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Dans les coulisses du pouvoir chinois, une ombre plane. Le géant économique asiatique fait face à une série de difficultés économiques qui ébranlent son statut de superpuissance montante, tant sur la scène nationale qu'internationale.

Cependant, la réponse de l'administration de Xi Jinping à ces problèmes est intrigante. Plutôt que de faire face aux réalités économiques en publiant des données fidèles à la réalité, les autorités ont choisi l'opacité en cessant simplement de divulguer ces informations cruciales. Les chiffres officiels, déjà controversés, cachent une réalité sombre.

Le modèle économique chinois, autrefois vanté pour son équilibre entre libéralisation et contrôle étatique, montre aujourd'hui des signes de faiblesse. 

Les économistes, tant chinois qu'étrangers, avaient depuis longtemps averti que ce modèle était fondamentalement défectueux et que des réformes étaient inévitables. 

Cependant, Xi Jinping, occupé à consolider son propre pouvoir, a ignoré ces avertissements, et le temps d'un redressement semble peut-être révolu.

Qu’est-il en train de se passer ? Dans quelle mesure le ralentissement économique chinois pourrait-il influencer la stratégie de Xi Jinping sur la scène internationale et ses ambitions de rivaliser avec les États-Unis ? Le modèle économique chinois connaît-il ses dernières heures ?

Les diplômés universitaires chinois au chômage sont devenus une source d'embarras pour le dirigeant chinois Xi Jinping. Le taux de chômage des jeunes a atteint un niveau record, mettant en évidence les graves difficultés économiques du pays, tant au niveau national qu'à l'étranger.

En août, l’administration du Président Chinois a décidé d’agir et de trouver une solution : le bureau des statistiques a tout simplement décidé de cesser de publier les données.

Certains estiment même que le taux de chômage chez les jeunes âgés de 16 à 24 ans pourrait avoisiner les 50 pour cent, soit plus du double du chiffre officiel. 

Mais Xi Jinping ne peut ni cacher les difficultés économiques de la Chine, ni s’en cacher. Les problèmes ne sont pas simplement un malaise post-pandémique ou un détour bientôt oublié dans la marche de la Chine vers le statut de superpuissance. 

Le modèle chinois tant vanté, c’est-à-dire un mélange de libéralisation et de contrôle étatique qui a généré la croissance fulgurante du pays, est entré en agonie.

La nouvelle ne devrait pas être une surprise. Les économistes et même les décideurs politiques chinois avertissent depuis des années que le modèle chinois est fondamentalement défectueux et qu’il s’effondrerait inévitablement. 

Mais Xi était trop occupé à renforcer son propre pouvoir pour entreprendre les réformes nécessaires pour y remédier. Aujourd’hui, les problèmes sont si profonds et les réparations seraient si coûteuses que le temps d’un redressement est peut-être passé.

Contrairement aux hypothèses de nombreux commentateurs ces dernières années, la Chine ne dépassera sûrement jamais les États-Unis en tant qu'économie dominante mondiale si les tendances actuelles se poursuivent. 

Il y a vingt ans, alors que l'économie chinoise ne représentait que 14 pour cent de celle des États-Unis, de nombreux économistes commençaient à spéculer sur le moment où le PIB de la Chine pourrait éclipser celui des États-Unis repoussant la date fatidique de leur prédiction, année après année.

Sauf qu’en réalité, la Chine est désormais en retard et perd du terrain face aux États-Unis.

Une trajectoire descendante de la Chine ne garantit cependant pas nécessairement l’avenir de la puissance mondiale américaine. La Chine pourrait s’avérer être un concurrent moins redoutable qu’on l’imaginait autrefois et offrir un modèle de développement moins attractif pour le reste du monde.

Mais l’échec économique pourrait également renforcer la détermination de Xi Jinping à vaincre la domination américaine en s’enrichissant, du moins par d’autres moyens, peut-être plus déstabilisateurs.

La disparition du modèle chinois est, à bien des égards, due à son immense succès. Lorsque les réformes de libre marché commençaient à peine en Chine, en 1980, le pays était plus pauvre, par habitant, que le Ghana ou le Pakistan.

Aujourd’hui, le PIB de la Chine s’élève à 18.000 milliards de dollars et son économie est capable de concevoir des réseaux de télécommunications 5G et des véhicules électriques.

Le moteur du modèle chinois est l’investissement, et en grande partie : dans les usines, les autoroutes, les aéroports, les centres commerciaux, les tours d’habitation, etc. 

La Chine était démunie au début de ses réformes et une grande partie des nouvelles infrastructures était nécessaire. De meilleurs systèmes de transport ont contribué à accroître l’efficacité économique ; de nouveaux logements abritaient des familles migrant des fermes vers les villes à la recherche d'opportunités. 

Ces investissements ont fait de la Chine une usine mondiale et ont produit des taux de croissance époustouflants.

Au fil du temps, le pays a développé une économie plus avancée, mais l’État et les entreprises ont néanmoins continué à construire. Le taux de croissance est resté élevé, mais l’économie génère désormais des excès de gaspillage qui nuisent à sa santé. 

On estime que la Chine compte entre 23 et 26 millions d'appartements invendus. C'est suffisant pour loger toute la population italienne. Beaucoup de ces appartements ne seront jamais achetés, car ils ont été construits dans des villes dont la population est en déclin. 

Du côté de l’'industrie automobile, le pays dispose d'une capacité d'usine inutilisée suffisante pour fabriquer plus de 10 millions de voitures, suffisamment pour renouveler à deux reprises l'ensemble du marché automobile japonais. 

D’ailleurs, bien que Pékin se vante de son vaste réseau de chemins de fer à grande vitesse, désormais considéré comme le plus grand au monde, le fait est que la société d'État qui l'exploite a accumulé plus de 800 milliards de dollars de dettes et affiche des pertes substantielles. 

Certains décrivent même la situation ferroviaire chinoise comme un “piège de la dette à grande vitesse”.

Le problème, c'est que la Chine continue d’investir au-delà de ce que son économie est réellement capable d’absorber, c’est pourquoi le modèle est voué à l’échec.

En ce sens, en raison de tous ces investissements improductifs, financés en grande partie par de la dette, la dette de la Chine a augmenté beaucoup plus rapidement que son économie. 

Il y a dix ans, la dette totale de la Chine représentait environ deux fois la taille de son économie. Désormais, elle est trois fois plus grande. 

Comme l’explique Michael Pettis, l’un des plus grands spécialistes en la matière : 

“La Chine détient la part d’investissement dans le PIB la plus élevée au monde. Son endettement connaît également l’une des croissances les plus rapides de l’histoire. Ceux-ci ne sont pas sans rapport. Alors que des investissements croissants sont consacrés à des projets dont les avantages économiques sont inférieurs à leurs coûts économiques, l’alourdissement du fardeau de la dette de la Chine est une conséquence directe de cette part très élevée des investissements. Cependant, étant donné la part disproportionnée des investissements dans l’activité économique, toute réduction de leur part dans le PIB doit exercer une pression à la baisse significative sur la croissance de l’activité économique globale”.

Le souci, c’est que l’aspect politique est venu exacerber le problème de la dette d’un point de vue économique. Le Parti communiste a vanté des taux de croissance élevés comme preuve de sa légitimité et de sa compétence. En effet, durant de nombreuses années, le Parti brandissait cet argument afin d’assurer sa longévité.

Ainsi, lorsque les taux de croissance sont tombés en dessous des objectifs, les autorités ont ouvert les vannes du crédit pour les relancer. Le Fonds monétaire international estime que les gouvernements locaux chinois ont accumulé 9.000 milliards de dollars de dettes au nom du financement de projets d'infrastructure.

Évidemment, les dirigeants chinois savent depuis longtemps que leur stratégie d’investissement comporte des risques. Déjà, en 2007, Wen Jiabao, alors Premier ministre chinois, déclarait : 

“Il existe des problèmes structurels dans l'économie chinoise qui entraînent un développement instable, déséquilibré, non coordonné et non durable”.

On voit donc clairement que les décideurs politiques chinois savaient exactement comment résoudre ces problèmes : la Chine devrait se rééquilibrer, ce qui signifie qu’elle devait diminuer sa dépendance à l’égard des investissements et favoriser de nouveaux moteurs de croissance, en particulier la consommation intérieure, qui est extrêmement faible par rapport aux autres grandes économies. Une des manières d’y parvenir serait notamment de libéraliser son secteur financier et de relâcher la mainmise de l’État sur les entreprises privées.

Au début de son mandat, Xi Jinping semblait accepter ces impératifs. En 2013, il avait par exemple approuvé un projet de réforme du Parti communiste qui s’engageait à donner au marché un rôle “décisif” dans l’économie. Mais les réformes n’ont jamais eu lieu étant donné que les promulguer aurait réduit le pouvoir de l’État, et donc le pouvoir du chef du parti lui-même, qui n’était évidemment pas disposé à troquer le contrôle politique contre la croissance économique.

Au contraire, plus Xi Jinping a de pouvoir, plus la mainmise de l’État sur l’économie devient pesante. Le leader chinois s’est appuyé sur la politique industrielle de l’État pour stimuler l’innovation et a imposé des réglementations intrusives dans des secteurs importants, tels que la technologie et l’éducation. 

En conséquence, le secteur privé chinois est en retrait. À titre d’exemple, il y a de cela deux ans, les sociétés privées représentaient 55 pour cent de la valeur collective des 100 plus grandes sociétés chinoises cotées en bourse. Désormais, cette part se trouve à 39 pour cent.

En outre, à une époque où la Chine avait cruellement besoin de stimuler sa consommation intérieure, les mesures de confinement draconiennes imposées par la Chine, au cours de la pandémie, ont porté un coup dévastateur à l’économie. 

Le modèle chinois a craqué sous la pression et la demande est dorénavant si faible que l’économie a sombré dans la déflation, ce qui, si elle persiste, pourrait décourager davantage les investissements et les dépenses de consommation dont l’économie a besoin pour se relancer. 

Si l’immobilier était autrefois un contributeur majeur à la croissance économique et une réserve de richesse pour la classe moyenne, aujourd’hui, les investissements, les ventes et les prix dans ce secteur sont en baisse. 

L’exemple le plus parlant est sans aucun doute celui de Evergrande ou encore du plus grand promoteur privé, Country Garden, qui est au bord de la faillite, bien qu’il ait échappé de justesse à un défaut de paiement.

Du point de vue financier, la situation n’est pas non plus toute rose.

S’il y a quelques années, l’un des thèmes d’investissement les plus importants à l’échelle mondiale était la manière dont les marchés financiers chinois devenaient de plus en plus accessibles et attractifs pour les investisseurs internationaux, désormais, la situation pourrait commencer à s’inverse.

La croissance économique, la libéralisation financière et l’inclusion dans un groupe d’indices d’obligations et d’actions influents gérés par des sociétés comme MSCI, Russell et Bloomberg signifiaient que tout le monde prédisait des afflux torrentiels de capitaux à long terme. 

Ainsi, au cours du temps, le discours de certains grands rêveurs est passer de “investir en Chine est probablement intelligent” à “ne pas investir en Chine est stupide”. 

En conséquence, la Chine a reçu des entrées de capitaux record de 576 milliards de dollars rien qu’en 2020 malgré l’impact débilitant du Covid-19. 

Sauf qu’en réalité, ces flux se sont avérés inconstants et les chiffres sont assez stupéfiants. 

La combinaison du ralentissement de l’économie chinoise, de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, de la relocalisation d’enterprises, de l’effondrement historique du renminbi 

ou encore des tensions politiques croissantes, sans compter les craintes que toute invasion chinoise de Taïwan ne déclenche une exclusion du système financier mondial dirigé par les États-Unis, comme ce fut le cas de la Russie, a déclenché un renversement massif de la tendance des flux de capitaux. 

Certes, l’économie chinoise n’est pas irréparable, mais la réparer serait coûteux et très douloureux. Le gouvernement devra annuler les créances irrécouvrables, fermer les entreprises zombies et introduire des réformes de marché radicales d’une nature que les décideurs politiques ont jusqu’à présent évitée. Prendre ces mesures relancerait l'économie pour une nouvelle phase de croissance, non pas aux taux élevés du passé, mais à un rythme qui pourrait soutenir le progrès économique du pays.

Le gouvernement chinois n’a toutefois montré aucun intérêt à adopter ces réformes. Diverses autorités ont publié des plans en plusieurs points pour soutenir l’économie qui ne se résument qu’à des ajustements administratifs et à de vagues déclarations. Xi Jinping lui-même a déclaré laisser tomber et préférer faire preuve de patience.

Bien que la Chine ne devrait pas sombrer dans une crise financière semblable à celle des subprimes de 2008, ses perspectives de croissance sont devenues bien moindres et ne lui permettront probablement pas de rattraper les États-Unis, ou même d’en faire un concurrent proche dans les années à venir. 

Ainsi, en théorie, les difficultés économiques devraient pousser la Chine à un rapprochement avec les États-Unis, pour empêcher que les relations économiques avec l'Occident ne se détériorent davantage et maintenir l'afflux de technologies et de capitaux étrangers pour aider au développement du pays, mais le leader du parti communiste semble vouloir prendre une direction différente.

Lors du dernier sommet des BRICS, le mois dernier, les membres du forum ont convenu d’ajouter six pays de plus, dont l'Iran et l'Arabie saoudite. 

Xi Jinping semble considérer les BRICS comme un contrepoids face à l’Occident.

En d’autres termes, si la Chine ne peut pas dépasser les États-Unis à elle seule, elle pourra peut-être le faire globalement. Mais ce plan pourrait ne pas fonctionner : les économies des six nouveaux membres des BRICS réunis ne sont qu’un peu plus grandes que celles du Royaume-Uni.

La détermination à rivaliser avec les États-Unis est depuis longtemps un élément central du programme économique du parti. Ces dernières années, il a redoublé d’efforts en matière de politiques industrielles, y compris le soutien financier de l’État, spécifiquement conçu pour donner aux entreprises chinoises une longueur d’avance sur leurs rivales américaines dans des secteurs tels que l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs. 

En mettant l’accent sur “l’autosuffisance”, il a cherché à réduire la vulnérabilité de la Chine aux sanctions américaines en remplaçant les importations étrangères par des alternatives internes et son initiative des routes de la soie, un programme mondial de construction d’infrastructures, a été conçue pour ouvrir des voies de commerce et d’investissement aux entreprises chinoises au-delà de l’Occident. 

Tout cela, sans compter que la Chine n’a peut-être même pas la force économique nécessaire pour atteindre tous ces objectifs. 

Le pays reste relativement pauvre, avec un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat et ajusté à l’inflation de 18.000 dollars, soit 2,5 fois moins que celui de la France, qui se trouve à 46.000 dollars, et 3,5 fois moins que celui des États-Unis, qui se trouve à près de 67.000 dollars. 

Dans les coulisses du pouvoir chinois, une ombre plane. Le géant économique asiatique fait face à une série de difficultés économiques qui ébranlent son statut de superpuissance montante, tant sur la scène nationale qu'internationale.

Le ralentissement de l’économie chinoise pourrait affaiblir l’assaut idéologique de Xi Jinping contre l’ordre mondial. Par exemple, la Chine a cherché à démontrer aux pays du Sud que démocratie et développement ne sont pas indissociables et que les autocrates peuvent jouir de la richesse, du respect international et du pouvoir politique. 

Ces affirmations sont plus difficiles à faire dans un contexte économique chancelant. Au contraire, les difficultés économiques de la Chine suggèrent que les régimes autoritaires ne peuvent pas à la fois renforcer le contrôle et soutenir le progrès économique et qu'en fin de compte, la réforme politique doit accompagner la réforme économique, un petit peu comme ce qu’il s’était passé avec l’effondrement de l’URSS.

Il est peu probable que le leader du parti communiste chinois accepte cette vérité qui dérange et, au contraire, il poursuivra très probablement son programme anti-occidental avec encore plus d’urgence. S’il ne peut pas se vanter d’une croissance rapide, alors il devra trouver un autre moyen de justifier sa répression auprès de son propre peuple, et une marche pour la primauté mondiale contre les impérialistes américains pourrait faire l’affaire.

Pour cette raison, la faiblesse économique pourrait rendre les dirigeants chinois encore plus dangereux, plus enclins à défendre des causes nationalistes et à se lancer dans des aventures étrangères, comme une mainmise militaire sur Taïwan. 

On ne peut qu’espérer que Xi se tournera vers l’histoire et se rendra compte que la puissance d’une nation ne peut être projetée que dans la mesure où sa force économique le permet.

Pour les États-Unis, les malheurs de la Chine présentent à la fois des opportunités et des défis. 

D’une part, une croissance chinoise plus faible signifie moins de liquidités pour Pékin pour financer ses nombreuses priorités, allant du développement d’applications d’intelligence artificielle et de fabrication de semi-conducteurs de pointe au renforcement de son armée et au financement de son initiative des routes de la soie.

D’autre part, cela signifie également une diminution des perspectives pour les exportations américaines, aussi petites soient-elles par rapport aux expéditions chinoises vers les États-Unis, et donc un potentiel réduit pour les entreprises américaines actives en Chine, par exemple Apple.

Si nous ne nous intéressons que rarement à l'histoire et la géopolitique de nations autres que les grands noms que nous connaissons déjà, en réalité, ces grands noms comme les Etats-Unis, la Chine, la Russie ou encore la France ne représentent pas la majorité en termes de situation économique. 

Par conséquent, pour saisir le contexte économique mondiale, il est crucial que nous nous intéressons à la situation des pays qualifiés “en voie de développement” et n’ayant pas une grande visibilité sur la scène internationale. 

L’un des pays qui aurait grandement dû faire parler de lui est notamment le Sri-Lanka, pays ayant connu successivement, deux grandes guerres internes, une rapide croissance économique et une crise économique et monétaire tout aussi rapide.

Quels sont les événements ayant mené à la crise économique et monétaire du Sri-Lanka ? 

Quelles actions auraient pu être réalisées différemment et quels sont les principaux pièges auxquels sont confrontés les pays en voie de développement ? 

Histoire tumultueuse et conflictuelle

Jusqu’à très récemment, l’histoire du Sri-Lanka, est surtout et avant tout une histoire marquée par deux grandes guerres civiles. 

La première de ces guerres s'est déroulée entre 1987 et 1989 et elle se place dans le contexte mondial de guerre froide. Ce conflit opposa principalement le gouvernement en place et le groupe et parti politique  de Janatha Vimukthi Peramuna ou JVP, qualifié de Marxiste Léniniste. 

