La Réserve Fédérale Américaine au bord de la faillite | INFLATION
C’est officiel ! Pour la première fois, la Réserve Fédérale Américaine enregistre des pertes d'exploitation d’un montant sans précédent, alors que les taux d'intérêt s'envolent et que la demande d'obligations américaines s'effondre.
Pour se faire une idée, les dernières données publiées par la FED, montrent que la Banque Centrale Américaine a enregistré des pertes dues au Trésor Américain pour un montant de plus de 4 milliards de dollars.
Cette tournure des événements est donc particulièrement brutale mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’est pas inattendue, notamment pour une banque centrale qui, durant une décennie, a gagné des milliards de dollars au travers de l’expansion de son bilan après la mise en place du Quantitative Easing (QE) à partir de 2008.
Cela met en évidence le changement radical de l'environnement économique et pourrait créer une situation de tension à un moment même où la FED se trouve déjà sous pression en resserrant sa politique monétaire afin de réduire l'inflation.
Autrement dit, en l’état actuel des choses, la Banque Centrale Américaine gagne moins d’argent sur ses actifs, c’est-à-dire ses investissements, qu'elle n’en dépense sur ses passifs, c’est-à-dire ses dettes.
Une des manières de résoudre ce problème serait donc de ralentir la hausse des taux car, dans le cas contraire, nous assisterions à une situation où la Réserve Fédérale Américaine commencerait réellement à imprimer de l'argent sans aucune contrepartie. Elle ferait donc tourner la fameuse planche à billets.
Qu’est-il en train de se passer et pourquoi la planche à billets deviendrait une réalité ?
Les Banques Centrales peuvent-elles faire faillite et quelles seraient les conséquences sur le système économique et financier ?
Les Banques Centrales sont-elles au bord de la faillite ?
Pour bien comprendre ce qu’il se passe actuellement, il convient de bien dissocier le stock, c’est-à-dire le patrimoine d’une part et, des flux, c’est-à-dire les revenus de l’autre.
- Le stock/ le patrimoine
Le marché obligataire connaît actuellement une période particulièrement mouvementée et probablement une de ses pires années de l’histoire !
Or dans le même temps, aucune institution ne détient autant d'obligations que les banques centrales et notamment les banques centrales américaines, européennes ou encore japonaises, qui ont amassé un portefeuille de titres d'une valeur supérieure à 30.000 milliards de dollars au cours de la dernière décennie.
En finance, l’on dit qu’il existe une relation particulièrement étroite entre d’une part les taux d’intérêt et d’autre part le prix des obligations. Concrètement, lorsque les taux d’intérêt baissent, le prix des obligations montent et, inversement, lorsque les taux montent, comme cela est le cas actuellement, alors le prix des obligations baisse.
C’est la raison pour laquelle on assiste à des chutes brutales du montant des bilans des principales banques centrales comme on peut le voir dans cette analyse.
En effet, cette situation se manifeste au travers de deux phénomènes, que sont, d’une part un effet volume et d’autre part un effet prix.
- Un effet volume parce que la quasi totalité des banques centrales ont d’ores et déjà commencé à resserrer leurs politiques monétaires, ce que l’on appelle le QT, ou Quantitative Tightening, qui est l’inverse du QE, c’est-à-dire l’assouplissement quantitatif suivi par ces principales entités au cours de la dernière décennie.
- Un effet prix : lorsque les taux remontent, les prix des obligations chutent ce qui réduit la valeur du bilan de ces entités financières. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que la Banque Centrale Japonaise, alors même qu’elle est pourtant une des seules banques centrales au monde à ne pas avoir adopté de mesures de resserrement de sa politique monétaire, voit comment la valeur de son bilan est actuellement en train de s’effondrer de 30%. Auquel s’ajoute le fait qu’elle a dû intervenir massivement sur les marchés pour éviter que le yen ne poursuive sa chute.
La hausse des taux actuelle que nous connaissons à donc un effet sur les bilans des banques centrales et notamment sur celui de la FED, c’est-à-dire sur ce que l’on appelle leur stock ou plus simplement leur patrimoine.
Ainsi, la valeur de marché du portefeuille de la Réserve fédérale est inférieure au coût d’acquisition des actifs.
