Les Banques ne seront pas sauvées ! | Libre et Riche

Cela fait désormais tout juste un an que la Réserve Fédérale Américaine a décidé de remonter les taux d’intérêt afin de lutter contre l’inflation.

Cette politique de resserrement monétaire n’est pas sans conséquences sur le reste de l’économie… Les banques sont affectées et certaines ont déjà fait faillite

En effet, sur l’année de hausse des taux qui s’est écoulée, plus de 850 milliards de dollars ont été retirés des banques américaines : il s’agit donc du niveau le plus élevé jamais enregistré dans l’histoire !

Quelles sont les raisons d’un tel phénomène ?

Quelles pourraient-être les conséquences ? Et les banques françaises pourraient-elles également se retrouver en difficultés ?

Des fuites massives 

856 milliards de dollars : c’est le montant exact des dépôts d’argent qui ont été retirés des banques américaines depuis la remontée des taux d’intérêt qui a démarré il y a de cela un an. 

Des retraits qui dépassent très largement ceux enregistrés au cours de la crise technologique du début des années 2000.

Ces retraits sont énormes mais, en plus, ils se sont accélérés au cours des derniers mois et rien ne semble indiquer que cette situation pourrait prendre fin sur le court et moyen-terme.

Pour se faire une idée de ce que représente cette somme tout simplement ahurissante, il est possible de se focaliser sur les données françaises.

À titre d’exemple, en France, selon la Banque de France, il y aurait l’équivalent de 3,128 milliards d’euros d’encours dans des dépôts bancaires.

C’est comme si l’équivalent d’un quart de l’ensemble des dépôts présents au sein des banques françaises venaient à être retirés en l’espace d’un an.

Cela permet d’illustrer le niveau de stress auquel les banques  sont confrontées. 

Il est possible d’illustrer ce phénomène grâce à l’agrégat monétaire M1 qui est un agrégat  prenant en compte la monnaie en circulation, les dépôts à vue, c’est-à-dire les comptes bancaires avec lesquels il est possible de retirer de l’argent à tout moment, et d'autres dépôts liquides, principalement composés de compte d'épargne.

Comme on peut le voir depuis avril 2022, l’agrégat à chuté de près de 2.000 milliards de dollars.

Or, cette baisse ne s’explique pas par des retraits d’argent au guichet pour les convertir en pièces et billets.

En revanche, les comptes d’épargne eux sont passés de 14.000 milliards de dollars à 12.000 milliards de dollars.

Le fait est qu’il existe une différence entre les dépôts à vue d’une part et les comptes d’épargne de l’autre.

Traditionnellement, du moins aux États-Unis, la différence réside dans la capacité qu’avait un client d’une banque à effectuer des transactions et la rémunération afférente au compte en question.

Étant donné qu’un dépôt à vue est un compte bancaire classique sur lequel l’argent est a priori utilisé au quotidien, il est possible de réaliser un nombre illimité de transactions. Ces caractéristiques rendent ce type de dépôt extrêmement liquide.

Crise du Covid et régulation

En revanche, les comptes d’épargne sont moins liquides dans la mesure où la réglementation autorise un nombre limité de transactions quotidiennes: limitées à 6. Ainsi, en contrepartie de cette liquidité moindre, les banques offrent une rémunération à un certain taux d’intérêt.

Ces comptes spécifiques jouent donc en quelque sorte le rôle d’un placement financier considéré comme étant pratiquement sans risque. 

Sauf qu’en avril 2020, la Réserve Fédérale Américaine a décidé de supprimer cette restriction de six transactions par mois car, à cause de la pandémie de coronavirus, de nombreux ménages se sont retrouvés en difficultés financières. 

Ainsi, aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus aucune distinction entre les dépôts à vue traditionnels et les comptes d’épargne.

Bien que, de prime abord, cette modification de la réglementation parte d’une bonne intention afin d’aider au maximum les ménages en cette période difficile, en réalité, dans la pratique, cette décision n’a pas été sans conséquences.

En effet, cela a entraîné une remontée des taux d’intérêt suite au retour de l’inflation. 

Le problème c’est que ce type de compte d’épargne est en concurrence directe avec d’autres placements que sont les Money Market Mutual Fund ou fonds d’investissement du marché monétaire en français et les obligations de dettes publiques américaines.

En effet, ces trois types de placements sont similaires en de nombreux points notamment en ce qui concerne le risque qui est censé être très faible.

La saignée a commencé

Comptablement parlant, on peut représenter le bilan d’une banque, selon le degré de liquidité des actifs, allant du moins liquide au plus liquide et selon le degré d’exigibilité au passif, allant du moins exigible au plus exigible.