Cette guerre trouve une de ses origines dans le ban par le gouvernement en place du parti JVP des élections présidentielles devant se dérouler, les accusant de vouloir renverser le gouvernement, sans preuve de ces affirmations. Le JVP s’est alors préparé et armé en vue du conflit à venir et s’est lancé dans une campagne massive pour renverser le gouvernement. 

Le conflit se termina sur une victoire du gouvernement en place.

La deuxième de ces guerres s'est déroulée en parallèle de la première et s’est officiellement étalée de 1983 à 2009. Le peuple Tamil au travers du groupe de Liberation Tigers of Tamil Eelam ou LTTE ont combattu le gouvernement en place pour obtenir l'indépendance des territoires en vert, suite aux persécutions et les actes de discriminations subies de la part des autres habitants dits Sinhalais. 

Ces actes furent facilités par le gouvernement où les Tamil sont notamment très peu représentés. Les assassinats politiques, des attaques sur les dissidents qu’ils soient politiques, ou militaires ou même civils, la destruction de propriété militaires et civils, sont quelques unes des méthodes ayant été employées par les différents belligérants pour mener ces guerres ayant provoqué la mort de plus de 40.000 personnes pour la première et plus de 80.000 pour la seconde.

C’est ainsi que l'année 2001 représente pour le peuple Srilankais, l'année du début des négociations vers la paix, paix qui ne sera véritablement atteinte qu’en 2009, bien que de nombreuses tensions internes subsistent.

Un développement rapide et superficiel

Il faut savoir que le Sri Lanka a vu son PIB passer de 16,33 milliards à 94,49 milliards dollars, entre 2000 et 2019, soit une croissance fulgurante de de près de 10 pour cent par an !

Cependant, cette croissance fut majoritairement financée par de la dette. Dans l’absolu, il n’y a rien de mal à cela dans la mesure où la dette est un important effet de levier, à plus forte raison, à l'échelle d’un pays. 

Sauf que dans le cas du Sri-Lanka, cette dette a majoritairement été employée à développer le secteur non-vendable internationalement parlant. 

Le pays a grandement développé le secteur éducatif, les services et surtout le secteur des infrastructures, ce qui a permis de générer beaucoup d'emplois tout en rendant la population sri lankaise relativement qualifiée. 

Le fait est qu’aucune de ces industries n’est facilement exportable, à plus forte raison pour un pays en voie de développement. Le secteur des infrastructures doit normalement évoluer avec le développement économique dans son ensemble et doit s’adapter à celui-ci. 

Se lancer dans une frénésie de construction devrait être limitée au développement économique car, aller au-delà en espérant que les investissements suivent est un pari peu judicieux, susceptible de provoquer de grands dégâts.

D'une part, les infrastructures créées doivent être maintenues, ce qui engendre un coût non négligeable et, d’autre part, la dette contractée doit être remboursée, qu’importe la rentabilité du projet. 

Pour couronner le tout, cette frénésie fut stimulée par les facilités de prêts accordés par la Chine dans son initiative des routes de la soie, projet de renaissance de la route de la soie.  

Par ailleurs, la balance commerciale du Sri-Lanka est largement déficitaire et ce déficit s’est principalement creusé entre 2002 et 2012. 

Évidemment,  en soi, une balance déficitaire n'est pas un problème car tous les pays ne peuvent être excédentaires et il s'agit d’un jeu à somme nul. 

Le potentiel chômage qui aurait pu résulter de cette balance fut masqué par la frénésie de la construction.

Or, dépendre des importations implique la nécessité de devises étrangères, notamment du dollar, de l’euro ou encore du renminbi car peu de pays, pour ne pas dire aucun, n’a besoin en roupie sri-lankaise.

Pour contexte, lorsqu’un pays a besoin d’une devise étrangère, il peut s’en procurer de trois manières différentes : 

1° Le swap de devise en procédant à un échange de sa propre devise contre la devise désirée, 

2° L’emprunt auprès d'entités financières de la devise désirée,

3° Ou encore, en exportant suffisamment de marchandises contre la devise désirée. 

En règle générale, on considère que l’option des exportations de marchandises est la plus intéressante en termes de risque. En revanche, elle n’est accessible qu’aux pays disposant de nombreuses ressources naturelles comme les pays Arabes ou disposant de grandes unités manufacturières comme la Chine.

Le problème, c’est qu’hormis l’exportation de thé et le tourisme grâce aux sites touristiques et aux belles plages présentes sur le territoire, peu de secteurs sont capables de faire entrer des devises étrangères au Sri-Lanka, ce qui n’est clairement pas suffisant.

Le Sri-Lanka n’avait donc pas d’autres choix que d’opter pour les deux autres options, à savoir, l’endettement et le swap de devises.

Tout d’abord, dans le cas de la dette, le Sri-Lanka a beaucoup emprunté au point que sa dette externe atteigne les 57 milliards de dollars avant 2020 et atteignant près de 120 pour cent du PIB. Le pays a en effet beaucoup bénéficié des prêts issus du programme des routes de la soie mais pas que. 

En ce qui concerne le swap de devise, s’exposer au forex revient à s’exposer aux marchés financiers. En effet, vendre sa devise pour en acheter une autre, pousse à la baisse, la valeur de sa propre devise. 

Or, un pays dépendant des importations bénéficie grandement d’une monnaie forte contrairement aux pays exportateurs.

De plus, une roupie plus faible rend également plus difficile l’emprunt de devises étrangères. Si par exemple, il est nécessaire de rembourser des dollars, mais que les revenus sont en roupies, et que soudainement la roupie perd de la valeur, alors la dette devient beaucoup plus onéreuse et il devient plus difficile de la rembourser.

En ce sens, vendre sa monnaie sur les marchés pour acquérir des devises étrangères alors même que notre position exportatrice est déficitaire revient en quelque sorte à se tirer une balle dans le pied.

Comme si ce n’était pas suffisant, le taux de change entre le dollar et la roupie était fixé à 1 dollar contre 200 roupies. 

Ce mécanisme de change fixe implique que la banque centrale du pays ait des réserves en dollar pour acheter ou vendre sa devise sur les marchés. La contrepartie, c'est que cela expose grandement l'économie, notamment en cas de réduction des réserves, de perte de valeur ou d’attaque spéculative.

Et c’est précisément ce qui est arrivé ! Suite à diverses crises, le pays a vu sa devise s’effondrer à partir de 2022.

Parallèlement, l’inflation allait exploser, au point de dépasser les 60 pour cent d’augmentation en 2022 poussant de plus en plus de personnes à se protéger en échangeant leur roupies contre les dollars réduisant encore plus les réserves des banques et faisant d’autant plus pression à la baisse sur la valeur de la devise.

L’apparition des craquements

Le fait est que, le tourisme est un secteur essentiel du pays et, évidemment, la pandémie de covid-19 en 2020 a entraîné la fermeture de nombreuses frontières alors que les attentats de 2019 avaient déjà durement frappé le pays.

Cet attentat suivi de près par les fermetures suite au covid ont carrément détruit le secteur du tourisme et les revenus en découlant. 

Un autre secteur ayant été dans la tourmente concerne notamment l’agriculture.

Le secteur agricole s’est toujours porté relativement bien avant 2021 dans la mesure où le pays dispose de plus de 20 pour cent de terres arables et le rendement agricole en 2018 de 3.762 kilogrammes par hectares  était supérieur à celui de la région d’Asie du Sud et proche de la moyenne mondiale.

Or, tout a changé à partir de 20021 de part l'ampleur d’une mesure que beaucoup jugent absurde. 

En effet, l’ex président Sri-Lankais, Gotabaya Rajapaksa au cours de la campagne électorale présidentielle en 2019 a manifesté son désir de voir l’agriculture Sri-Lankaise effectuer une transition dans les procédés d’agriculture. Il avait promis pousser son pays a une transition vers l’utilisation d’engrais naturels et organiques, justifiant ce désir par la volonté de protéger l'environnement.

Si cet objectif en soi est louable, force est de constater que cela est grandement décorrélé de la réalité. Avant les différentes révolutions agricoles et chimiques, c’est plus de 90 pour cent de la population qui devait s’adonner aux tâches agricoles pour subvenir à leur différents besoins alimentaires. Malgré ce pourcentage, le degré d'autosuffisance était bien inférieur aux niveaux actuels et le niveau des rendements agricoles a carrément explosé grâce aux approches plus scientifiques, permettant ainsi de réduire les ressources terrestres et humaines pour produire une quantité plus importante de biens.

Si nous pouvons remettre en question certaines méthodes d’agriculture chimique, nous ne pouvons ignorer ou minimiser les bienfaits qu’elle a apportés à l'humanité. 

Cela étant dit, en 2021, l’ex président avait annoncé une interdiction de l’emploi de fertilisants synthétiques et des pesticides sur l’ensemble du territoire, obligeant de ce fait les fermiers Sri-Lankais à passer du jour au lendemain aux méthodes de fertilisations organiques.

Le Sri Lanka, pays autrefois autosuffisant dans la production de sa principale denrée, allait ainsi perdre cet avantage.

Ce qu’il en ressort, c’est que cette décision se basait principalement sur l'idéologie et les besoins monétaires.

1° Du côté idéologique, la transition s’est actée sous l’influence d’un mouvement de sociétés civiles autonomes, technocrates aux principes spirituels, dont le ministre de l’agriculture était membre. 

Si le Sri-Lanka a un score ESG de 99,6 sur 100, score particulièrement élevé, qui a été atteint en prenant une série de mesures anti-économiques et anti-productives, il n’empêche que la population se trouve actuellement dans un état de pauvreté extrême, n’en déplaise aux démagogues qui souhaiteraient que ces mêmes solutions soient massivement adoptées dans les pays développés.

2° Du côté monétaire, le Sri-Lanka est un pays relativement petit tant par sa surface que sa population. Il n’est donc pas étonnant de savoir que le pays dépend beaucoup des importations. 

On l’a vu, la roupie sri-lankaise étant particulièrement faible sur la scène internationale, cela signifie que pour payer ses importations, le pays a besoin d’une devise forte comme le dollar.

De plus, étant donné que le pays exporte relativement peu, il doit payer d'énormes intérêts sur ses dettes internationales alors que, parallèlement, le gouvernement avait annoncé une réduction des  taxes en 2020 réduisant de facto les recettes publiques, faisant une nouvelle fois pression à la hausse sur son endettement.

La conséquence de cela c’est que le pays n’a pas eu d’autre choix que de venir tapper dans ses réserves pour faire face à ses engagements et les réserves de la banque centrale ont très rapidement baissé entre 2020 et 2022 à la suite des différents achats de roupies sur les marchés pour maintenir le taux de change fixe avec le dollar.

Or, le Sri Lanka ne produit pas ses engrais et pesticides. Le pays doit les importer contre des dollars. De plus, il faut savoir que les achats de synthétiques agricoles sont majoritairement subventionnés par l'Etat. 

En outre, la crise du covid-19 ayant fortement perturbé les chaînes d’approvisionnement, cela s’est traduit par une augmentation des prix de différents produits dont les engrais et pesticides. 

Ainsi, entre l’obligation de devoir dépenser ses réserves en dollar pour maintenir le taux de change fixe de sa devise et l’obligation de dépenser ses réserves en dollars pour acheter les différents engrais tout en devant rembourser ses emprunts internationaux en dollars ou Renminbi, cela justifierait la rapide baisse du niveau des réserves en devises étrangères du pays. 

C’est précisément pour cette raison que beaucoup soupçonnent que l’action du gouvernement d’imposer une interdiction de l’utilisation de pesticides trouverait plutôt son origine dans la volonté de ralentir la chute des réserves du pays. 

Une chose est sûre, quelles que soient les raisons, il est assez aisé de s’imaginer les conséquences de cette décision qui ne se sont absolument pas faites attendre.

Perte d’’autosuffisance et descente en enfer

Suite à cette mésaventure, le Sri-Lanka a vu sa production de riz, principale source calorique, baisser de 30 pour cent et le pays fut forcé d’importer du riz pour assurer sa subsistance. Cela est d’autant plus important quand l’on remarque que le pays était autosuffisant et que cette baisse fut constatée seulement quelques mois après l’interdiction.

La production, dans sa totalité, a chuté de près de 50 pour cent par rapport aux chiffres de l'année précédente.

Cela a également eu pour conséquence de faire chuter l’exportation de thé, l’une des seules ressources qui permettait au pays de faire entre des devises fortes.

Les sources officielles affichent une baisse de production de l’ordre de 20 pour cent en à peine quelques mois après le bannissement. 

Au final, avec la réduction de sa production agricole, le Sri-Lanka est devenu encore plus dépendant des exportations. En plus de l'énergie et des produits manufacturiers, le pays est à présent obligé d’importer également des ressources vivrières. 

À côté de cela, les réserves en devises étrangères ont également fini par atteindre un point bas. 

Le pays doit donc importer et n’a littéralement plus d’argent. L’inflation alimentaire a connu des pics à près de 100 pour cent, tout cela, à cause de l’absence de réserve, des rendements agricoles médiocres et une mauvaise gestion gouvernementale.

La dette du pays etait egalement devenue insoutenable à pres de 120 pour cent du PIB et l’absence de reserve rendait le gouvernement incapable d’honorer ses engagements. 

La situation est rapidement devenue instable au Sri Lanka et le pays a connu de nombreuses manifestations de la population pour appeler à un départ du gouvernement en place qu’il jugent responsable de toutes ces crises.

La situation instable a rendu les investisseurs étrangers hostiles à prêter davantage et la pays a fini par faire défaut sur une grande partie de ses dettes étrangères, les titres tombant mécaniquement dans la catégorie “junk bonds”, poussant les taux à plus de 30 point de pourcentage.  

Cette crise monétaire et économique poussera même la population aux manifestations, finissant même par assiéger le palais présidentiel après la fuite de Rajapaksa laissant un pays en ruine.

Depuis, le gouvernement a fait volte de face sur sa politique d’agriculture organique et le pays a reçu de nombreux prêts pour l’acquisition de fertilisants. 

Cette approche semble porter ses fruits au vu de la baisse de l’inflation alimentaire et des projections du département d’agriculture des USA, USDA projetant un rendement en nette croissance approchant les niveaux d’avant crises.

Le niveau de réserves, quant à lui, est reparti à la hausse, en partie grâce au sauvetage du FMI et la chine a également accepté de restructurer la dette contractée par le Sri-Lanka.

Pour ce qui a trait au tourisme, le reprise semble mitigée et la croissance s’est stabilisée depuis avec des niveaux d’inflation divisés par 10.

Venezuela, Norvège, Emirates Arabes Unis et Guatemala. 

Voilà une sélection de pays qui ne pourrait pas être plus différente. 

Et pourtant…

Il existe bien un lien entre ces différents territoires !

En effet, ce sont tous des pays qui, a un moment ou un autre dans l’histoire contemporaine, ont vu leur économie tourner principalement autour de l’exportation d’un seul et unique produit ! 

Le pétrole dans le cas des trois premiers et les bananes pour le Guatemala. 

Or, cette dépendance économique a été, et continue encore de nos jours, particulièrement désastreuse pour le pays qui tombait dans le piège de ce que l’on appelle aujourd’hui le Dutch Desease, ou maladie hollandaise en français !

En quoi consiste cette maladie économique et financière ?

Qu’est-ce que le Dutch Desease ? Quelles sont ses origines du terme et quels en sont les effets, les conséquences et les différentes subtilités ? 

Dutch Desease: les origines

Je suis un phénomène très intéressant de l’économie d’un pays, je prends vie suite à la découverte d’une nouvelle opportunité ou ressources, les conséquences de ma venue peuvent s’avérer désastreuse si les autorités en place ne prennent pas les mesures nécessaires…

Je suis ? 

Évidemment, le Dutch Desease !

Le modèle économique qui décrit le phénomène du Dutch disease a été pour la première fois développé par les économistes Max Corden et Peter Neary en 1982.

Dutch disease ou syndrome Hollandais trouve son origine, comme son nom l’indique, aux Pays-Bas. 

Si le syndrome a probablement existé aux cours des millénaires de civilisation passés, ce terme est lié à la découverte d’un énorme gisement de gaz naturel en mer du Nord en 1959 par les Pays-Bas ainsi que des différents évènements qui en ont découlé.

Pour l’anecdote, la nouvelle ressource découverte ainsi que son exploitation massive associée à une demande importante a très vite provoqué un afflux massif de capitaux étrangers sur le territoire hollandais. 

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, si de prime abord, cette évolution semble être positive, en réalité cette découverte a eu de graves répercussions sur d’importants segments de l’économie du pays.

En effet, l’augmentation soudaine et rapide de la valeur de la devise nationale de l’époque, le florin néerlandais, a rendu les exportations non pétrolières néerlandaises plus chères et, par conséquent, moins compétitives.

Le taux de chômage est ainsi passé de 1,1 pour cent à 5,1 pour cent entre 1970 et 1977, avant d’exploser à la hausse, avec une baisse importante de l’emploi dans le secteur manufacturier et la production industrielle du pays s’est mise à stagner entre 1974 et 1984.

Un article du journal The Economist datant de 1977 cite trois composantes comme cause du syndrome hollandais :

1° Premièrement, une devise trop forte. Les exportations de gaz avaient entraîné un afflux de devises étrangères, ce qui avait accru la demande de florin et l'avait ainsi renforcé. Cela avait rendu d'autres secteurs de l'économie moins compétitifs sur les marchés internationaux. En outre, l’extraction du gaz étant une activité avec une intensité capitalistique forte, c’est-à-dire ayant besoin d’un grand nombre d’actifs, malgré les efforts engagés par les responsables pour freiner la croissance du florin hollandais, les coûts de la main d’œuvre interne ont connu une croissance beaucoup plus rapide que les produits importés, comme le montre cette image rendant le florin, de facto, moins compétitifs.

2° Ensuite, deuxièmement, la croissance des coûts industriels : d’abord, la croissance des salaires, comme indiqué, fut largement encouragée par le gouvernement. Les cotisations sociales ont également connu une importante croissance, faisant augmenter le poids de la contribution sur les entreprises. L’implantation de nouvelles normes environnementale et de sécurité sociales dont les applications représentent un coût important, associé aux éléments mentionnés, ont aussi eu pour conséquence de faire augmenter les coûts sur les entreprises.