Et attention! C’est là qu’il y a une petite subtilité à connaître !
La Réserve Fédérale utilise ses propres règles comptables !
Celle-ci comptabilise, entre autres, les titres qu’elle a acheté, dont notamment les dettes d’États, en “amortized cost”, c’est-à-dire en coût amorti, plutôt qu'à la “fair value”, c’est-à-dire la juste valeur/la valeur de marché.
Cela signifie que les gains et les pertes induites par les appréciations ou dépréciations des obligations sur les marchés font monter ou descendre le prix des obligations. Ces dernières sont comptabilisées seulement lorsqu’elles sont vendues.
Ce principe comptable permet donc d’enjoliver le bilan de la FED. Dans le cas contraire, la FED devrait enregistrer de nombreuses pertes latentes et cela réduirait sa capacité à resserrer sa politique monétaire en réduisant son bilan.
Ce n’est qu’en fouillant les documents comptables, dans une note de bas de pages qu’il est possible d’observer les pertes latentes.
On peut noter que la FED a enregistré près de 720 milliards de dollars de pertes non réalisées à la fin du deuxième trimestre. On remarque aussi que tandis que le portefeuille est de 8.763 milliards de dollars en “coût amorti”, il n’est plus que de 8.043 milliards de dollars en valeur de marché, une fois les pertes enregistrées !
Cela est d’autant plus surprenant que si l'on considère que le capital total de la Réserve fédérale est de 41 milliards de dollars, les pertes non réalisées du portefeuille de la FED sont suffisamment importantes pour anéantir son capital plus de 17 fois !
Mais, ce n’est pas tout ! En 2011, la Réserve Fédérale a modifié ses règles comptables afin qu'elle ne puisse plus déclarer de réduction de capital, ce qui signifie que, officiellement, elle ne peut pas faire faillite.
Au lieu de cela, la banque centrale enregistre la perte comme un élément comptable négatif, connu sous le nom d'actif différé, qu'elle devra ensuite compenser par des bénéfices futurs.
Toutes ces manœuvres ne peuvent effacer les faits: la valeur marchande du portefeuille de la FED est nettement inférieure à son coût d'acquisition, ce qui est susceptible de porter atteinte à la crédibilité de l’institution américaine.
- L’approche par les flux: qu’en est-il des revenus ?
En effet, il faut savoir que la Réserve Fédérale, tout comme la BCE, a augmenté ses taux d’intérêt, se trouvant désormais à 3,25 pour cent.
Or, il faut savoir qu’il n’existe non pas un mais trois taux d’intérêt dont notamment l’IORB rate, acronyme anglais de “Interest Rate on Reserve Balances” ou taux d'intérêt sur les soldes de réserve en français qui lui, se trouve actuellement à 3,15%.
Ce qu’il faut savoir, c’est que les banques détiennent en quelque sorte des comptes bancaires auprès de la banque centrale.
C’est un petit peu comme nous citoyens qui possédons des comptes bancaires auprès des banques, à l’exception près que, dans ce cas de figure, seules certaines banques et institutions financières ont le droit de détenir des comptes auprès de la Réserve Fédérale et les citoyens en sont exclus : on parle de réserves ou de monnaie de banque centrale.
Ainsi, cet “Interest Rate on Reserve Balances” est un taux d'intérêt que la Réserve Fédérale Américaine paie sur les comptes que les banques détiennent auprès de la banque centrale.
On comprend donc que, aujourd’hui, la FED doit régulièrement payer les banques pour l’argent qu’elle n’utilise pas, mécanisme dont la vocation est d’inciter les banques à ne pas octroyer trop de crédit.
Durant la dernière décennie de politique monétaire accommodante au travers de l’assouplissement quantitatif, les banques centrales ont accumulé d’énormes stocks de dettes d'État : ce que l’on appelle les obligations d’États.
Ainsi, en agissant de la sorte et, contrairement à la croyance populaire, les banques centrales n’ont non pas fait tourner la planche à billets, mais fait chuter les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas.
