de nombreux pays tombent dans ce qu’on appelle aujourd’hui la mort prématurée du secteur manufacturier. En effet, après la découverte d’une nouvelle ressource, ces pays deviennent extrêmement dépendants de celle-ci. Les investissements internationaux dans le pays ont tendance à se concentrer exclusivement dans ce secteur en croissance et en raison de la divergence entre la valeur interne et la valeur internationale de leurs devises, le secteur manufacturier qu’ils auraient voulu développer grâce à la nouvelle ressource meurt avant même d’avoir connu la croissance.

L’exemple du pire est d’ailleurs sans aucun doute le Venezuela !

Après la nationalisation des réserves de pétrole dans les années 70, la valeur de la devise a augmenté, encourageant les importations et réduisant les exportations. Le gouvernement n’a pas cherché à diversifier ses investissements et le secteur pétrolier fut cannibalisé par la corruption. 

Les entreprises financées par le gouvernement étaient devenues des zombies maintenus artificiellement par le gouvernement qui y injectait des capitaux malgré la mauvaise gestion et l’absence d’obligation de rentabilité. 

Les dépenses sociales ont explosé, à tel point que le gouvernement s’est adonné à la dette pour financer des dépenses absurdes et impression monétaire, provoquant une situation hyper-inflationniste.

L’inflation était telle qu’elle a même dépassé les 350.000 pour cent sur un an. Christine Lagarde n’a qu’à bien se tenir…

Évidemment, tous les pays disposant de nombreuses ressources naturelles ne sont pas condamnés à finir comme le Venezuela. L’exemple le plus parlant étant sans aucun doute la Norvège.

Si le parcours du pays n’est pas très différent de celui du Venezuela, la Norvège est pourtant aujourd’hui au sommet des classements en termes de joie de vivre, de PIB, de protection salariale, d’espérance de vie et de facilité de lancer des business. 

Tout comme le Venezuela, la Norvège a également découvert en 1969 de nombreux gisements pétrolifères en mer de Norvège. Le PIB du pays est passé de 5 milliards à 65 milliards de dollars entre 1960 et 1980. 

L’exploitation des ressources s’est fait au travers de l’entreprise gouvernementale Equinor, anciennement StatOil de sorte que l’ensemble des profits dus à l’exploitation sont allés au gouvernement, tout comme notre précédent exemple. 

Tout comme le Venezuela, la Norvège a engagé des dépenses sociales, à la seule différence que les dépenses engagées par le pays furent très réfléchies et tournées vers l’avenir. 

Étant conscient, que les revenus issus de l’exploitation pétrolière ne seraient pas éternels, le gouvernement a investi ses gains dans un fond souverain qui est aujourd’hui le plus grand au monde avec près de 1.400 milliards de dollars d’actifs. Les actifs en eux-mêmes ne sont pas accessibles par la population ou même le gouvernement et l’ensemble des fonds sont investis exclusivement en dehors du pays et dans des secteurs autres que le pétrolier servant ainsi de protection. 

Seuls les bénéfices issus des investissements sont utilisé pour financer les dépenses sociales comme : l’éducation, la santé, la sécurité sociale, etc.

Pour conclure, comme on vient de le voir dans le cas de la Norvège, la découverte ou l’exploitation d’une nouvelle ressource n’a pas à être une fatalité pour un pays. Après des décennies d’existence et les nombreux exemples ou équivalents du Dutch disease observés au cours de l’histoire, la concentration de ressources et la mauvaise gestion ont très souvent été à l’origine du mal. 

La solution pour y lutter peuvent se résumer en deux mots : diversification et gestion. De nombreux pays exportateurs l’ont aujourd’hui compris. 

Outre le cas de la Norvège, on peut également citer la Chine dont le secteur manufacturier fait beaucoup plus parler que ses exportations de matières brutes, les Émirats Arabes Unis, le Qatar ou encore l’Arabie Saoudite qui tendent également à augmenter la part du tourisme dans leur économie et à favoriser les investissements étrangers dans les secteurs autres que celui des ressources naturelles en implantant des hubs sans compter leurs fonds souverains chargés d’investir dans des entreprises étrangères.

La découverte d’une ressource en abondance dans un pays est dans un premier temps une très bonne nouvelle. Néanmoins, cela peut très vite se transformer en un désastre économique et social pour un pays en l’absence de diversification et de gestion adaptée. 

Le Venezuela est très vite le pays auquel on pense lorsque l’on fait, référence, a un pays détruit par sa propre richesse. Des territoires dépendants principalement d’une ressource unique sont légion, notamment les pays du golfe et des pays d’Afrique. Si certains d’entre eux tentent de se protéger contre la dépendance et ses conséquences, seul l’avenir nous montrera qui a su se protéger suffisamment, car comme le dit si bien Warren Buffett : “c’est lorsque la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nu …”

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