3° Finalement, l’augmentation des dépenses gouvernementale. Au travers des taxes et des participations dans des entreprises, une grande partie des revenus liés à l’exploitation des nouvelles ressources gazières, est revenue au gouvernement qui n’a pas hésité à dépenser au profit des allocations sociales, les fonds de pensions, les bénéfices chômages, etc. sans pour autant augmenter les allocations aux investissements ce qui aurait garanti un flux constant de capitaux

Dutch Desease : le fonctionnement

Dans un objectif de simplification et pour schématiser, il nous est possible de réduire l’ensemble des activités économiques d’un État à trois éléments, comme décrits par les économistes à l’origine du terme. 

Ces éléments sont :

  • Les services, que l’on peut associer à la main d’œuvre et au capital humain,
  • Le secteur manufacturier, que l’on peut associer au capital monétaire, numérique ou intellectuel,
  • Et le secteur en croissance : généralement l’énergie qui est le produit des ressources souterraines, c’est-à-dire le facteur terre.

L’ensemble des entreprises emploient chacun de ces trois variables à différentes échelles selon leur secteur d’activité. 

Tandis que dans le cas d’une entreprise pétrolière, minière, agricole ou de gaz naturel, c'est le facteur terre qui défini la limite maximum de productivité, dans le cas d’un groupe hôtelier, typique du secteur de service, c’est avant tout le capital humain qui sera le facteur limitant. 

On voit donc que, étant donné que les ressources au sein d’une économie sont de nature rares, l’allocation d’une ressource au sein d’un secteur représente un manque à gagner pour les autres secteurs, de sorte que l’on est plus à même de comprendre pourquoi le Dutch Desease s’avère généralement négatif pour les pays en souffrant.

En effet, traditionnellement, ce qu’il se passe dès lors qu’une nouvelle ressource très demandée est découverte dans un pays, c’est qu’une certaine part des trois principaux facteurs mentionnés précédemment sera redirigée à l’exploration et à l’extraction de cette nouvelle ressource.

En ce qui concerne la devise, lorsqu’un pays devient un exportateur très important d’une certaine ressource, la valeur de sa monnaie a tendance à rapidement croitre.

En effet, pour pouvoir acheter la production du pays exportateur, les pays importateurs vont devoir accroître leur demande de monnaie locale, ce qui va faire pression à la hausse sur cette dernière.

Si une valeur élevée de la monnaie peut, dans un premier temps, sembler être une bonne nouvelle, en réalité, il convient de prendre en compte les différentes conséquences que cela engendre.

Dans un contexte d’échanges internationaux, une devise plus forte a tendance à stimuler les importations, le dollar américain en est le parfait exemple, tandis qu’une devise plus faible a tendance à stimuler les exportations, les exportations, le renminbi chinois étant également un bon exemple.

Aussi, une devise élevée implique un prix à payer plus élevé pour l’importateur, ce qui, à terme, fini par porter préjudice au pays dont la devise s’apprécie.

En effet, d’un côté, il devient moins cher pour notre pays d’importer les ressources dont il a besoin et, de l’autre, le secteur manufacturier interne doit concourir contre le secteur en croissance, le secteur des services et contre les produits étrangers moins cher pour la population. On assiste à ce moment à forte réduction des exportations du pays concernés qui touchera l'ensemble des secteurs.

C’est exactement ce que l’on a observé du côté des Pays-Bas qui, après une forte croissance des exportations dans les années 70, la courbe a fini par chuter.

Pour couronner le tout, en règle générale, tout gouvernement en place veut satisfaire sa population dans le but se faire réélire. Ainsi, la découverte d’une nouvelle ressource, faisant entrer beaucoup de capitaux dans les caisses de l’État, entraine bien souvent, dans le meilleur des cas, une diminution des taxes ou une augmentation massive des dépenses du gouvernement et, dans le pire des cas, notamment dans les pays en voie de développement et dans les régimes dictatoriaux, une cannibalisation des ressources au travers de la corruption par les classes dirigeante et une augmentation des inégalités au sein des classes sociales. 

La population verra rarement les bénéfices de l’exploitation de la ressource qui sera exploitée par des entreprises étrangères qui paieront peu de taxes à la suite de pots de vins versés aux représentants officiels.

Dutch Desease : les conséquences

Compte tenu de ce que l’on vient de voir, tant que l’ensemble de ces trois conditions persiste, c’est-à-dire que la demande de la ressource reste forte, le prix de la ressource et en croissance et que les quantités produites persistent, il n’y a priori pas de problème au syndrome hollandais.

En revanche, lorsque les choses se compliquent, le gouvernement doit dès lors se confronter à deux options dont aucune n’est enviable :

Soit, il s’endette massivement et/ou imprime des liquidités pour tenter de maintenir ses dépenses, précipitant le pays dans l’hyper-inflation.

Soit, il ne fait rien et les tensions au sein de la population augmentera compte tenu de la hausse du chômage, la perte de compétitivité de nombreuses industries et l’appauvrissement du pays.

Si à l’échelle individuelle, dépendre d’une seule source revenue, bien que non conseillé, est soutenable, à l’échelle d’un État, dépendre d’une seule ressource revient à s’attacher une corde autour du cou.

Aujourd’hui, de nombreux pays tombent dans ce qu’on appelle aujourd’hui la mort prématurée du secteur manufacturier. En effet, après la découverte d’une nouvelle ressource, ces pays deviennent extrêmement dépendants de celle-ci. Les investissements internationaux dans le pays ont tendance à se concentrer exclusivement dans ce secteur en croissance et en raison de la divergence entre la valeur interne et la valeur internationale de leurs devises, le secteur manufacturier qu’ils auraient voulu développer grâce à la nouvelle ressource meurt avant même d’avoir connu la croissance.

L’exemple du pire est d’ailleurs sans aucun doute le Venezuela !

Après la nationalisation des réserves de pétrole dans les années 70, la valeur de la devise a augmenté, encourageant les importations et réduisant les exportations. Le gouvernement n’a pas cherché à diversifier ses investissements et le secteur pétrolier fut cannibalisé par la corruption. 

Les entreprises financées par le gouvernement étaient devenues des zombies maintenus artificiellement par le gouvernement qui y injectait des capitaux malgré la mauvaise gestion et l’absence d’obligation de rentabilité. 

Les dépenses sociales ont explosé, à tel point que le gouvernement s’est adonné à la dette pour financer des dépenses absurdes et impression monétaire, provoquant une situation hyper-inflationniste.

L’inflation était telle qu’elle a même dépassé les 350.000 pour cent sur un an. Christine Lagarde n’a qu’à bien se tenir…

Évidemment, tous les pays disposant de nombreuses ressources naturelles ne sont pas condamnés à finir comme le Venezuela. L’exemple le plus parlant étant sans aucun doute la Norvège.

Si le parcours du pays n’est pas très différent de celui du Venezuela, la Norvège est pourtant aujourd’hui au sommet des classements en termes de joie de vivre, de PIB, de protection salariale, d’espérance de vie et de facilité de lancer des business. 

Tout comme le Venezuela, la Norvège a également découvert en 1969 de nombreux gisements pétrolifères en mer de Norvège. Le PIB du pays est passé de 5 milliards à 65 milliards de dollars entre 1960 et 1980. 

L’exploitation des ressources s’est fait au travers de l’entreprise gouvernementale Equinor, anciennement StatOil de sorte que l’ensemble des profits dus à l’exploitation sont allés au gouvernement, tout comme notre précédent exemple. 

Tout comme le Venezuela, la Norvège a engagé des dépenses sociales, à la seule différence que les dépenses engagées par le pays furent très réfléchies et tournées vers l’avenir. 

Étant conscient, que les revenus issus de l’exploitation pétrolière ne seraient pas éternels, le gouvernement a investi ses gains dans un fond souverain qui est aujourd’hui le plus grand au monde avec près de 1.400 milliards de dollars d’actifs. Les actifs en eux-mêmes ne sont pas accessibles par la population ou même le gouvernement et l’ensemble des fonds sont investis exclusivement en dehors du pays et dans des secteurs autres que le pétrolier servant ainsi de protection. 

Seuls les bénéfices issus des investissements sont utilisé pour financer les dépenses sociales comme : l’éducation, la santé, la sécurité sociale, etc.

Pour conclure, comme on vient de le voir dans le cas de la Norvège, la découverte ou l’exploitation d’une nouvelle ressource n’a pas à être une fatalité pour un pays. Après des décennies d’existence et les nombreux exemples ou équivalents du Dutch disease observés au cours de l’histoire, la concentration de ressources et la mauvaise gestion ont très souvent été à l’origine du mal. 

La solution pour y lutter peuvent se résumer en deux mots : diversification et gestion. De nombreux pays exportateurs l’ont aujourd’hui compris. 

Outre le cas de la Norvège, on peut également citer la Chine dont le secteur manufacturier fait beaucoup plus parler que ses exportations de matières brutes, les Émirats Arabes Unis, le Qatar ou encore l’Arabie Saoudite qui tendent également à augmenter la part du tourisme dans leur économie et à favoriser les investissements étrangers dans les secteurs autres que celui des ressources naturelles en implantant des hubs sans compter leurs fonds souverains chargés d’investir dans des entreprises étrangères.

La découverte d’une ressource en abondance dans un pays est dans un premier temps une très bonne nouvelle. Néanmoins, cela peut très vite se transformer en un désastre économique et social pour un pays en l’absence de diversification et de gestion adaptée. 

Le Venezuela est très vite le pays auquel on pense lorsque l’on fait, référence, a un pays détruit par sa propre richesse. Des territoires dépendants principalement d’une ressource unique sont légion, notamment les pays du golfe et des pays d’Afrique. Si certains d’entre eux tentent de se protéger contre la dépendance et ses conséquences, seul l’avenir nous montrera qui a su se protéger suffisamment, car comme le dit si bien Warren Buffett : “c’est lorsque la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nu …”

Les prix du pétrole ont pris un sacré coup depuis maintenant un an !

Le pétrole brut Brent, traditionnellement utilisé pour fixer le prix d'environ les deux tiers de l'approvisionnement mondial en pétrole échangé au niveau international, s’est effondré à 74 dollars après avoir atteint un sommet à 120 dollars soit, une chute de près de 40 pour cent !

Or, aussi curieux que cela puisse paraître, il n’y a rien d’étonnant à cela, alors même que l’Arabie Saoudite annonçait en début de mois une coupe supplémentaire d’un million de barils par jour afin de doper les cours de l’or noir.

En fait, la raison est simple : chaque fois que l'Arabie saoudite annonce des réductions, en réalité, cela revient à subventionner les producteurs mondiaux de pétrole à ses propres dépens.

Qu’en est-il concrètement ?

Pourquoi le marché du pétrole continue de chuter alors même que l’OPEP fait tout pour que le contraire se produise et quel est le dilemme auquel est confronté l’Arabie Saoudite ?

L’OPEP face au dilemme du prisonnier

Bonjour à toute la communauté et bienvenue pour une nouvelle vidéo, je suis Mathieu de la chaîne Libre&Riche !

Il fut un temps, notamment dans les années 1970, où l’Arabie saoudite et l'OPEP, c’est-à-dire l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétroles, fournissaient environ 60 pour cent du marché mondial du pétrole.

Or, cette période est aujourd’hui révolue et les parts de marché de l’organisation se trouvent désormais sous les 38 pour cent.

Ainsi, l’OPEC, considérée comme un cartel visant à réguler la production et le prix par un effort coordonné de ses pays membres, notamment en instaurant un système de quotas de production, se retrouve aujourd’hui coincé dans ce qu'on appelle le “dilemme du prisonnier”.

Ce dilemme du prisonnier qui nous vient tout droit de ce que l’on appelle la théorie des jeux est pourtant très souvent sous-estimé voire oublié par un grand nombre d’analystes.

Ce phénomène met d’ailleurs en exergue la raison pour laquelle la logique du marché fait que tout regroupement d’intérêts similaire finit tôt ou tard par être détruit.

En termes simples, le dilemme du prisonnier est un concept de théorie des jeux inventé par le mathématicien Albert Tucker pendant la guerre froide en 1950 comme un moyen d'aider à prendre des décisions stratégiques.

Il s'agit essentiellement d'une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où, en l'absence de communication entre les deux joueurs, chacun choisira de trahir l'autre si le jeu n'est joué qu'une fois.

Autrement dit, les décideurs individuels sont toujours incités à choisir la solution qui crée le résultat le moins optimal pour le groupe.

L’exemple le plus couramment donné est celui où deux hommes sont arrêtés car soupçonnés d’un même crime mais la police n'a pas de preuves pour les inculper. Les hommes sont donc emprisonnés et retenus dans des cellules séparées sans pouvoir communiquer l’un avec l’autre.

L'autorité pénitentiaire offre à chacun des prisonniers l’un des trois choix suivants :

1° Si un seul des deux prisonniers dénonce l'autre, il est remis en liberté alors que le second obtient la peine maximale de 10 ans,

2° Si les deux se dénoncent entre eux, ils seront condamnés à une peine plus légère de 5 ans,

3° Si les deux refusent de dénoncer, la peine sera minime puisque de 6 mois, faute d'éléments au dossier. 

Cette situation peut ainsi être représentée au travers de ce tableau : 

On voit donc que, pour les condamner, la police a besoin qu'au moins l'un d'eux passe aux aveux ou témoigne contre l'autre.

Maintenant, en supposant que les suspects soient rationnels, ces derniers sont censés plus valoriser leur propre liberté par rapport à celle des autres.

Ainsi, ils ont chacun deux options : avouer ou se taire.

Si les deux restent silencieux, en raison de l'absence d'aveux, la police condamnera les deux à beaucoup moins de temps de prison : un scénario optimal d’un point de vue du groupe ou les hommes sortent finalement gagnant-gagnant.

Mais comment les suspects peuvent-ils être sûrs de ce que l'autre dit ou ne dit pas ?

Si le suspect numéro 1 parle, il sera libéré tandis que le suspect numéro 2 partira en prison pour 10 ans et inversement si le suspect numéro 2 parle et le suspect numéro 1 se tait.

Pendant ce temps, si les deux finissent par avouer, essayant de se sauver, ils purgeront chacun plus de temps que s’ils n’avaient rien dit : une situation sous-optimale où les deux hommes sont perdants-perdants.

Ainsi, le dilemme du prisonnier illustre les défis de la coopération lorsque des individus ou des groupes d’individus sont confrontés à des intérêts conflictuels.

Parfois, choisir son propre intérêt peut n’être d'aucune utilité si les autres ne pensent également qu'à leur propre intérêt.

Et d'un autre côté, penser à l’intérêt du groupe alors que les autres membres du groupe ne pensent qu'à leur propre intérêt pourrait également nous être préjudiciable.

Ainsi, ce dilemme du prisonnier nous donne une excellente illustration de ce à quoi sont confrontés les pays de l’OPEP et notamment l’Arabie Saoudite lorsqu’elle annonce sa volonté de réduire la production de pétrole.

En effet, chaque fois que l'Arabie saoudite et l'OPEP annoncent des coupures de production de l’or noir, dans la pratique, cela revient à subventionner les producteurs mondiaux à leurs dépens.

Il faut savoir que l'OPEP a été fondée à Bagdad, en Irak, avec la signature d'un accord en septembre 1960 par cinq pays, à savoir la République islamique d'Iran, l'Iraq, le Koweït, l'Arabie saoudite et le Venezuela.

Ce n’est que par la suite que ces pays ont ensuite été rejoints par le Qatar, l’Indonésie, la Libye, les Émirats arabes unis, l’Algérie, le Nigéria, l’Équateur, le Gabon, l’Angola, la Guinée équatoriale et plus récemment, le Congo.

Officieusement, d’autres pays comme la Russie, le troisième plus grand producteur de pétrole de la planète, ou encore le Mexique, ont adhérés de manière informelle à la fin de 2016, suite au boom du pétrole de schiste portant les États-Unis à la première place des plus grands producteurs de pétrole au monde, créant ainsi l’OPEP+.

De ce fait, l’OPEP qui, à l’origine, a été délibérément formé pour veiller au maintien des prix du pétrole au niveau désiré tout en conservant ses parts de marché ne se trouve plus dans la même position de force qu’auparavant.

En effet, l’Arabie saoudite et l'OPEP n'ont plus autant de pouvoir sur les prix qu’à l’époque.

En fait, pour qu’un cartel fonctionne encore faut-il que le groupe ait un pouvoir de fixation des prix quasi-total sur un marché et qu'ils coopèrent les uns avec les autres.

Mais l'Arabie saoudite et l'OPEP ont vu leur part de marché diminuer au cours des 50 dernières années. Leur influence n'est donc plus ce qu'elle était.

Des pays comme les États-Unis, le Mexique, le Brésil, la Russie et la Chine ont tous connu une augmentation spectaculaire de la production de pétrole au cours des 15/20 dernières années.

Et cela est devenu particulièrement évident après 2010.

Pour rappel, entre fin 2010 et mi-2014, le prix du pétrole brut Brent se trouvait au-dessus des 100 dollars le baril.

Une situation qui a très largement bénéficié au schiste américain qui a finalement été le grand gagnant.

En effet, l’objectif politique de l'OPEP s’est retourné contre lui.

On l’a vu, l’ambition de l’OPEP est de modérer l'offre d’or noir pour maintenir les prix artificiellement plus élevés.

Sauf que pour maintenir les prix plus élevés, il est nécessaire de réduire la production, c’est-à-dire diminuer l'offre par rapport à la demande.

Le problème ? 

Au fur et à mesure que l'on réduit la production, cela revient à ouvrir grand la porte à d'autres acteurs qui peuvent désormais venir s'emparer de parts de marché.

Par exemple, si la demande mondiale de pétrole est de 100 millions de barils par jour, et que l'Arabie saoudite et l'OPEP réduisent de 2 millions de barils par jour, cette demande supplémentaire par rapport à l'offre est censée faire monter les prix ce qui offre des opportunités d’arbitrages à d’autres pays producteurs pour, soit lâcher des réserves de pétrole qui peuvent désormais être vendues à des prix plus élevées, soit augmenter la production de 2 millions de barils et de gagner la part de marché précédemment détenue par l’OPEP.

Ainsi, chaque fois que l'Arabie saoudite et l'OPEP réduisaient leur production pour maintenir les prix plus élevés, cela revenait en fait à perdre des parts de marché, tout en subventionnant le schiste américain et le pétrole russe.

On le voit d’ailleurs, chaque fois que les pays du golfe s’amusent à jouer avec leur production de pétrole,les États-Unis, en profitent pour augmenter leur production et taper dans leurs réserves, accroissant d’autant leurs parts de marché.