Pour rappel: 

Liquidité = facilité de revendre un actif sans que son prix ne soit trop affecté

Exigibilité = rapidité à laquelle je vais devoir rembourser une dette 

Exemple: Une dette non exigible me permet de rembourser mes dettes dans très longtemps alors qu’une dette exigible devra être remboursée sur un espace de temps très court.

Le problème c’est que, le business des banques repose sur un modèle particulièrement bancal puisque leur bilan est déséquilibré.

Pour qu’un bilan soit plus ou moins équilibré, il faudrait que je puisse, dans la mesure du possible, faire coïncider les échéances entre actif et passif. Autrement dit, je devrais essayer d’avoir des actifs long-terme, donc peu liquides, avec des passifs long-terme et inversement. 

Leur bilan est complètement déséquilibré, avec une grande proportion d’actifs peu liquides dont la contrepartie sont des dettes exigibles à très court-terme. 

Sachant cela, on est en mesure de comprendre pourquoi l’annulation de la règle des six transactions sur les comptes d’épargne est en partie à l’origine des difficultés dans laquelle se trouvent les banques aujourd’hui. 

En agissant ainsi, si la Réserve Fédérale a augmenté le degré d’exigibilité au passif, c’est-à-dire comme si les banques devaient de l’argent très rapidement, elle n’a pas augmenté proportionnellement le degré de liquidité des actifs présents au bilan de ces dernières.

Ainsi, lorsque l’inflation est arrivée et que les taux d’intérêt sont remontés, les banques n’ont pas pu augmenter la rémunération des comptes d’épargne au même rythme que la hausse des taux. 

Face à ce constat, les épargnants ont donc tout naturellement sorti leur argent des banques pour le placer dans des fonds d’investissement du marché monétaire.

Ainsi, ce sont près de 500 milliards de dollars qui ont été investis dans les fonds monétaires et qui sont donc sortis du système bancaire américain actuellement sous pression.

En bref, ce qui se passe, c'est que puisque les banques ne paient pratiquement rien pour les dépôts et que les fonds monétaires eux paient des taux alléchants, les ménages ont tout naturellement déplacé leur épargne d’un type de placement ayant perdu en attractivité vers un autre plus intéressant.

La question que l’on pourrait légitimement se poser est : pourquoi les banques ne rémunèrent-elles pas plus les dépôts pour essayer de fidéliser leurs clients ?!

La raison est en fait assez simple, c’est qu’il y a de plus en plus de banques qui commencent à avoir des problèmes de liquidité justement à cause de cette fuite des dépôts.

En ce sens, si elles sont confrontées à des problèmes de liquidité et qu’elles ne paient pas plus d’intérêts sur les dépôts afin de concurrencer les fonds monétaires et la dette publique, c’est tout simplement parce qu’elles ne le peuvent pas.

Or, les banques investissent à long-terme en se finançant à court-terme. Au cours de cette dernière décennie de taux bas, elles ont donc investi dans des actifs dont les rendements étaient particulièrement faibles pour de très longues années avec en contrepartie un passif qui est à très court terme et qui réagit très rapidement à la hausse des taux d’intérêt.

En revanche, les fonds monétaires n'ont pas ce problème dans la mesure où ces véhicules d’investissement empruntent à court terme et investissent également à court terme. 

Cela signifie que les fonds marché monétaire ont également investi dans des actifs peu rémunérateurs durant cette dernière décennie mais comme il s'agissait d'investissements à court-terme, ces investissements ont déjà expiré et le capital qu'ils ont récupéré avec ces investissements a été réinvesti dans de nouveaux placements à des taux d'intérêt beaucoup plus élevés.

C'est pour cette raison que les fonds du marché monétaire peuvent se permettre de payer des taux d'intérêt à court terme bien plus élevé, faisant mécaniquement concurrence aux banques qui se retrouvent prise au piège d’un business model qui ne perdure que parce que les banques centrales et les États sont là pour les sauver in extremis à chaque fois qu’un problème survient.

Les fonds monétaires sont donc devenus des opportunités d'investissement à court terme avec un meilleur rendement que les dépôts auprès des banques. D'où une fuite de dépôts hors des banques, avant même que surgisse la crise liée à la Silicon Valley Bank !

Ainsi, on peut clairement dire que les tensions au sein du système financier ne cesseront pas tant que les taux d’intérêt resteront élevés et ce, d’autant plus que les sorties massives de dépôts enregistrées au passif des banques font pression sur l’actif des banques qui se mettent à vendre leurs actifs à perte.

On comprend donc que, côté actif, les banques se trouvent avec des titres qui perdent de la valeur et côté passif, elles se trouvent dans l’obligation de rendre rapidement l’argent aux déposants qui trouvent plus pertinent de placer leur capital dans d’autres instruments alternatifs.

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