Aujourd’hui, on se retrouve donc dans une situation où, les banques centrales, et notamment la FED et la BCE, se retrouvent à devoir payer des intérêts élevés sur les réserves que les banques possèdent dans les comptes des banques centrales.
En revanche, dans le mêmes temps, parce que les banques centrales ont fait chuter les taux d’intérêt, les intérêts qu’elles perçoivent elles-mêmes de leur stock d’obligation sont extrêmement faibles.
Or, pour procéder au paiement de ses dettes, c’est-à-dire notamment les intérêts qu’elle doit majoritairement aux banques ayant des réserves, elle utilise traditionnellement l’argent qu’elle perçoit comme revenus. Cet argent provient de ses actifs majoritairement constitués d’obligations d’États !
Et c’est précisément à partir de ce moment que les problèmes arrivent puisque la Banque Centrale Américaine gagne moins d’argent sur ses actifs (ses investissements) qu'elle n’en dépense sur ses passifs (ses dettes).
En outre, les obligations achetées par la FED ont une échéance longue et la plupart de ces obligations ont été achetées lorsque les rendements étaient très bas, c’est-à-dire en 2020 et 2021.
À titre d’exemple, sur les plus de 5,6 milles milliards de dollars d’obligations américaines détenues par la Réserve Fédérale, plus de 2,4 milles milliards de dollars, ont une échéance supérieure à 5 ans.
Dans le même temps, les réserves des banques auprès de la FED ont une échéance allant de seulement 1 jour à 1 semaine et cette dernière doit leur verser du 3,15% !
Il est donc on ne peut plus clair qu'il faudra beaucoup de temps pour que les revenus issus des actifs puissent coïncider avec les dépenses.
En ce sens, en fonction de l'ampleur des hausses des banques centrales au cours de cette fin d’année 2022 et durant l’année 2023, nous pourrions assister à un retour à la normale au fur et à mesure que les flux des actifs coïncident avec les flux des passifs.
En revanche, si les taux venaient à augmenter encore plus rapidement, la situation pourrait très vite empirer.
Un désastre monétaire inévitable: inflation, récession et solutions
Compte tenu de ce que l’on vient de voir, plusieurs questions peuvent se poser :
- Quelles solutions la FED, et les banques centrales peuvent-elles adopter ?
- Quelles conséquences cela pourrait avoir sur le système économique et financier ?
- Les pertes assumées par les banques centrales ont-elles réellement de l’importance ?
A) Il existe 3 solutions :
Elle pourrait, soit ralentir le rythme des hausses de taux voire stopper les hausses, soit diminuer la rémunération des réserves que les banques déposent auprès de l’institution voire carrément l’annuler, soit espérer que la récession frappe rapidement et parier pour l'efficacité des mesures prises actuellement afin de faire baisser rapidement l’inflation et ainsi pouvoir à nouveau retourner dans un environnement accommodant.
- Le ralentissement des hausses de taux
Si la FED opte pour le ralentissement ou l’arrêt des hausses de taux, elle pourrait parvenir à rééquilibrer les flux de revenus avec les flux de dépenses.
Le problème c’est que, dans un tel cas de figure, cela irait à l’encontre même de l’objectif poursuivi qui est de lutter contre l’inflation au travers du resserrement de la politique monétaire.
- Réduction/annulation de la rémunération des banques
Si la FED opte pour la réduction voire l’annulation de la rémunération des réserves, les banques commenceraient à chercher un rendement plus élevé, notamment dans les obligations d’États, entraînant une nouvelle baisse des taux d’intérêt menant au problème précédent.
La raison pour laquelle la FED paie les réserves c’est pour éviter de faire chuter les rendements et améliorer la transmission de sa politique monétaire pour lutter contre l’inflation.
- Récession ou inflation?
Finalement, si la récession frappe, ce qui est le cas actuellement, alors il est probable que l’inflation chute et donc la politique monétaire “se normalise”.
En revanche, dans le cas contraire et si malgré la récession, l’inflation ne baissait pas ou peu, obligeant la FED a poursuivre le resserrement de sa politique monétaire, nous assisterions à une situation provoquant différentes conséquences.
B) Les conséquences
Il convient de rappeler que les banques centrales sont des institutions assez uniques et elles peuvent, créer de l'argent en illimité et donc ne pas faire faillite.