C’est ainsi qu’après avoir réalisé qu'ils perdaient des parts de marchés, l'Arabie saoudite et l'OPEP ont décidé fin 2014 d'arrêter de couper leur production et, au lieu de cela, augmenter la production de pétrole pour essayer de noyer le schiste américain

innondant ainsi le monde d’or noir provoquant une surabondance mondiale de pétrole et faisant chuter les prix du brent chutent de 70 pour cent en l’espace de 18 mois.

Le problème, c’est que cette stratégie n’a pas eu les effets escomptés.

En fait, l'Arabie saoudite a perdu davantage de parts de marché pendant que les autres producteurs de pétrole ont continué d’accroître leur offre et le schiste américain s'est avéré beaucoup plus résistant à long terme.

Tout cela, sans compter les désagréments existants entre les membres mêmes de l’OPEP+.

Par exemple, il n'y a pas si longtemps, en 2020, l'Arabie saoudite et la Russie étaient en pleine guerre des prix ce qui avait contribué au krach du marché.

Cela permet ainsi de souligner à quel point il est important de comprendre les intérêts divergents et les politiques contradictoires entre les différents producteurs de pétrole.

Cela permet d’ailleurs de mettre en exergue qu’il est loufoque de croire que les BRICS auraient des intérêts communs et seraient alignés dans un objectif commun de réduction de leur dépendance à l’occident alors qu’en réalité, il existe une interdépendance mondiale tant des pays occidentaux vers les pays émergents que des pays émergents vers les pays occidentaux.

Les enjeux du marché du pétrole

Arrivé à ce stade et compte tenu de ce que l’on vient de voir, il est évident qu’il existe deux problèmes fondamentaux avec l'OPEP et l'OPEP+.

1° Premièrement, les revenus pétroliers constituent la majeure partie des revenus de plusieurs pays producteurs de pétrole. Ainsi, leurs budgets publics et leurs réserves en dollars dépendent de la production pétrolière.

2° Deuxièmement, la plupart de ces pays ont nationalisé leur production de pétrole. Par conséquent, l'État est dépendant de l’or noir et peut choisir arbitrairement des objectifs de production alors que, par exemple, aux États-Unis et au Canada, il n'y a pas de contrôle obligatoire de la production de pétrole.

Ainsi, dans ce contexte de cartel, les pays membres sont confrontés à un dilemme lorsqu'ils décident des niveaux de production d’or noir.

Chaque pays est incité à maximiser sa propre production pétrolière pour augmenter ses propres revenus et gagner de plus grandes parts de marché.

L'OPEP tente ainsi de résoudre ce dilemme par la coopération et la prise de décision collective.

L'organisation, sous la tutelle de l'Arabie saoudite, fixe ainsi des quotas de production pour les pays membres, visant à stabiliser les prix du pétrole et à maintenir un marché équilibré. En limitant la production, l'OPEP tente de cette manière à gérer les niveaux d'approvisionnement et à soutenir la hausse des prix du pétrole : une situation considérée comme gagnant-gagnant.

Cependant, la dynamique du dilemme du prisonnier entre en jeu lorsque chaque pays considère ses propres intérêts !

Par exemple, si un pays décide de dépasser son quota de production, comme ce fut le cas de la Russie en 2020, et d'augmenter sa production, il peut en bénéficier en capturant des plus grandes parts de marché et potentiellement d’accroître ses revenus aux dépens du groupe.

Mais si chaque pays triche, parce qu'ils ne savent pas si les autres respectent les réductions de production, cela peut inonder le marché de pétrole : une situation considérée comme perdant-perdant.

Ce phénomène crée donc des tensions au sein de l’organisation : chaque membre essayant de trouver un équilibre entre la maximisation de ses propres intérêts et le maintien de la stabilité du marché pétrolier.

Or, le fait de vouloir prioriser ses propres intérêts se produit plus fréquemment que ce que l’on pourrait croire.

L’Arabie saoudite et l'OPEP sont souvent confrontées à des difficultés pour faire respecter les quotas de production et empêcher les comportements de passager clandestin, certains pays dépassant leurs limites tandis que d'autres les respectent : certains finissent gagnants tandis que d’autres finissent perdants.

Cette situation s’est reproduite une énième fois en début de mois avec l’Arabie saoudite qui a annoncé de nouvelles réductions de l'approvisionnement en pétrole d'environ 1 million de barils par jour à compter de juillet et de les prolonger jusqu'en 2024.

Mais d'autres pays de l'OPEP+ ne voulaient pas réduire la production de pétrole puisqu'ils dépendent de ces revenus.

De la même manière, on peut voir qu’aujourd’hui, le cartel du pétrole courtise la Guyane pour que le pays devienne un nouveau membre, dans le but d'étendre l'influence du bloc alors que la Guyane est soudainement devenue le producteur de pétrole à la croissance la plus rapide au monde.

Or, le président du pays d'Amérique centrale a clairement laissé entendre ne pas vouloir adhérer, son but étant de maximiser sa production étant donné que la demande de pétrole devrait diminuer au cours des prochaines décennies.

Pendant ce temps, les exportations russes de pétrole brut ont augmenté alors qu'elles auraient dû baisser par rapport aux réductions promises de 2023.

En fait, selon Bloomberg, les flux de brut russe vers les marchés internationaux restent élevés et sont toujours supérieurs de plus de 1,4 million de barils par jour à ce qu'ils étaient à la fin de l'année dernière. 

D’ailleurs, cela n’est pas passé inaperçu puisque l'Arabie saoudite en a de plus en plus marre de la Russie qui continue de dépasser ses quotas d'approvisionnement, ce qui exerce une pression à la baisse sur le prix du pétrole et ronge la part de marché de l'Arabie saoudite en Asie.

Pourtant, en observant cette situation sous l'angle du dilemme du prisonnier, cela a du sens.

Les Russes ont tout intérêt à laisser les Saoudiens et l'OPEP réduire leur production, faisant ainsi grimper les prix sur les marchés afin d’en récolter les fruits au travers de marges plus élevées, permettant ainsi à Poutine de financer ses ambitions belliqueuses.

En outre, compte tenu de la décote de prix entre le pétrole russe oural et le pétrole brent d’environ 20 dollars, en raison des sanctions, la Russie a tout intérêt à produire plus afin d’augmenter les volumes de vente pour compenser des prix plus faibles.

Le problème c’est que cela choque frontalement avec les intérêts de l’OPEP et de l’Arabie Saoudite qui, à chaque coupe de pétrole que l'OPEP essaie de mettre en place, se retrouve dans une situation où elle subventionne les productions pétrolières américaines, russes et brésiliennes, qui ne cessent d’augmenter ces dernières années.

Il n’est donc pas étonnant que les tensions montent au sein de l'OPEP.

Ces pays ne veulent pas perdre des parts de marché et les revenus dont ils dépendent pour le budget de l'État.

Ainsi, le dilemme du prisonnier met en évidence les complexités rencontrées par l'OPEP dans le maintien de la coopération et la gestion de la production pétrolière.

Cela souligne le besoin de confiance, de communication efficace et d'un engagement collectif envers des objectifs communs pour éviter un scénario où tout le monde souffre de la baisse des prix du pétrole, sauf le consommateur évidemment.

Or, comme nous venons de le voir, dans le monde réel, tout est plus complexe que ce qu’on voudrait nous le faire croire et tous les pays ont des intérêts biens spécifiques et propres à chacun. 

Il y a donc fort à parier que les prix du pétrole poursuivent leur stabilisation voire, finissent par baisser, comme ce fut le cas il y a de cela 10 ans.

Il y a de cela une semaine, la plus grande entreprise au monde, c’est-à-dire Apple, a dévoilé un nouveau produit, estimé par certains comme révolutionnaire : l’Apple Vision Pro.

Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’annonce de ce nouveau produit a fait chuter le cours des actions d'Apple en anticipation de sa sortie, réduisant ainsi la valeur de la société de 100 milliards de dollars.

Tout cela, dans un contexte où le Vision Pro est susceptible de changer définitivement nos intéractions humaines en offrant une expérience de réalité augmentée inégalée. 

Bien que le développement de ce casque ne soit encore qu’à un stade préliminaire, il a pour ambition d’offrir les meilleures expériences à la fois en terme de réalité virtuelle ainsi qu’en terme de réalité augmentée.

L’engouement pour ce nouveau produit est tel que des entreprises comme Disney se sont empressées de nouer des partenariats avec Apple en croyant fermement que ce produit rendra enfin la réalité virtuelle accessible au grand public. 

Néanmoins, de nombreuses questions restent en suspens et bien que la sortie de l'Apple Vision Pro marque un tournant dans le domaine de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée, toute avancée technologique peut très rapidement tomber au service de penchants dictatoriaux et de contrôles accrus.

Tout cela, sans compter un fait étonnant : le PDG d'Apple, Tim Cook, n'a jamais utilisé le Vision Pro. Cela peut sembler être un simple détail, mais ce comportement n'avait jamais été observé auparavant dans l'histoire d'Apple. 

Pourquoi Tim Cook n'a-t-il pas utilisé le Vision Pro ?

Pourquoi les actions d’Apple ont chuté à l’annonce de ce produit et quelles sont les dérives auxquelles le Vision Pro pourrait mener ?

La puissance d’Apple

Apple, la plus grande entreprise au monde, a présenté la semaine dernière son nouveau produit phare, l'Apple Vision Pro. L’entreprise est aujourd’hui valorisée à près de 2.9000 milliards de dollars, un montant similaire au Produit Intérieur Brut Français.

Évidemment, bien que cela n’ai pas de sens de comparer un stock, c’est-à-dire la capitalisation boursière d’Apple, et un flux, c’est-à-dire le PIB français, cela permet néanmoins de se faire une idée de la valeur de la société.

En effet, seul Microsoft se rapproche d'une capitalisation similaire, avec une valeur boursière de 2.500 milliards de dollars. Toutes les autres entreprises sont nettement moins grandes qu'Apple ou Microsoft. 

Par exemple, la troisième de la liste, Saudi Aramco, a une capitalisation boursière de 2.000 milliards de dollars, tandis que Google et Amazon, qui occupent la quatrième et cinquième place, affichent une capitalisation boursière de 1.600 milliards de dollars et 1.300 milliards de dollars respectivement.

Autrement dit et pour faire simple, Apple est deux fois plus puissante que Amazon ! 

Et la raison est on ne peut plus simple : si Apple est si puissant, c’est parce qu'à travers ses différents appareils, et surtout grâce à l'iPhone, l’entreprise a révolutionné la vie de plusieurs centaines de millions de personnes. 

Par exemple, rien qu’en 2022, plus de 225 millions d'iPhones ont été vendus, soit plus de trois fois la population française.

De plus, malgré le prix élevé de ces appareils, les consommateurs continuent d’en acheter ce qui permet à la marque à la pomme d’accroître ses revenus en provenance de la vente de smartphones qui représente désormais plus de la moitié du chiffre d’affaires de la marque à la pomme.

Cependant, il est important de noter que la valeur boursière d'Apple ne dépend pas tant de ce que l'entreprise a déjà réalisé dans le passé, mais surtout et avant tout des perspectives futures.

Cette question est fondamentale puisque présente dans toutes les entreprises. Chaque produit et/ou chaque service est élaboré au travers d’une réflexion qui est simple, de prime abord : à quel problème répond le produit ou le service en question. 

Plus le problème est grand et la solution est importante, plus l'entreprise peut gagner de l'argent. 

Or, l’une des façons de représenter la capacité qu’a une entreprise à générer des profits se fait au travers de la capitalisation boursière de la société.

En effet, la capitalisation boursière est censée refléter la valeur d’une entreprise qui correspond aux bénéfices futurs qu’une entreprise est capable de générer sur le long terme.

Par conséquent, la grande capitalisation boursière d'Apple à ce jour nous informe de l'ampleur des attentes du marché quant à la capacité d'Apple à continuer à révolutionner et à transformer nos vies à long terme. Ainsi, pour qu'Apple puisse continuer à révolutionner nos vies, elle devra mettre sur le marché de nouveaux appareils offrant de nouvelles fonctionnalités et expériences différentes de ceux déjà lancés. C'est pourquoi l'annonce du nouveau produit qu'Apple prévoit de lancer, l'Apple Vision Pro, a suscité autant d’engouement.

Le potentiel de cet appareil est énorme car s'il parvient à s'intégrer dans notre quotidien, notre façon de travailler et de nous connecter avec les autres pourrait se transformer radicalement. 

C'est pourquoi si l'Apple Vision Pro atteint son objectif de structurer le marché de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée, si des millions, voire des centaines de millions de personnes commencent à utiliser quotidiennement cette technologie et si l'Apple Vision Pro devient la référence de cette nouvelle industrie, la capitalisation boursière déjà énorme d'Apple pourrait encore s’accroître.

Le problème c’est que, lors de la présentation du nouvel appareil, des doutes et des inquiétudes ont émergé parmi les investisseurs.

L'avenir sombre de l'Apple Vision Pro

Depuis sa sortie, il y a de cela une semaine, la vidéo YouTube d'Apple présentant l'Apple Vision Pro a largement dépassé les 50 millions de vues. 

Tout le monde parlait de l'Apple Vision Pro sur les réseaux sociaux et on ne cesse d’en entendre parler actuellement. 

Il semble donc qu'Apple tente simplement de rendre la réalité virtuelle et la réalité augmentée populaire auprès du grand public.

Or, est-ce réellement un problème ? Est-ce que de nombreuses personnes souhaitent réellement que la réalité virtuelle soit omniprésente dans leur quotidien ?

On pourrait penser que la mission d’Apple est d’apporter une solution au problème de la rareté et de l’insatisfaction.

En effet, dans un monde où il n’est pas possible d’avoir tout ce que l’on désire et où le sentiment d’aventure peut parfois être absent, notamment lorsque notre train de vie tourne autour du fameux métro, boulot, dodo, les réalités virtuelles et augmentées pourraient apporter une solution.

De ce fait, si le produit venait à être suffisamment qualitatif, certaines personnes non satisfaites de la réalité de leur quotidien pourrait apporter un changement radical au travers de ce nouveau casque ce qui permettrait de rencontrer de nouvelles personnes, de nouvelles cultures, de nouveaux endroits, de nouveaux souvenirs, plus de jeux, plus de plaisir d'une manière totalement différente à celle expérimentée auparavant.

Plus besoin de se pencher sur son iPhone ou son ordinateur portable, qui ont déjà anéanti la capacité d’attention d’un grand nombre d’entre nous, nous rendant addictes à leurs appareils.

En effet, d’après le baromètre du numérique, en 2022, les français passaient en moyenne 32 heures par semaine devant un écran, ce qui équivaut à environ un tiers de notre temps éveillé.

Avec le Vision Pro, nous n’aurions plus jamais besoin de prendre notre téléphone ou notre ordinateur, nous serions directement connecté à l'univers d’Apple fusionnant de facto le monde réel avec le monde numérique. 

Le problème c’est que, si lors de la présentation la qualité de l'Apple Vision Pro était à la hauteur des attentes du marché, le prix et la date de sortie ne l'étaient pas. 

En effet, l'Apple Vision Pro ne sera disponible qu’à partir du début de l'année 2024 sur le marché américain, au prix de départ de 3.500 dollars. 

En ce sens, réussir à convaincre suffisamment d'acheteurs de payer 3.500 dollars pour ce nouvel appareil, et les convaincre en plus d'acheter chaque année de nouvelles versions de celui-ci, comme cela est le cas avec les iPhones, ne sera pas chose facile pour Apple. 

Il est donc compréhensible que des doutes aient surgi dès l'annonce du prix et de la date de sortie réduisant de 100 milliards de dollars la valeur de la société américaine.

S’il est vrai que 100 milliards de dollars sur une capitalisation boursière total de 2.900 milliards de dollars semble ridicule, puisque ne représente qu’environ 3,5 pour cent de la valeur globale, il convient de rester conscient que ces ordres de grandeur sont tout simplement gigantesques.

C’est comme si en l’espace de quelques heures, des entreprises comme Air Liquide, BNP Paribas, EDF, Danone ou encore Orange, perdaient 100 pour cent de leur valeur boursière.

Cependant, tout comme Apple a réussi à imposer l’Iphone comme le smartphone de référence, le Vision Pro pourrait très bientôt remplacer l’Iphone, devenant ainsi un produit grand public.

En effet, cette nouvelle réalité virtuelle de haute qualité pourrait s’imposer comme une alternative séduisante à notre réalité parfois déprimante, estompant peu à peu nos problèmes du passé. 

Au même titre que le film Ready Player One, la frontière entre le monde réel et le monde numérique deviendrait quasi inexistante, offrant une expérience immersive et addictive. 

Cette promesse d'un monde meilleur et plus captivant créera un buzz mondial et le commun des mortels aura envie de vivre cette expérience pour se sentir normal et profiter des mêmes avantages que le reste des individus.

De plus, dans un contexte où la dépression chez les individus a explosé ces dernières années, le prix à payer pour un tel appareil afin de résoudre ses soucis, pourrait en valoir la peine.

En effet, les états dépressifs caractérisés sont actuellement à des niveaux historiquement élevés, notamment chez les plus jeunes et cette situation s’observe, quelque soit le niveau de diplôme, la situation professionnelle, la perception de sa situation financière ou encore la catégorie d’agglomération des individus.

De ce fait, le besoin de se plonger dans le Vision Pro, sera exacerbé par ce phénomène puisque la plupart de nos amis, des personnes faisant partie de notre communauté ou encore nos célébrités préférées seront présents dans cet univers virtuel. 

Comme nous le constatons avec les appareils électroniques ou les réseaux sociaux, une fois le Vision Pro expérimenté, il deviendra difficile de s’en passer.

Et c’est précisément là que le danger commence réellement.

Les dérives technologiques

Lorsque le Vision Pro aura conquis le grand public et que tout le monde l'adoptera, nous serons incités à rester dans ce monde virtuel. Le Vision Pro nous fera vivre des expériences incroyables, des jeux captivants, des rencontres fascinantes ou encore des films interactifs en 3D et après chaque session le cerveau sera submergé de dopamine, procurant une sensation de bien-être intense. 

Plus personne ne souhaitera quitter cet univers qui permettra au plus grand nombre d’être qui on veut, quand on le veut et afin de faire ce que l’on veut.

Ainsi, au fur et à mesure que de plus en plus de personnes utiliseront ce type d’appareil par peur de manquer de nouvelles expériences, à l'instar de ceux qui se sont précipités sur les smartphones et les ordinateurs, il deviendra presque impossible de se passer de cette technologie.

En outre, si la réalité augmentée présente déjà de nombreux problèmes majeurs, associée à l'IA, la situation devient encore plus inquiétante. 

Les avancées de l’intelligence artificielle sont indéniables et augmentent à une vitesse fulgurante notamment en ce qui concerne la création d'images ou encore le machine learning.

De ce fait, à mesure que ces deux technologies progressent ensemble, nous verrons des environnements et des objets virtuels générés et affichés entièrement dans la réalité augmentée. 

À plus long terme, les implants neuronaux briseront la dernière barrière entre le réel et le virtuel, avec des puces cérébrales comme Neuralink, une des entreprises d'Elon Musk, qui a annoncé la semaine dernière qu'elle avait reçu l'accord des autorités sanitaires américaines pour tester ses implants cérébraux connectés sur des humains.

Cela signifie que des produits comme le Vision Pro réagiront et s'adapteront à vos pensées et à vos émotions en temps réel, ouvrant la porte à de nombreuses possibilités. 

Si nous pouvions créer un paradis, un monde conçu en fonction de nos pensées et de nos désirs les plus profonds, cela ouvrirait également la voie à un contrôle totalitaire sans précédent de la part des gouvernements. 

La Chine qui rayonne pour son respect des droits de l’homme a déjà mis en exergue sa volonté d'exploiter toute nouvelle technologie pour asservir sa population, comme en témoigne son système de crédit social, qui classe les individus en fonction de leurs actions et les surveille à l'aide de caméras de reconnaissance faciale.. 

Ce risque est d’autant plus grand qu’Apple a déjà été pris en flagrant délit d'espionnage en accédant à de nombreuses données au travers de nos iPhones.

En outre, ces nouveaux outils de propagande pourraient être utilisés sans que le public ne se révolte.

À titre d’exemple, selon une enquête réalisée par le Cato Institute, aux États-Unis, près d'un tiers des 18-29 ans sont favorables à l'installation de caméras de surveillance dans chaque foyer par le gouvernement pour réduire les violences domestiques, les abus et autres activités illégales. 

En d'autres termes, près d'un tiers des personnes interrogées pensaient que c'était une bonne idée que le gouvernement les observe en permanence chez elles. 

Une chose est sûre, avec un prix de 3.500 dollars, il est évident qu'Apple cherche à contrôler l'espace de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée en devenant le principal acteur dans ce secteur technologique. 

En prenant la tête de cet environnement, Apple exercera un contrôle beaucoup plus important sur la façon dont les individus reçoivent des informations sur le monde qui les entoure, ce qui peut s’avérer extrêmement rentable, comme en témoignent les réseaux sociaux qui créent des produits extrêmement addictifs pour capter notre attention et qui ont ainsi mis en place le plus grand système de collecte de données au monde.

De la même manière, la capitalisation boursière record d'Apple témoigne de l'immense attente du marché quant à sa capacité à continuer à révolutionner nos vies. Toutefois, l'annonce du nouvel appareil, l'Apple Vision Pro, a suscité des doutes et des inquiétudes parmi les investisseurs en raison de son prix élevé et de sa date de sortie tardive notamment. Si l'Apple Vision Pro parvient à séduire suffisamment d'acheteurs, à structurer le marché de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée et à devenir une référence dans cette industrie, la capitalisation boursière d'Apple pourrait atteindre des niveaux encore plus élevés. 

Seul le temps nous dira si Apple sera à la hauteur de ces attentes optimistes.

1.000 milliards de dollars !

C’est la valeur boursière atteinte la semaine dernière par l'entreprise Nvidia, pourtant relativement peu connue du grand public. 

Cette capitalisation place donc la société, spécialisée dans la conception de microprocesseurs, en cinquième position parmi les entreprises les plus importantes des États-Unis, juste après des géants bien connus comme Apple, Microsoft, Google ou encore Amazon et devant Meta, Tesla ainsi que Berkshire Hathaway.

Cette croissance a fait de Nvidia le premier fabricant de puces à franchir la barre des 1.000 milliards de dollars de valorisation,éclipsant par la même occasion les entreprises concurrentes dans le domaine des semi-conducteurs et rejoignant ainsi les grands noms de la technologie.

La clé de cette ascension spectaculaire se trouve dans deux lettres : IA.

Nvidia est désormais huit fois plus grande qu'Intel en termes de capitalisation boursière, alors même qu’Intel génère plus de deux fois le chiffre d'affaires annuel de Nvidia.

L'augmentation du cours de l'action Nvidia, qui a été l'action la plus performante de toutes les entreprises du S&P 500 cette année, a été tout simplement spectaculaire. 

L'IA est en train de ressembler à une bulle boursière, caractérisée par une augmentation rapide et souvent insoutenable des cours des actions, souvent stimulée par une spéculation excessive et un optimisme des investisseurs.

Qu’est-il en train de se passer ?

Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère ou au contraire, une nouvelle bulle, similaire à la bulle technologique du début des années 2000, est sur le point d’exploser ?

L’envolée d’un géant technologique

Nvidia, une entreprise spécialisée dans les solutions informatiques accélérées, a récemment connu une augmentation spectaculaire de sa valeur boursière.

L'entreprise est actuellement la cinquième plus grande société du S&P500 et la quatrième plus grande du NASDAQ. Sa récente hausse de 24 pour cent, ajoutant plus de 200 milliards de dollars à sa capitalisation boursière en une seule journée, un phénomène extrêmement rare, a suscité un intérêt accru pour ses actions.

Nvidia, qui célèbre ses 30 ans cette année, n'est évidemment pas une petite nouvelle dans le secteur. 

Reconnue par les passionnés de jeux vidéo depuis plus de deux décennies pour ses puces électroniques et cartes graphiques qui alimentent les jeux et consoles les plus performants, l'explosion de sa valeur en bourse n'est cependant pas due à ce domaine.

Cela ne fait aucun doute, le thème de l'intelligence artificielle porte l'action Nvidia depuis le début de l'année. 

L'envol de son cours boursier est concomitant de l'émergence de ChatGPT : ce dernier a bondi de près de 180 pour cent depuis le début de l’année et, cerise sur le gâteau, le 25 mai dernier, le fabricant de puces électroniques dévoilait des résultats trimestriels bien au-delà des attentes, multipliant ainsi les annonces prometteuses.

Les investisseurs pensent désormais que Nvidia est parfaitement positionnée pour tirer parti de l'essor de l'intelligence artificielle et de l'apparition des robots conversationnels. 

Pour créer ChatGPT, par exemple, OpenAI a utilisé des milliers de puces produites par Nvidia. 

Ainsi, l'élaboration de ces nouveaux modèles d'IA nécessite une puissance de traitement informatique considérable, qui est fournie par de nombreuses puces spécialisées. 

Or, Nvidia domine ce marché prometteur à hauteur de près de 90 pour cent, au plus grand plaisir de ses actionnaires !

L’implication de Jensen Huang, PDG et cofondateur de Nvidia, est d’ailleurs l'un des points forts de la société. Sa détention de 3,5 pour cent de l'entreprise, évaluée à environ 33,5 milliards de dollars, témoigne de son engagement.

Il faut savoir que Nvidia produit, entre autres, des processeurs graphiques, également connus sous le nom de GPU, à la fois pour les consommateurs et les entreprises. 

Sur le marché des consommateurs, ces cartes sont utilisées principalement pour le gaming sur PC et par les créateurs de contenu pour l'édition vidéo. 

Du côté des entreprises, Nvidia propose des GPU plus puissants pour les applications de cloud computing. Les géants technologiques tels que Microsoft, Google et Amazon utilisent d’ailleurs ces puces pour alimenter leurs centres de données massifs dans un contexte où l’entreprise détient près de 90 pour cent des parts de marché, faisant d'elle une quasi-monopole.

L’entreprise se concentre sur différents secteurs, tous intimement liés les uns aux autres, comme les data center, le gaming, la visualisation professionnelle ou encore les véhicules autonomes.

Évidemment, son domaine de compétence va bien au-delà avec notamment l’intelligence artificielle et la science des données, le cloud computing, la réalité virtuelle, la robotique ou encore les calculs de haute performance.

Nvidia a débuté dans le secteur du gaming. En plus de ses processeurs graphiques, l'entreprise propose le Nvidia Shield, une famille de dispositifs Android destinée au streaming et aux jeux vidéo. De plus, GeForce Now, le service de cloud gaming de Nvidia, permet aux utilisateurs de jouer à des jeux PC sur les serveurs Nvidia au lieu de leurs machines locales.

Après les cartes graphiques de gaming, l'entreprise s'est orientée vers les puces pour les datacenter et, en démontrant sa capacité à gérer des charges de travail d'IA massives, l'entreprise a fait des percées rapides.

En effet, ces processeurs ne sont pas seulement utiles pour les jeux. Ils sont également précieux pour le traitement de grandes quantités de données en parallèle, ce qui est utile pour les applications visuelles et l'analyse de grandes quantités de données.

Or, aujourd’hui, l’engouement pour l’intelligence artificielle permet à l’entreprise de se positionner comme un acteur leader.

En effet, les puces de Nvidia sont extrêmement importantes pour le machine learning, l'analyse de données et les applications de haute performance.

La demande en matière d'IA a ainsi donné la possibilité à Nvidia de concentrer son activité sur les datacenter. Cela lui a permis de surmonter le ralentissement de son activité dans le gaming dû à la chute des ventes d'ordinateurs permettant de facto à l’activité secondaire de la société de devenir son principal atout.

Outre l’intelligence artificielle, il convient également de prendre en compte le secteur automobile qui est friand en puces électroniques. Si les voitures intelligentes ne sont encore qu’à leurs balbutiements, elles commencent à occuper une place majeure.

C’est précisément pour cette raison que Nvidia s'est aventurée dans l'industrie automobile permettant aux entreprises de collecter et de traiter d’importants volumes de données, d’entraîner des modèles, d’exécuter des simulations et de développer des véhicules autonomes.

Un autre secteur d’activité, souvent oublié, dans lequel Nvidia s’était concentré, jusqu’à très récemment, est le minage de crypto-monnaies dans la mesure où ses GPU sont largement utilisés pour le minage.

L'essor exponentiel de Nvidia peut d’ailleurs être attribué à l'année 2016, lorsque la société a commencé à se concentrer sur le marché de la cryptographie, en particulier le Bitcoin. 

À l'époque, Nvidia était principalement un fournisseur pour un marché de niche de gamers mais, avec le boom du Bitcoin, les GPU Nvidia sont devenus la solution la plus rentable pour miner diverses crypto-monnaies. 

L’augmentation du prix des cartes graphiques est devenu un des sujets les plus débattus ces dernières années bien que ce phénomène soit multifactoriel est ne peut pas être attribué à un seul événement. 

En effet, plusieurs facteurs ont contribué à cette hausse, notamment les différents confinements liés à la pandémie de Covid-19, qui ont provoqué une augmentation de la demande de matériel informatique pour le télétravail et les loisirs à domicile. Parallèlement, l’essor des cryptomonnaies a également joué un rôle majeur dans la hausse des prix des GPU.

Cette demande accrue de GPU pour le minage avait entraîné une pénurie de cartes graphiques sur le marché, exacerbant ainsi la hausse des prix. 

Néanmoins, depuis le krach des cryptos fin 2022, Nvidia a littéralement retourné sa veste

affirmant, au cours d’une interview au journal The Guardian que les crypto-monnaies n’apportent rien d’utile à la société.

Nvidia a ainsi pris une décision parfaitement logique en se concentrant sur des secteurs offrant un potentiel de croissance plus élevé, tels que l'intelligence artificielle et le gaming. 

En mettant l'accent sur le développement d'outils d’intelligence artificielle tels que ChatGPT et Midjourney, Nvidia se positionne comme un acteur clé de la révolution technologique en cours. 

En rejetant les crypto-monnaies et en critiquant ouvertement leur utilisation, l'entreprise n’a rien à perdre étant donné que l'exploitation minière n'est plus rentable avec leur matériel. 

Par exemple, avec un coût de l'électricité de 17 centimes d'euro par kilowattheure, aucune carte graphique ne peut générer suffisamment de profits : il faudrait plus de 3.682 jours, soit plus de 10 ans, pour rentabiliser une GeForce RTX 4090.

Nvidia a, de ce fait, pleinement compris que la véritable valeur ajoutée de ses produits réside dans des applications plus avancées et bénéfiques, telles que l'IA et les jeux vidéo pour les consommateurs. 

En adoptant cette position, Nvidia a ainsi envoyé un message fort aux marchés et aux consommateurs, démontrant son souci de l'impact et de la valeur de ses produits pour la société. 

Cette stratégie de communication a aussi permis à l'entreprise de recentrer l'attention du public sur ses véritables domaines d'intérêt et d'expertise.

IA et Nvidia : une bulle sur le point d’exploser ?

L'un des aspects les plus impressionnants de Nvidia est sa capacité à résister aux défis du marché. Malgré une baisse de son cours de 50 pour cent l'année dernière due à la récession et à la crainte générale concernant le secteur technologique, Nvidia a déjà rebondi de près de 180 pour cent.

De plus, le cours de l’entreprise a déjà dépassé ses précédents records historiques faisant d’elle la sixième plus grande entreprise du monde, surpassant même Tesla en termes de valorisation boursière. 

Cependant, malgré ces données impressionnantes, des questions demeurent concernant la valorisation élevée de Nvidia. 

La valorisation financière de Nvidia est l'une des plus élevées du secteur technologique. Au cours des 12 derniers mois, Nvidia a enregistré un résultat net de “seulement” 4,3 milliards de dollars, soit deux fois moins que l’entreprise Intel par exemple.

Investir dans Nvidia présente donc à la fois des opportunités et des risques. 

D'un côté, Nvidia est une entreprise technologique de pointe avec une large gamme de produits et services qui ont une demande forte et croissante. Elle est bien positionnée dans des secteurs à forte croissance, tels que l'intelligence artificielle, le cloud computing et les véhicules autonomes. De plus, Nvidia a une réputation de qualité et d'innovation dans le domaine des GPU, ce qui lui confère un avantage concurrentiel significatif.

D'un autre côté, la valeur de l'action Nvidia a déjà augmenté de manière significative au cours des dernières années, ce qui pourrait signifier que l’optimisme et les perspectives de croissances sont déjà intégrées dans le prix de l'action. De plus, comme pour toute entreprise technologique, Nvidia fait face à une concurrence intense, à la rapidité du changement technologique et aux risques réglementaires. 

De plus, la pandémie de 2020 a présenté des défis mais aussi des opportunités pour l’entreprise. En raison des confinements, le nombre de personnes se tournant vers le gaming a considérablement augmenté, créant une demande sans précédent pour les produits de Nvidia. 

La pandémie a donc été un coup de pouce énorme pour Nvidia, qui a vu une croissance massive de ses segments de revenus liés aux jeux vidéo et aux centres de données en 2020 et 2021. La demande de GPU a grimpé en flèche alors que les gamers, les mineurs de crypto-monnaies et les centres de données cherchaient à se procurer autant de puces que possible. 

Cependant, Nvidia a été touchée par plusieurs événements extérieurs désastreux. La réouverture de l'économie a réduit la demande de matériel pour le jeu vidéo et les centres de données. De plus, l'inflation a contraint les consommateurs à consacrer une plus grande part de leurs revenus à des besoins essentiels, réduisant leur revenu disponible pour l'achat de cartes graphiques coûteuses. 

Enfin, la deuxième blockchain la plus importante après Bitcoin, Ethereum, a adopté un modèle de preuve d'enjeu, qui nécessite beaucoup moins de puissance de calcul, ce qui a considérablement réduit la demande de GPU Nvidia pour le minage de crypto-monnaies.

Malgré ces défis, le prix de l'action Nvidia a commencé à augmenter presque aussi rapidement qu'il avait baissé. Cette reprise a coïncidé presque exactement avec la sortie de ChatGPT et à mesure que l'industrie de l'IA se développe, Microsoft, Google, Amazon, IBM et de nombreuses autres entreprises devront acheter davantage de GPU, ce qui bénéficiera à Nvidia.

Il ne fait aucun doute que l’entreprise sera l'un des principaux bénéficiaires de l’intelligence artificielle.

Toujours est-il que l'évolution rapide de l'intelligence artificielle et l'attraction grandissante autour de Chat GPT et d'autres technologies innovantes démontrent des symptômes d'une potentielle bulle. Il suffit parfois qu'une entreprise fasse simplement allusion à l'IA dans une annonce publique pour que ses actions s'envolent.

Certains analystes estiment que le prix de l'action Nvidia est totalement déconnecté de la réalité.

Pour rappel, une bulle spéculative apparaît lorsque les prix des actifs s'envolent excessivement, se détachant de leur valeur réelle. Cependant, ce phénomène ne peut perdurer indéfiniment. À un certain point, la bulle éclate : les prix chutent de manière drastique, engendrant des pertes significatives pour les investisseurs. 

L'histoire est marquée par certaines bulles spéculatives mémorables, comme la tulipomania au 17ème siècle aux Pays-Bas, la crise des subprimes en 2007/2008 ou encore la bulle Internet du début des années 2000.

C’est d’ailleurs ce dernier exemple, qui présente le plus de similarités avec la situation actuelle.

À l’époque, entre 1995 et 2000, les investisseurs étaient captivés par la "nouvelle économie" et le potentiel de croissance engendré par l'expansion d'Internet. Tout le monde se précipitait sur les actions des start-ups innovantes, souvent sans examiner leur rentabilité ou leur modèle économique faisant exploser les cours de ces actions, alimentant une demande factice et une montée auto-perpétuée des prix.

En mars 2000, les investisseurs ont commencé à réaliser que les perspectives de bénéfices des entreprises du secteur étaient surestimées et que leur valorisation boursière n'était pas justifiée. Ils ont alors vendu leurs actions en masse, provoquant un effondrement des cours faisant ainsi éclater la bulle.

Aujourd’hui, il n’est pas osé d’estimer que la valorisation boursière de Nvidia suit le même modèle, tout comme de nombreuses autres entreprises liées au secteur de l’intelligence artificielle le seront probablement au cours des prochains mois et des prochaines années.

D'une part, les marchés américains ont placé d'énormes espoirs dans une nouvelle révolution technologique liée à l'IA, tout comme ils l'ont fait avec Internet il y a 20 ans. En ce qui concerne Nvidia en particulier, la valorisation boursière de l'entreprise est très élevée par rapport à ses bénéfices effectifs. 