- La planche à billets tourne
En cas des pertes enregistrées par la Banque Centrale sur une période relativement longue, on arriverait dans une situation atypique où les fonds propres, c’est-à-dire le capital de l’entité, tomberaient en territoire négatif.
En d’autres termes et pour faire simple, la Réserve Fédérale commencerait à réellement imprimer de l'argent “magique”, c’est-à-dire la planche à billets.
Dans un tel cas de figure, au sens strict du terme, il s’agirait effectivement de planche à billets puisque les pertes de la Banque Centrale seraient financées sans contrepartie.
Il est vrai que ces pertes pourraient être récupérées, mais rien n’est sûr et dans un futur inconnu qui peut s’étaler sur plusieurs décennies selon l’ampleur du choc.
- Conséquences d’ordre politique
Une autre conséquence serait d’ordre politique !
Il faut savoir qu’en temps normal, lorsque la Réserve Fédérale engrange des profits, ces derniers sont reversés au gouvernement américain.
Ces transferts permettent donc à l’État de réduire son déficit et donc son endettement.
Certains élus pourraient donc être amenés à se demander pourquoi, à un moment où la FED a reconnu que sa campagne de hausse des taux mettra certains américains au chômage et causera des difficultés économiques, la Banque Centrale continue de payer des intérêts aux banques, afin d’éviter que cet argent ne circule au sein de l’économie.
- La crédibilité de la banque centrale
Finalement, il faut bien rester conscient que la capacité d’une banque centrale à opérer normalement n’est valable que si elle reste crédible aux yeux des marchés financiers et du système bancaire.
On peut donc imaginer un scénario où, la situation de fonds propres négatifs se prolongeant dans le temps, leur niveau limiterait la rentabilité à long terme de la banque centrale et deviendrait insuffisant pour compenser les dépenses courantes. Un tel cas de figure obligerait la banque centrale à créer de la monnaie pour couvrir ses dépenses, ce qui affecterait la conduite et le contrôle de sa politique monétaire.
Une solution serait donc que le gouvernement recapitalise l’entité.
Un endettement accru du gouvernement serait donc constaté puisque :
- D’une part la FED n’aurait plus de gains à redistribuer au gouvernement qui verrait son déficit se creuser et donc sa dette et de l’autre.
- D’autre part, ce même gouvernement devrait s’endetter encore plus pour lever des fonds et recapitaliser la Banque Centrale.
En termes de conséquences politiques, cela pourrait exacerber le poids de l’État au travers de ce que l’on appelle la “fiscale dominance” et donc l’étatisation de la société !
Tout cela, dans une des pire situation de récession et d’inflation élevée !
On peut donc conclure que, s’il est vrai que, techniquement parlant, une banque centrale ne peut pas faire faillite, la monnaie elle, le peut.
Or, le principal produit que gère une banque centrale est précisément la monnaie et elle a pour vocation de veiller à sa stabilité.
La loi de Gresham nous indique que “la mauvaise monnaie chasse la bonne”. Autrement dit, dans les situations de forte inflation, les agents fuient devant la monnaie légale au profit de monnaies étrangères ou de biens réels ne faisant qu’accroître la hausse des prix.
Les risques de défiance vis-à-vis des banques centrales et des monnaies sont donc clairement des signes mettant en exergue leur faillite à mener à bien leur mission. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que les partisans de la MMT, de la création monétaire sans contrepartie, c’est-à-dire la planche à billets, ou encore de l’annulation des dettes publiques, conscients de ce risque, optent en ultime recours au contrôle et à la restriction des capitaux et/ou à l’instauration d’une monnaie mondiale.
Une manière de mieux voler les citoyens dans un élan d’hypocrisie et de démagogie afin d’occulter leur penchant totalitaire. Car comme on le dit si bien, l’enfer est pavé de bonnes intentions … Comment se protéger et comment gagner de l'argent en ces temps difficiles? Nous vous conseillons de lire notre dernier article dans lequel nous vous dévoilons 4 façons de gagner de l'argent.
Banques Centrales : le retour de la Planche à Billets ? | Quantitative Easing


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