Si l’on se focalise sur son PER, initiales de Price Earning Ratio, ou ratio prix/bénéfice en français, qui consiste à diviser le prix d’une action par le bénéfice de l’entreprise, l’indicateur s’est envolé à 203.

En effet, sachant que les actions cotent à 392 dollars et que le bénéfice par action sur les 12 derniers mois est de 1,93 dollar, 392 divisés par 1,93 nous donnent bien 203.

Autrement dit, c’est comme s’il fallait attendre de percevoir 1,93 dollar durant 203 ans pour pouvoir acheter une seule et unique action, ce qui est tout simplement énorme !

Un autre élément incitant à la prudence, c’est que son cours boursier avait déjà profité en 2021 de l'essor des cryptomonnaies avant que ce marché ne se dégonfle, entraînant la même année une baisse de la valeur des actions de Nvidia. 

Cependant, il existe aussi des différences notables avec la crise de 2000 : Nvidia n'est pas une start-up, c'est une entreprise rentable et leader dans son secteur. Ses produits sont déjà utilisés dans de nombreux secteurs comme l'informatique, la robotique, le jeu vidéo ou l'automobile. De nombreux analystes financiers estiment que l'entreprise dispose d'un avantage concurrentiel durable dans le domaine des puces IA, ce qui justifie à leur avis sa valorisation actuelle. 

Toujours est-il que l'évolution du cours boursier de Nvidia ne dépendra pas uniquement de l'entreprise et de sa capacité à garder une longueur d'avance sur ses concurrents. Il dépendra également de la capacité de l'intelligence artificielle générative à réaliser ou non les promesses qu'elle suscite. 

De ce fait, si elle est bien la révolution que certains attendent, il n'y a probablement pas de bulle.

Cependant, malgré la popularité de ChatGPT et d'autres technologies similaires comme Bard ou Midjourney, les applications rentables de cette technologie restent encore incertaines. Et dans la Silicon Valley comme sur les marchés financiers, on peut passer rapidement de l'engouement à la tempête ... 

Dans les années 1990, un scénario similaire s'est produit avec Cisco, un fournisseur d'infrastructure internet. Les analystes avaient prédit une explosion de la demande pour les produits de Cisco en raison de la croissance d’internet. Ils avaient vu juste sur le principe, mais ils avaient largement surestimé l'ampleur de cette demande, ce qui a conduit à la formation d'une bulle autour de l'action Cisco qui n’a jamais retrouvé ses niveaux depuis lors. 

Pour conclure, si Nvidia est bien positionnée pour profiter de l'essor de l'IA générative, il est important de ne pas se laisser emporter par l'enthousiasme. Lorsqu'une action fait l'objet d'un tel battage médiatique, il est souvent sage de prendre du recul. 

À long terme, il y aura une rude concurrence de la part de Google, Intel, IBM, Apple, Alibaba et même de Meta.

Le groupe des BRICS, formé par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud ne cesse de faire parler d’elle.

Cette organisation intergouvernementale de premier plan au sein de l'économie mondiale est vouée à gagner en notoriété notamment compte tenu de son influence considérable et grandissante.

En effet, à lui seul, le groupe est présent sur une superficie totale de 26,7% de la surface mondiale !

Les BRICS représentent 41,5% de la population globale y est présente et environ un quart de la production économique mondiale y est générée avec un PIB combiné de plus de 26.000 milliards de dollars.

Cela fait donc de cette alliance une vraie puissance économique, dépassant par la même occasion les États-Unis ou l'Union Européenne dans de nombreux indicateurs économiques et sa taille ne cesse de croître.

Pour couronner le tout, en plus de leur croissance économique rapide, les membres des BRICS ont annoncé des plans pour intensifier leurs échanges commerciaux et ont évoqué la possibilité d'introduire une monnaie commune. 

Cette initiative pourrait ainsi remettre en question la prédominance de l'Occident sur ce groupe majeur de nations, ce qui est une source d'inquiétude chez de nombreuses personnes, notamment compte tenu des situations de nature belliqueuse qui se produisent actuellement.

Qu’en est-il concrètement ?

Cette alliance des BRICS est-elle réellement capable de terrasser l’occident et quels seront les défis auxquels cette dernière devra faire face aux cours des prochaines décennies  ?

BRICS : Menace ou opportunité ?

Initialement, l’alliance des BRICS a été formée par souci de commodité afin de se référer plus rapidement à un groupe de pays, un petit peu comme les PIGS, acronyme anglais de Portugal, Irlande, Grèce et Espagne au cours de la crise de l’euro en 2011.

C’est en 2001 que le terme BRIC est inventé par l’économiste de Goldman Sachs, Jim O'Neill, pour décrire des économies en croissance rapide qui domineraient collectivement l'économie mondiale d'ici 2050, avant d’y rajouter l'Afrique du Sud en 2010 donnant ainsi BRICS.

Ce n’est qu’à partir de 2009 que les pays concernés ont tenu leur premier sommet officiel en Russie et, déjà à l’époque, ces nations envisageaient la nécessité d'une nouvelle monnaie de réserve mondiale stable et prévisible. 

En mars 2009, après la crise des subprimes, Zhou Xiaochuan, alors gouverneur de la banque centrale chinoise, évoquait l’idée de la mise en plus d’une monnaie de réserve internationale devant respecter certaines conditions que sont : 

“être ancrée à un indice de référence stable et émise selon un ensemble de règles claires avec une offre suffisamment flexible pour permettre un ajustement rapide en fonction de l'évolution de la demande et avec des ajustements déconnectés des conditions économiques et des intérêts souverains d'un seul pays”.

Un an plus tard, l'Afrique du Sud a donc rejoint le groupe, qui a commencé à organiser des sommets annuels pour discuter de divers objectifs économiques.

Parmi les grands projets déployés depuis la formation du groupe, on compte l'établissement de la Nouvelle Banque de Développement, plus connue sous le nom de Banque des BRICS. 

Le groupe a aussi mis en place le Contingent Reserve Arrangement, une sorte de filet de sécurité financier qui permettrait aux pays de se soutenir mutuellement en cas de problèmes de balance des paiements.

Cette organisation, similaire au Fonds Monétaire International, investit ainsi dans les économies en développement pour stimuler leur production économique.

Ces initiatives reflètent une volonté de créer des systèmes financiers indépendants du FMI et de la Banque mondiale afin de disposer d’alternatives viables et ainsi faire des BRICS un acteur économique et financier majeur à l'échelle internationale.

Les pays du BRICS ont également discuté de la construction de câbles à fibre optique sous-marins pour connecter directement tous les pays membres et ont même proposé la création des Jeux des BRICS, semblables aux Jeux Olympiques ou aux Jeux du Commonwealth, mais ouverts uniquement aux membres du groupe.

Aujourd'hui, il ne fait aucun doute, l’influence internationale de ce groupement de pays est grandissante, montrant par la même occasion une tendance à l'expansion de sa composition. 

En effet, plusieurs pays ont formellement demandé à adhérer au groupe, notamment les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Égypte, l'Argentine ou encore l'Algérie. 

Et d’autres pays, ont exprimé leur intérêt pour une potentielle adhésion.

Cette tendance suggère donc l'émergence de deux blocs économiques distincts à l'échelle mondiale. Ces divergences n’avaient plus été observées depuis la fin de la guerre froide.

Cette expansion potentielle pourrait donner encore plus de poids au groupe des BRICS sur la scène internationale, bien qu’elle pourrait également créer des défis en termes de coordination et de cohérence politique.

Ce développement pourrait être préoccupant, car ces pays n'entretiennent pas les meilleures relations politiques avec le reste du monde. Par exemple, la Russie est actuellement en guerre, un conflit largement critiqué par les États-Unis et ses alliés, tandis que la Chine a clairement exprimé son intention d'envahir Taiwan. 

Du coup, forcément, arrivé à ce stade, on peut se demander pourquoi ces pays cherchent à s'éloigner de la dépendance vis-à-vis du reste du monde, et plus précisément de l'Occident et les États-Unis ? 

La fin de l’influence occidentale ?

Une conclusion généralement acceptée de tous, c’est que ces nations souhaitent être à l'abri des sanctions et des pressions économiques occidentales, en particulier à la lumière de leurs actions géopolitiques controversées.

En formant un bloc commercial entre eux, ils pourraient potentiellement accéder à de vastes ressources et une main-d'œuvre abondante, ce qui les rendrait moins vulnérables aux pressions économiques extérieures afin de résister à l'isolement économique.

Cette analyse est en fait on ne peut plus logique.

Si les États-Unis ou l'Europe étaient complètement dépendants d'une devise étrangère, il serait logique de rechercher également des alternatives. 

La récente déconnexion de la Russie des réseaux de paiement mondiaux est un puissant rappel que les réserves de n'importe quel pays pourraient être gelées et ainsi rendues inutiles si le pays en question venait à agir dans le sens contraire des intérêts des puissances dominantes. 

Des initiatives telles que les câbles sous-marins exclusifs aux BRICS sont également justifiées par la révélation que la NSA, ou National Security Agency, des États-Unis interceptait des données via le territoire américain. 

Dans ce contexte, le désir de canaux de communication privés est compréhensible. 

De la même manière, la Nouvelle Banque de Développement, une alternative au FMI contrôlée par les pays BRICS et quelques autres, n'est pas une entité unique, car de nombreuses organisations similaires existent dans le monde. 

Toujours est-il que l'existence de cette banque reflète le désir d'indépendance financière par rapport aux normes dictées par l'Occident.

Si ces pays forment un bloc commercial, non seulement des pays comme les États-Unis pourraient perdre une grande partie du commerce mondial, moteur clé de leur croissance économique au cours du siècle dernier, mais les freins économiques à l'agression militaire de pays tiers pourraient également perdre en efficacité.

Un autre aspect important des BRICS concerne leur rôle dans le développement durable. Le groupe a démontré un engagement envers les objectifs de développement durable des Nations Unies et a pris des mesures pour promouvoir les énergies renouvelables et atténuer le changement climatique bien que leur performance dans ces domaines reste mitigée.

De plus, la taille du groupe est colossale avec un PIB combiné de plus de 26.000 milliards de dollars, dépassant l'UE et même les États-Unis.

Une chose est sûre, l'impact des BRICS sur l'économie mondiale est donc déjà significatif et pourrait devenir encore plus important à l'avenir. Le groupe a non seulement contribué à redéfinir le paysage économique mondial, mais il a également remis en question le rôle des institutions financières occidentales traditionnelles.

La réalité du pouvoir des BRICS : Défis et limites

Si les perspectives d'avenir pour le groupe des BRICS sont prometteuses, il ne faut pas perdre de vue qu’elles sont également entachées d'incertitude.

La Chine, en particulier, est en passe de devenir la plus grande économie du monde, et l'Inde n'est pas loin derrière. Toutefois, des problèmes comme la corruption, les inégalités sociales et économiques, et les instabilités politiques continuent d'entraver le développement économique de ces pays. 

Tout n’est pas tout noir, tout n’est pas tout blanc et donc le succès du groupe dépendra très largement de la façon dont ses membres parviendront à surmonter ces défis.

Si les BRICS semblent être une entité économique effrayante et puissante, c'est principalement du fait de la Chine qui représente plus de la moitié de la production intérieure brute du groupe.

Cela signifie que l'influence de l’alliance sur l'économie mondiale est fortement liée à la performance économique de la Chine, tout cela, sans compter que les pays du groupe ont des différences significatives tant en termes de culture, de structure économique que de politique intérieure, ce qui pourrait entraver la coopération à long terme. 

De plus, bien que les pays du BRICS soient regroupés, ils sont loin d'être de proches alliés, comme en témoignent les conflits militaires entre la Chine et l'Inde. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute les relations entre la Chine et l'Inde qui ont été caractérisées par des différends frontaliers, entraînant des conflits militaires à plusieurs reprises. On se souvient notamment des affrontements armés en 2020, le long de la frontière sino-indienne.

Ensuite, malgré la croissance économique rapide des BRICS, plusieurs pays du groupe ont ralenti de manière significative entre 2008, période qui marque le début de la coopération entre ces pays, et aujourd’hui. 

Hormis la Chine et l’Inde qui ont vu leur PIB réel par habitant à prix constants augmenter de 7 pour cent et de près de 4,5 % par an respectivement, la croissance russe a été inférieure à 1 pour cent, celle du Brésil n’a été que de 0,3 % et celle de l’afrique du sud s’est contractée de 0,2 %.

Comme on peut le voir, on est assez loin du discours trompeur consistant à opposer la croissance occidentale à la soi-disant croissance florissante et exponentielle des BRICS.

Et ce, d’autant plus que soit par volonté d’influencer les opinions, soit par méconnaissance, cela est omettre ce que l’on appelle l’effet de rattrapage.

Plus un pays atteint la maturité, plus faible devient la croissance lorsque l’on se focalise uniquement sur un taux, c’est-à-dire un pourcentage et donc, on est très vite tenté de penser que la croissance est morte 

Mais lorsqu’on fait attention, même une croissance de 2 pour cent sur un PIB de 20.000 milliards de dollars constitue un accroissement de richesse bien plus important qu’une croissance de 7 pour cent sur un PIB de 2.000 milliards de dollars.

De plus, bien que le groupe existe officiellement depuis 14 ans, il n'a pas réussi à apporter de changements significatifs. Les projets de création d'une nouvelle monnaie ont été discutés dès 2009, mais sans réel progrès.

En outre, cette ambition de concurrencer le dollar pourrait ne pas voir le jour avant de nombreuses années et ce, pour des raisons évidentes.

En effet, si le nombre de discussions et l’enthousiasme autour de l'idée de "dédollarisation" et de la formation d'une monnaie des BRICS, suggérant que divers pays se détachent du dollar américain, notamment chez les anti-yankees, en réalité, la faisabilité d'une monnaie des BRICS fait face à d'importants défis en raison de la structure économique et des déséquilibres au sein de cette alliance.

Si tout semble s’être accéléré suite à l’invasion russe de l’Ukraine, le gel des réserves russes et le resserrement de la politique monétaire de la part de la Réserve Fédérale, les avancées pourraient finir par stagner.

En effet, bien que l'idée d'une monnaie des BRICS ne soit pas impossible et séduit de nombreux individus, cela nécessiterait des ajustements économiques et politiques importants que ces pays pourraient ne pas être prêts à assumer.

Les économies des BRICS dépendent fortement des exportations pour leur croissance et se caractérisent par d'importants excédents de compte courant, avec des taux d'épargne intérieure élevés et une faible demande intérieure des consommateurs. Cela signifie qu'ils produisent plus de biens et d'épargne qu'ils ne consomment et doivent exporter l'excédent.

Les États-Unis, en revanche, enregistrent de larges déficits de compte courant, achetant essentiellement plus qu'ils ne produisent. Ce déséquilibre fait que les pays des BRICS dépendent des marchés occidentaux pour leur croissance et accumulent des réserves en dollars américains grâce à leurs exportations.

Ces réserves en dollars sont ensuite utilisées pour acheter des obligations américaines et maintenir leurs devises faibles par rapport au dollar, ce qui contribue à soutenir la croissance des exportations.

Si une monnaie des BRICS venait à émerger, cela nécessiterait que les économies des BRICS passent d'une politique axée sur les exportations à une politique axée sur la demande intérieure. 

Il s'agirait d'une transition difficile, comme en témoigne le cas du Japon, qui a connu d'importantes difficultés économiques lorsqu'il a tenté de passer d'une économie axée sur les exportations à une économie davantage orientée sur la demande intérieure après la signature de l'accord du Plaza en 1985, mettant un terme, par la même occasion, au miracle économique japonais.

Ainsi, au-delà de son acronyme, le terme BRICS n’a pas de sens économique utile. Il marie une superpuissance économique en Chine avec une puissance potentielle en Inde et trois exportateurs de matières premières essentiellement en stagnation depuis des décennies.

Loin d'être une zone monétaire optimale, les économies sont radicalement différentes en termes de commerce, de croissance et d'ouverture financière. 

La domination et l’influence de la Chine est d’autant plus grande qu'elle est un partenaire commercial clé pour les exportateurs de matières premières, dont les cycles industriels suivent clairement les flux et reflux du cycle de crédit chinois. 

C'est évident mais les intérêts stratégiques chinois ne sont pas spécialement alignés avec ceux des autres pays. 

Et après l'attaque contre l'Ukraine, l'influence financière de la Chine sur la Russie isolée s'est encore accrue et en cherchant à défier l'hégémonie américaine, les membres non chinois des pays du groupe risquent d'accroître leur dépendance vis-à-vis de Pékin.

Finalement, bien que pour le moment, les taux d’endettement publics et privés de cette alliance restent relativement faibles par rapport au pays développés, il ne faut pas oublier qu’une fois un certain niveau atteint, la dette devient la baguette magique préférée des décideurs politiques contre le ralentissement économique.

La Chine en est d’ailleurs un bon exemple puisqu’elle fait désormais partie des pays les plus endettés de la planète. 

En plus de ces défis, la question du vieillissement de la population et de la crise démographique se posera également pour l'alliance, considérant l'inversion de la pyramide des âges qui les affecte autant que les pays occidentaux, à l'exception de l'Afrique du Sud.

Il n’est donc pas osé d’affirmer que l’avenir des BRICS reste incertain. 

Avec la montée des tensions géopolitiques et les nombreux défis posés, le groupe pourrait être confronté à des pressions croissantes pour réformer ses politiques et améliorer sa gouvernance.

Seul l'avenir nous dira comment cette alliance évoluera et quel sera son impact sur la scène internationale. Quoi qu'il en soit, il est clair que le groupe continuera à jouer un rôle clé dans l'économie mondiale.

Les BRICS derniers savent pertinemment que s’ils ne venaient à ne commercer et à partager des informations et des ressources qu'entre eux, le ralentissement de la croissance économique mondiale serait presque certain. En outre, le repli sur soi pourrait compromettre la mondialisation qui a pourtant été le moteur de leur développement économique rapide.

BlackRock : une entité souvent aimée pour sa puissance et son efficacité, mais tout aussi souvent détestée pour son omniprésence et les polémiques qu'elle engendre. 

Le géant mondial de la gestion d'actifs, est un acteur qui ne laisse personne indifférent et dans le monde des affaires et des finances, l’entreprise a suscité de vives réactions, oscillant entre admiration et aversion. 

D'un côté, on l'admire pour son impact significatif, sa croissance fulgurante et sa capacité à proposer des solutions de placements toujours plus intéressantes.

De l'autre, on le critique souvent pour son influence démesurée dans l'économie mondiale et son rôle dans certaines controverses financières. 

Co-fondée en 1988 aux États-Unis, par Larry Fink, qui a passé 35 ans à en faire le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, cette entité qui était jusqu’à très récemment inconnue du grand public, fait régulièrement l’objet de controverses en plus d’être visés par certains manifestants au cours des différentes réformes des retraites.

Souvent présentés comme la main invisible du marché, certains estiment que le pouvoir de BlackRock est effrayant et que l’entité dirige littéralement le monde. L’entreprise est au cœur de tous les fantasmes. 

Et son pouvoir inquiète au moins autant que son influence grandissante au sein des banques centrales et des Etats. 

En effet, avec Vanguard et State Street, BlackRock possède des actions dans pratiquement toutes les grandes entreprises de la planète.

Qu’en est-il concrètement ?

BlackRock : le géant de l’ombre

Au cœur des mécanismes financiers mondiaux, se dresse BlackRock, une entreprise financière géante dirigée par Larry Fink. Sa présence discrète et omniprésente en a fait une actrice essentielle lors des crises majeures que l'économie mondiale a pu connaître jusqu’à présent. 

En effet, la saga de BlackRock commence en 2008, lorsqu’elle joue un rôle central dans le sauvetage d’entités à Wall Street, telles que Bear Stearns, AIG, Fannie Mae ou encore Freddie Mac, au cours de la crise financière. Sans appel d'offres concurrentiel, BlackRock se voit confier la lourde tâche d'analyser et de nettoyer le désordre financier, bien qu'elle soit elle-même un actionnaire principal des banques qu'elle aide à renflouer. 

Cet évènement propulse ainsi Larry Fink comme un homme ultra puissant propulsant par la même occasion son entreprise sur le devant de la scène.

12 ans plus tard, c’est-à-dire en 2020, en pleine pandémie de coronavirus, rebelote, la Réserve Fédérale choisit une nouvelle fois de faire appel aux services de BlackRock pour gérer son programme sans précédent d'achat d'obligations d'entreprises. 

Une fois de plus, la multinationale s’est retrouvée à renflouer des entreprises dont elle était actionnaire, consolidant ainsi le statut de Larry Fink comme un acteur puissant de l'économie post-pandémique.

Jusqu’à très récemment et pour beaucoup, le nom de BlackRock restait méconnu. Cette discrétion est le fruit de la stratégie de Larry Fink, qui a intentionnellement œuvré dans l'ombre pendant 35 ans pour faire de BlackRock le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, avec plus de 9.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion.

Aujourd'hui, l'entreprise gère des actifs variés allant de l’épargne retraite des individus sous forme de fonds de pension, jusqu'aux fonds souverains, en passant par des fonds de dotation universitaires ainsi que l’argent de millions d’investisseurs individuels, notamment au travers d’ETF qui représentent près de 65 pour cent des fonds investit chez le géant de Wall Street.

Pour se faire une idée, aux côtés de Vanguard et State Street, BlackRock possède plus de 80 pour cent de l’industrie des ETF ainsi que de nombreuses sociétés.

Apple, Microsoft, Google, Amazon, Pfizer, Pepsi ou encore Coca-Cola, BlackRock possède des actions dans toutes les entreprises les plus importantes et les plus influentes de la planète.

Pour mettre les choses en perspective, le bilan de la Réserve fédérale américaine n’est aujourd’hui “que” de 8.400 milliards de dollars !

La société est si puissante qu'elle est devenue une véritable machine à fantasmes, souvent qualifiée de "gouvernement fantôme" capable de changer le cours des événements et d'influencer le monde en fonction de ses intérêts.

Pourtant, Larry Fink reste une figure discrète, avec quelques apparitions occasionnelles chez certains médias. La preuve en est, en France, pratiquement personne ne le connaissait et la seule fois où le grand public a vraiment entendu parler de lui, c'était au sujet de la réforme des retraites, en 2019, qu'à en croire les rumeurs, il aurait lui-même piloté.

En tout cas, aujourd'hui, BlackRock est considérée comme l'institution financière la plus influente du monde, la plus grande banque de l'ombre et même l'entreprise qui possède le monde. 

Pourtant, lorsqu’au cours d'une interview avec Bloomberg, il lui était demandé s'il était vrai qu'il était l'homme le plus puissant de la finance, il répondait : “je ne me considère pas comme quelqu’un de puissant".

Ainsi, bien que BlackRock ne puisse pas imposer sa volonté, en tout temps et en tout lieu, il est évident que son influence reste considérable, et est plus forte que jamais. 

À chaque crise, le mastodonte qui pèse près de 10.000 milliards de dollars, en sort plus fort. Un tel niveau de contrôle est sans précédent dans l'histoire, lui conférant une influence significative.

L’ascension d’un géant

Si aujourd’hui, la société de gestion d’actifs est leader dans ce secteur, la voie du succès n'était pas tracée d'avance pour son PDG Larry Fink, bien au contraire.

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Avant de devenir ce qu’il est, Larry Fink a dû démontrer sa valeur et convaincre des clients répartis à travers le monde de lui confier leur argent.

Larry Fink avait 23 ans lorsqu'il a commencé à travailler à Wall Street en 1976. Submergé par les offres des meilleures banques d'investissement, il a choisi First Boston, où il a commencé à exercer dans le trading d’obligations, qui était alors un secteur plutôt tranquille. 

En l’espace de seulement trois ans, il s'est vu confier la direction d'une activité quasi inconnue jusqu’alors : la structuration et le trading de titres adossés à des prêts hypothécaires.

Au cours de la décennie suivante, Fink est devenu une sorte de légende à Wall Street et sera derrière la création du marché de la titrisation de dettes de plusieurs milliers de milliards de dollars transformant le visage de la finance. 

Jusqu’en 2008, ce marché, composé de prêts hypothécaires, de prêts à la consommation ou encore de prêts étudiants, achetés auprès des banques, puis découpés en morceaux, reconditionnés et vendus à des milliers d'investisseurs, contribuera à faire mettre l'économie mondiale à genoux. 

Néanmoins, avant qu'elle ne devienne incontrôlable, la titrisation était considérée comme une innovation incroyable.

Larry Fink était considéré comme un fin stratège et son intérêt pour la politique et son sens stratégique l'ont aidé à acquérir une réputation de véritable génie de l'investissement.

À seulement 31 ans, il est devenu le directeur général le plus jeune de l'histoire de First Boston, où il a contribué à l’augmentation d’environ un milliard de dollars au résultat net de l'entreprise. Son futur était tout tracé : il finirait par diriger la firme.

Sauf qu’en 1986, l'étoile montante s'est effondrée peu de temps après l'un de ses plus grands succès. Son département a perdu l’équivalent de 100 millions de dollars suite à une mauvaise décision : Fink pensait que les taux d'intérêt allaient augmenter alors que la fin des années 80 marquait justement la baisse des taux d’intérêt autour de la planète.

Presque du jour au lendemain, Fink est passé d’une star de Wall Street à plus rien : les gens ont cessé de lui parler dans les couloirs jusqu’à l’exclure purement et simplement, anéantissant sa réputation et provoquant ainsi son départ de l’entreprise.

Alors que cet évènement aurait pu marquer la fin d’une carrière pour un grand nombre de personnes, à 35 ans, Larry Fink s’était juré de ne plus jamais se retrouver dans une situation où il ne maîtriserait pas pleinement les risques qu'il prenait.

Ainsi, en 1988, Larry Fink, Robert Kapito, Susan Wagner, Barbara Novick, Ben Golub, et Keith Anderson créent BlackRock en tant que filiale de gestion d'actifs de BlackStone, qui avait été fondée un an plus tôt par Stephen Schwarzman et Peter Peterson. 

À l'origine, BlackRock était axée sur la gestion du risque et intervenait sur les marchés obligataires jusqu’en 1992, année durant laquelle BlackRock s'est séparée de Blackstone, en partie en raison des désaccords entre Fink et Schwarzman concernant la direction future de l'entreprise. 

BlackRock est ainsi devenue une entreprise indépendante, toujours dirigée par Fink, et a commencé à élargir ses services pour inclure l'ensemble du spectre de la gestion d'actifs.

À l’époque, l’ancien de la First Boston, comprend que les marchés financiers vont connaître une évolution rapide et une mondialisation croissante comprenant par la même occasion que la clé pour se distinguer dans cet environnement concurrentiel était de remporter la bataille de l'échelle, c'est-à-dire de réduire les frais de gestion.

Ainsi, des frais plus faibles allaient forcément attirer plus d’investisseurs, dans un contextes où les marchés financiers commençaient à se démocratiser.

Au cours des décennies suivantes, BlackRock a connu une croissance fulgurante, en partie grâce à une série d'acquisitions stratégiques, dont celle de la division de gestion d'actifs de Merrill Lynch en 2006, et surtout celle de Barclays Global Investors en 2009.

Alors que de nombreux acteurs sont balayés par l'effondrement des marchés, comme Lehman Brothers, Fink saisit l'occasion pour faire des achats parmi les ruines.

Les avantages de ces opérations furent immenses puisque, non seulement elle propulse BlackRock au rang de leader mondial du secteur, mais elle permet également au groupe de mettre la main sur iShares, l'un des principaux spécialistes mondiaux des ETF qui ne sont alors qu’à leurs balbutiements.

BlackRock deviendrait ainsi le roi des ETF, un instrument simple, peu cher et incroyablement efficace qui transforme l’entité en la "machine de guerre" que la plupart décrivent aujourd'hui.

Néanmoins, bien que la taille de BlackRock soit impressionnante, ce qui les distingue réellement de la concurrence, c'est leur plateforme logicielle appelée Aladdin : un superordinateur qu'ils utilisent pour leurs clients.

Aladdin : le vrai pouvoir de BlackRock

Avec 5.000 ordinateurs fonctionnant 24 heures sur 24, supervisés par une équipe d'ingénieurs, de mathématiciens, d'analystes et de programmeurs, la ferme d'ordinateurs de BlackRock surveille en permanence des millions de transactions quotidiennes et examine chaque titre dans les portefeuilles d'investissement afin d’améliorer la gestion des risques.

Aladdin qui l’acronyme anglais de "Asset, Liability, Debt, and Derivative Investment Network" est devenue LA plateforme informatique phare au cœur des opérations de BlackRock et a contribué à faire de la société un leader dans le domaine de la gestion d'actifs.

En effectuant des centaines de millions de calculs chaque semaine, Aladdin peut simuler tous les changements imaginables des taux d'intérêt et les fluctuations des marchés financiers.

BlackRock loue également l'accès à Aladdin à d'autres institutions financières, fournissant ainsi ses services tout en contrôlant les systèmes depuis son siège.

La clairvoyance de Larry Fink a ainsi permis à BlackRock d’être la première société comprenant l'importance de la technologie dans la finance. Au fil des années, Aladdin s'est développé et sa puissance n'a cessé de croître, au point que certains n'hésitent pas à le comparer aujourd'hui à une sorte de Google de la finance ouvrant les portes à BlackRock, jusque dans les ministères. 

Cet outil a ainsi joué un rôle clé, notamment en 2008, alors que le monde traverse une crise financière qui n'avait pas été vue depuis la Grande Dépression nécessitant l’intervention de Washington pour renflouer certaines entités à Wall Street.

En effet, la crise financière de 2008 a vu BlackRock jouer un rôle significatif en tant que conseiller pour plusieurs entités importantes. La Réserve fédérale a ainsi choisi BlackRock pour analyser et gérer plusieurs portefeuilles complexes d'actifs détenus par des institutions financières en difficulté dans ce qui sera connu comme les Maiden Lane Transactions.

Lorsque la banque d'investissement Bear Stearns a failli s'effondrer en mars 2008, la Fed a acquis un portefeuille d'actifs hypothécaires de 30 milliards de dollars que Bear Stearns détenait. BlackRock a été engagé pour gérer ce portefeuille, désormais connu sous le nom de Maiden Lane I.

Plus tard, à l'automne 2008, lors du sauvetage de l’assureur AIG par la Réserve fédérale, BlackRock a de nouveau été engagé pour gérer des portefeuilles d'actifs complexes liés à AIG. Ces portefeuilles, connus sous les noms de Maiden Lane II et III, contenaient des actifs d'une valeur de 130 milliards de dollars.

BlackRock a également été retenu par la New York Fed pour gérer son portefeuille de titres hypothécaires d'une valeur de 1,2 trillion de dollars.

Ces actions ont considérablement renforcé la réputation du géant de Wall Street en tant que gestionnaire d'actifs et ont contribué à solidifier sa position en tant que l'une des plus grandes firmes de gestion d'actifs du monde.

Et cela ne s'est pas arrêté là. 

En 2020, en réponse à la crise économique déclenchée par la pandémie de COVID-19, la Réserve fédérale a pris une série de mesures sans précédent pour stabiliser les marchés financiers. Une de ces mesures a été l'achat massif d'obligations d'entreprise, une démarche inhabituelle pour la Fed.

Aussi, pour faciliter ces achats, la Fed a retenu les services de BlackRock qui a été chargée de l'achat et de la gestion de ces obligations pour le compte de la Fed. 

Cette décision a suscité certaines controverses dans la mesure où BlackRock possédait également des obligations d'entreprise dans ses propres portefeuilles de gestion d'actifs.

L’influence réelle de BlackRock

Arrivé à ce stade, il serait évidemment malhonnête de refuser d’admettre que BlackRock ne jouit d’aucune influence au niveau mondial.

Néanmoins, il fréquent d'exagérer son influence ou son pouvoir.

Pour l’anecdote, BlackRock n’est même pas dans le top 50 des plus grandes entreprises américaines. Sa valeur boursière est de 100 milliards de dollars, soit 10 fois que l’argent qu’elle gère et elle vaut 4 fois moins que notre fleuron français LVMH.

L’oréal, Hermès, Dior, Total Energies ou encore Sanofi sont des entreprises qui pèsent plus que BlackRock !

De plus, BlackRock n’est pas une banque contrairement à ce que certaines personnes prétendent. Il s’agit d’un gestionnaire d’actif pour compte de tiers. Autrement dit, les près de 10.000 milliards de dollars que gère l'entité ne lui appartiennent pas et elle ne les investit pas comme bon lui semble afin d’influencer et menacer les gouvernements ou les entreprises.

En d’autres termes, les gestionnaires d’actifs ne sont pas des organisations contrôlées par des personnes louches dont le but est de contrôler le monde : ils n'ont de pouvoir que celui que les millions d’investisseurs leur donnent.

Et c’est effectivement là où les vrais risques surviennent notamment en ce qui concerne le risque de gouvernance en vertu de ce que l’on appelle l'actionnariat commun.

BlackRock, aux côtés de Vanguard et State Street détiennent d'énormes quantités d'actions dans de nombreuses entreprises à travers leurs différents fonds d'investissement. 

Aux États-Unis, la part des trois plus gros investisseurs institutionnels dans les entreprises du S&P 500, est passée de 5 pour cent en 1998 à environ 20 pour cent en 2017. 

Par conséquent, dans la mesure où lorsque l’on est actionnaire, l’on possède des droit financiers, c’est-à-dire le droit de toucher des dividendes, ainsi que des droits politiques, c’est-à-dire le droit de participer aux décisions prises par la société, les géants de Wall Street se sont automatiquement retrouvés dans une situation que l’on appelle de proxy voting ou vote par procuration en français.

Or, la plupart des investisseurs particuliers oublient bien souvent cela et donc, si pour eux, toucher des dividendes est une évidence, ils acceptent volontiers de déléguer leur droit de votes aux gestionnaires d’actifs.

Forcément, cela préoccupe certains responsables quant aux risques que suppose ce système notamment en ce qui concerne : 

1° La concentration des pouvoir : étant donné que BlackRock détient une si grande quantité de droits de vote, il est capable d’influencer les entreprises dans lesquelles il est présent,

2° Les conflits d’intérêt : dans la mesure où dans certaines situations BlackRock pourrait être tenté d'utiliser son pouvoir de vote pour soutenir des politiques qui sont bénéfiques pour lui, mais pas nécessairement pour ses investisseurs,

3° Ou encore la transparence : puisqu’il peut être difficile pour les investisseurs de savoir exactement comment le gestionnaire utilise ses droits de votes,

Néanmoins, il convient de noter que non seulement ces risque ne sont pas inhérents aux seuls gestionnaires d’actifs que sont BlackRock, Vanguard ou State Street et qu’ils s’appliquent donc à n’importe quel gestionnaire, État ou fonds souverain, mais, en plus, les géants de Wall Street ont commencé à donner à leurs investisseurs la possibilité de participer aux assemblées générale et ainsi reprendre le pouvoir de leurs droits politiques au travers du voting choice.

Tout cela, sans compter qu’en l’état actuel des études et des connaissances sur le sujet, aucun consensus ne se dégage sur l'effet global et les conséquences néfastes de l'actionnariat commun sur l'économie.

Une Réserve fédérale à la traîne qui lutte pour contenir l'inflation, une série de faillites bancaires et désormais une impasse politique sur la capacité du gouvernement à emprunter érodent le pouvoir des États-Unis sur l'économie mondiale et remettent grandement en question le statut de la puissance du dollar au niveau international. 

Ajoutons à cela le rejet massif du dollar de la part de certains pays dans les transactions internationales, notamment des BRICS, et nous avons là le cocktail parfait susceptible d’enclencher un déclin inéluctable de la puissance de la monnaie de l’oncle Sam.

Oui...Mais pas forcément …

Pourquoi ?

Le dollar dans une impasse : les signes de la dédollarisation mondiale

Pendant des décennies, le dollar américain a été le roi incontesté des devises mondiales, mais désormais des changements spectaculaires se produisent.

Les avertissements sur le déclin du prestige américain sont partout.

Il ne se passe pratiquement pas un jour sans qu'un pays n'annonce un mouvement progressif pour promouvoir l'utilisation de sa propre monnaie. 

La Chine, l'Inde et la Russie, entre autres nations, ont ravivé une conversation de longue date sur la dédollarisation comme moyen d'affirmer leur propre hégémonie, mais aussi comme une assurance contre les sanctions américaines telles que celles utilisées pour punir le président Vladimir Poutine d'avoir envahi l’Ukraine et d’isoler l'Iran après qu'il ait redémarré son programme d'armement nucléaire.

Ceux qui s'opposent avec le plus de véhémence à la politique monétaire américaine du dernier quart de siècle, et ils ont de nombreuses raisons de de s’y opposer, présentent la dédollarisation comme une conséquence inévitable de la dépréciation de la monnaie.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sujet devient éminemment politique.

Depuis plusieurs semaines, on entend de plus en plus insister sur le fait que le monde se dédollarise et d’ailleurs six signes sont particulièrement révélateurs : 

  1. Premièrement, les BRICS, qui représentent aujourd’hui plus de 40 pour cent de la population mondiale totale et près d'un quart du PIB mondial, travaillent main dans la main pour développer une nouvelle monnaie.
  2. Deuxièmement, deux des pays BRICS que sont la Chine et le Brésil, ont récemment conclu un accord qui, comme on peut le lire sur le site du gouvernement chinois, vise à :“Permettre à la Chine et au Brésil de mener directement leurs transactions commerciales et financières, en échangeant le renminbi contre du real et vice versa, au lieu de passer par le dollar”.
  3. Ensuite, troisièmement, les ministres des Finances des pays de l'ASEAN, c’est-à-dire l’association des nations de l'Asie du sud-est, ont discuté des efforts visant à réduire la dépendance à l'égard du dollar américain, de l’euro et du yen japonais.
  4. Quatrièmement, la Chine a réalisé son premier achat de gaz naturel liquéfié en renminbis avec l’entreprise français Total énergie.
  5. Cinquièmement, de nombreux pays, et notamment la Chine qui est le principal pays créancier vis-à-vis des États-Unis, ont largement réduit leur exposition au dollar américain en revendant d'énormes quantités de leurs réserves en dollars.
  6. Finalement, il convient de prendre en compte qu’en ces temps incertains, selon certains analystes, les piliers qui soutiennent le billet vert commencent à montrer des fissures dans la mesure où il devient de plus en plus difficile de considérer les États-Unis comme une économie dynamique et fonctionnant bien avec un système financier profond et solide, soutenu par un processus d'élaboration des politiques robuste avec des freins et contrepoids.

En effet, entre la Réserve fédérale à la traîne qui lutte pour contenir l'inflation, la récente série de faillites bancaires et désormais l’impasse politique sur la capacité du gouvernement à emprunter, il y a de bonnes raisons de vouloir abandonner le billet vert et tout semble indiquer que la dédollarisation a déjà commencé et que le statut hégémonique du dollar ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir …

Le mythe de la dédollarisation

Malgré tout ce que l’on entend sur la dédollarisation, la fin de l’hégémonie du billet vert ou encore le remplacement de la devise de l’oncle Sam par le renminbi chinois ou une devise des BRICS, jusqu'à présent, les données sont loin d'étayer de tels diagnostics ou pronostics. 

Il y a de cela quelques jours, les dernières données sur le pourcentages des transactions internationales réalisées en dollars ont été publiées et il s’avère que le billet vert était utilisé dans 42,7 pour cent des cas, soit onze points de pourcentage de plus que les transactions effectuées en euros, la deuxième devise la plus importante aujourd’hui. 

Cet écart n’avait plus été aussi élevé depuis le premier semestre 2020, lorsque, durant la pandémie, les marchés se sont massivement réfugiés dans le dollars en tant que monnaie de réserve. 

En outre, les autres devises sont encore très loin d’atteindre de tels niveaux : la livre dépasse à peine 6 pour cent, le yen 3 pour cent, et le renminbi ainsi que le dollar canadien 2 %.

La plupart des exportations mondiales sont facturées en dollars américains même entre des pays qui n’ont aucun lien avec les US.

Néanmoins, bien que la plupart des commentateurs et autres prédicateurs de la fin du dollar ont pour habitude de mettre en avant l’utilisation de monnaies alternatives pour la réalisation de transactions internationales afin de mettre en exergue une soit disante dédollarisation, en réalité, nous ne devrions même pas prêter attention au pourcentage des transactions effectués.

Non pas que ce nombre soit sans importance, mais simplement parce qu’une monnaie de transaction n’est pas synonyme de monnaie de réserve et inversement, une monnaie de réserve n’est pas synonyme de monnaie de transaction.

Au final, même si la Chine paie le Brésil en renminbi pour ses exportations, rien n'empêche le Brésil, dès qu'il encaisse le renminbi, de le revendre pour placer une partie de ses liquidités en dollars. 

Ce qui importe pour un actif de réserve, ce n'est pas tant le flux des paiements entre pays mais le stock que ces économies maintiennent dans leurs bilans.

En fait, de la même manière que ça n’a pas vraiment de sens de comparer le PIB à la bourse ou un revenu à un patrimoine, parler d’une diminution du nombre de transactions en dollars pour en arriver à la conclusion que le dollar en tant que monnaie de réserve touche à sa fin est hors de contexte.

Dans tous les exemples cités, cela revient à comparer un flux avec un stock.

Ce serait comme dire que l’or perd de son attractivité et son rôle d’actif de réserve est en désuétude sous prétexte qu’aujourd’hui, on ne l’utilise plus comme monnaie de transaction.

Il convient donc de bien appréhender une monnaie au travers de deux aspects que sont les transactions d’un côté et la réserve de l’autre.

Ainsi, si en tant que monnaie de transaction, l’on semble observer un semblant de concurrence, en tant que monnaie de réserve, il a encore moins de concurrents sérieux.

Fin de l’année dernière, près de 60% des réserves internationales étaient détenues en dollars tandis que l'euro représentait à peine 20% et 2,9% dans le cas du renminbi chinois.

D’ailleurs, paradoxalement, lorsque l'invasion de l'Ukraine par la Russie s'est produite, nous avons assisté à un afflux de dollars américains, car considérés comme la monnaie refuge et permettant d’acheter des actifs américains.

D’ailleurs, les actifs américains, comme les actions et les obligations, sont très populaires dans le monde, et les étrangers détiennent une part substantielle de ces mêmes actifs, ce qui crée une demande constante pour le dollar et donc un remplacement potentiel extrêmement difficile.

De plus, bien qu’il soit vrai qu'au cours des 25 dernières années, le poids du dollar dans les réserves totales a chuté, passant de 72 pour cent à 59 pour cent, plusieurs facteurs sont à prendre en compte :

1° Premièrement, la diminution des réserves en dollars s’explique par une diversification du portefeuille des banques centrales. 

En effet, ces dernières ont augmenté leur exposition à d’autres devises, notamment l’euro, la livre, le renminbi ainsi que le dollar canadien et le dollar australien. 

Autrement dit, cette baisse du poids du dollar dans le réserves de change des banques centrales internationales n'est pas allée de pair avec une appréciation d'une autre monnaie internationale qui viendrait mettre fin à l'hégémonie du dollar américain mais bel et bien de diversifier un portefeuille.

Même l'euro, qui est la deuxième monnaie la plus prisée par les banques centrales, représente à peine 20 pour cent du montant des réserves : un différence de près de 40 points de pourcentage !

Autrement dit, parler d’une dédollarisation en faveur de la devise chinoise comme monnaie de réserve, dans un contexte où le dollar écrase le renminbi en maintenant une distance de 57 points de pourcentage est malhonnête et n’a pas de sens.

Pour garder une certaine logique et conserver les ordres de grandeur, les personnes soutenant ce discours, devraient donc mécaniquement déduire qu’aujourd’hui la dédollarisation se fait en faveur de l’euro, dans un contexte où le différentiel entre le billet vert et le billet bleu est bien moindre.

2° Ensuite, il convient également de prendre en compte le fait que les réserves des banques centrales ne représentent pas nécessairement fidèlement l’état des réserves mondiales.

En effet, les réserves de banques centrales de certains pays affichant régulièrement une balance commerciale excédentaire, ont progressivement été substituées par des réserves de fonds souverains.

3° Finalement, contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, en réalité, la part du dollar dans les réserves n'a en fait pas changé du tout en 2022.

En effet, pour avoir une représentation fidèle de la réalité, il convient d’ajuster les données aux variations de la valorisation du marché obligataire américain liés à la hausse des taux d’intérêt.

De ce fait, dans la mesure où les taux d’intérêt ont bien plus augmenté aux US que dans le reste des pays, mécaniquement, cela donne l’impression qu’il y a eu des ventes massives de réserves en dollars.

Cela est logique dans la mesure où, comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, il existe une relation inverse entre la valeur d’une obligation et la variation des taux d’intérêt.

On voit bien comment les achats totaux de dettes américaines au cours de 2022 ont en fait atteint des niveaux records malgré une diminution de la valeur des réserves.

L’absence d’alternative sérieuse

Aujourd’hui et en l’état actuel des choses, il n’est pas osé de reconnaître qu’il n’existe pas d’alternative sérieuse au dollar américain.

La raison est qu'aucune économie, au niveau international, n'est actuellement capable de combiner les trois éléments absolument nécessaires pour faire de sa monnaie une monnaie de réserve que sont : la taille, la solvabilité et la liberté financière d’une économie. 

1° S’il est vrai qu’il existe des économies très solvables et libres, comme la Suisse, ces dernières ne sont pas suffisamment grandes, de sorte qu'elles ne peuvent pas fournir au monde l'énorme quantité de monnaies nécessaires. 

2° De la même manière, s’il est vrai qu’il existe de très grandes économies solvables, celles-ci ne sont pas libres, comme la Chine, de sorte qu'elles ne peuvent pas fournir au monde un actif monétaire qui puisse être utilisé librement au travers des frontières.

En effet, il serait osé de prendre la Chine comme exemple de paradis de liberté économique.

D’après les deux rapports les plus sérieux sur le sujet, que sont le “Index of Economic Freedom” et le “Economic Freedom of the World”, la Chine est classée en 154ème position sur 176 pays.

Pire encore, si on entre un peu plus dans les détails, le pays obtient la 9ème et 11ème pire note en termes d’ouverture financière et de liberté d'investissement respectivement.

3° Finalement, s’il est vrai qu’il y a des économies relativement grandes et libres, ces dernières souffrent de problèmes de solvabilité, comme cela est le cas avec la zone euro et sa menace d’implosion à tout instant, compte tenu de la disparité entre les différentes économies composant cette union et le risque de fragmentation, notamment entre le nord et le sud, de sorte qu'elles ne peuvent pas fournir au monde un actif monétaire suffisamment fiable. 

Le dollar n'a donc tout simplement pas de rival en tant que monnaie mondiale. 

Peut-être qu'à l'avenir, si des changements majeurs apparaissent dans certaines économies, notamment au travers de la libéralisation du contrôle des capitaux en Chine ou une unification fiscale au sein de la zone euro, alors, effectivement les États-Unis auront du souci à se faire.

Mais aujourd’hui, cela n’est clairement pas le cas et seul l’aveuglement, la démagogie ou l’idéologie  peut faire dire le contraire.

En outre et pour couronner le tout, il ne faut pas oublier qu’il y a aujourd’hui des quantités considérables de dettes libellées en dollars.

La dette extérieure libellée en dollars est tout simplement gigantesque démontrant par la même occasion l’absence de dédollarisation.

Les entités en dehors des États-Unis ont accumulé près de 13.000 milliards de dollars de dette libellée en dollars.

Pour se faire une idée, le bilan de la Réserve fédérale américaine est actuellement estimé à environ 8.500 milliards de dollars,tandis que la masse monétaire totale aux US est de près de 21.000 milliards de dollars.

Autrement dit et pour faire simple, pour casser le système et dédollariser l’économie mondiale, il faudrait désendetter le système d’un montant de 12.000 milliards de dollars.

On le voit, les créances et les dettes mondiales sont beaucoup plus susceptibles d'être réglées en dollars américains que dans d'autres devises :

La réalité, c’est que davantage de pays souhaitent régler des transactions et également financer leurs dettes en dollars plutôt qu'en euros ou quelque soit la monnaie, et la différence est assez importante.

Tout cela suggère donc que le démantèlement de la suprématie du dollar prendrait très, très longtemps si cela se produisait et le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale ne changera pas de sitôt. 

Encore une fois, évidemment, rien n’est éternel.

Si par exemple la Chine continue de croître, et ouvre son économie, et si la polarisation de l'empire américain inquiète davantage sur sa stabilité politique, alors le dollar pourrait, à terme, perdre son statut de monnaie hégémonique. 

Pour le moment, et à moins d'une implosion économique et politique aux États-Unis, le dollar conservera son statut pendant un certain temps. 

La pandémie de coronavirus ne semble être plus qu’un lointain souvenir. 

Et pourtant … 

Alors que ce monde nouveau, qui nous était promis, n’a visiblement toujours pas pointé le bout de son nez, Big Pharma fait de nouveau parler de lui. 

En effet, à l’heure de la publication des résultats financiers des sociétés pour le premier trimestre de cette année 2023, plusieurs données pourraient bien entâcher la réputation de nos sociétés pharmaceutiques préférées. 

Si le système de santé américain rayonne au niveau mondial pour son inefficacité et ses services hors de prix, il est également à l’origine du plus grand secteur pharmaceutique de la planète. 

Un secteur d’activité qui semble avoir profité de la situation connue au cours des dernières années et qui, semble-t-il, n’est pas prêt de terminer. 

Qu’en est-il concrètement ?

Pourquoi le système de santé américain est-il si mauvais ?

Big Pharma refait parler de lui 

La vache à lait de l’industrie pharmaceutique.

C’est ainsi que l’on pourrait définir le marché américain !

En effet, pour se faire une idée, aux États-Unis, les médicaments prescrits sur ordonnance coûtent en moyenne 2,56 fois plus chers que dans d'autres pays, autour de la planète.

C’est ce qu’il en ressort d’une étude intitulée “International Prescription Drug Price Comparisons” et qui vise, comme son nom l’indique, à comparer les prix des médicaments vendus aux États-Unis par rapport aux prix des médicaments vendus dans d’autres pays.

Comme on peut le voir sur ce graphique, quelque soit le pays étudié, en comparaison, les prix des médicaments vendus aux États-Unis sont systématiquement plus élevés que les mêmes médicaments vendus dans d’autres pays.

À titre d’exemple, tandis que les prix des médicaments américains sont 1,7 fois plus élevés qu’au Mexique, ils sont 7,7 fois plus élevés qu’en Turquie.

Lorsque l’on tire une moyenne, on se rend compte qu’ils sont 2,6 fois plus élevés que le reste du monde.

Or, cette différence de prix ne s’explique pas par une qualité différente dans les médicaments administrés et prescrits puisqu’encore une fois, il s’agit de comparer les prix d’exactement les mêmes médicaments.

D’ailleurs, phénomène paradoxal, mais qui vient confirmer ces données, en 2018, les ventes de médicaments aux US totalisaient un montant de 464 milliards de dollars sur un montant total, au niveau mondial, de 795,2 milliards de dollars.

Autrement dit, le marché américain à lui seul, représentait plus de 58 pour cent des ventes réalisées par Big Pharma.

Pourtant, dans le même temps, si l’on se focalise sur l’aspect volume, seules 243 milliards d’unités de médicaments avaient été vendues aux États-Unis pour 1.016 milliards d’unités autour de la planète.

Cela signifie que seulement 24 pour cent du volume provient des US.

En comparaison, le volume de vente au Japon était à peu près similaire puisqu’il était de 21 pour cent, alors même que le marché nippon ne représentait que 9,2 pour cent des ventes réalisées par Big Pharma.

On observe donc un déséquilibre énorme dans le rapport prix / volume aux États-Unis par rapport au reste des pays et aucun ne lui arrive à la cheville.

La conclusion que l’on en retire de ces données c’est que, si les États-Unis n’est pas le pays où les entreprises pharmaceutiques vendent le plus, puisque seules 24 pour cent de leur produits y sont commercialisés, en revanche, il s’agit du pays où elles vendent le plus cher, puisqu’elles réalisent plus de 58 % de leur chiffre d’affaires.

C’est en ce sens que les États-Unis sont clairement la vache à lait de Big Pharma.

Néanmoins, phénomène étrange, alors même que le marché américain est celui qui rapporte le plus aux sociétés pharmaceutiques, ces mêmes sociétés déclarent ne réaliser pratiquement aucun bénéfice sur leurs ventes réalisées aux États-Unis.

Comment Big Pharma se rempli les poches

Les années 2021 et 2022 ont été des années exceptionnellement rentables pour Big Pharma. Il va sans dire que la pandémie de coronavirus et la vente de vaccins ont joué un rôle prépondérant dans cette capacité à engranger d’énormes bénéfices.

Par exemple, Pfizer, qui est sans aucun doute LA société pharmaceutique par excellence, puisque la plus grande au monde, et qui a fait grandement parler d’elle au cours de la période morose que nous avons vécu, d’après la publication de ses derniers résultats, en 2022, le chiffre d’affaire total de l’entreprise s’est élevé à 100 milliards de dollars. Sur ces 100 milliards de dollars, 37,8 milliards de dollars et près de 19 milliards de dollars, soit 56,8 milliards de dollars provenaient du Comirnaty et du Paxlovid respectivement, c’est-à-dire un vaccin et un médicament contre le covid-19.

Autrement dit, plus de 56 pour cent du chiffre d’affaires de l’entreprise était tiré par la vente de médicaments liés au coronavirus.

Si l’on se focalise sur les six plus grandes compagnies pharmaceutiques américaines que sont Pfizer, Johnson & Johnson, Merck, Abbvie, Bristol Myers ainsi qu’Amgen, on observe que sur les 385 milliards de dollars de revenus touchées par Big Pharma, 214 milliards de dollars proviennent des États-Unis, tandis que 171 milliards de dollars proviennent de l’étranger.

Pourtant, dans le même temps, les bénéfices réalisés aux États-Unis ne s'élèvent qu’à 10 milliards de dollars contre 92 milliards de dollars dans le reste du monde.

Autrement dit, curieusement, la plupart des ventes réalisées par Big Pharma se font au pays de l’oncle Sam mais, dans le même temps, les bénéfices proviennent majoritairement du reste du monde.

Ce phénomène est d’autant plus marquant que ce même schéma de faibles bénéfices américains par rapport au chiffre d’affaires américains se répète année après années :

En revanche, au cours de la même période, de nombreuses grandes sociétés pharmaceutiques américaines ont régulièrement déclaré des bénéfices étrangers importants par rapport à leurs revenus étrangers.

Une telle tendance est d'autant plus frappante que, comme vu précédemment, les États-Unis sont bien connus pour avoir les prix des médicaments les plus élevés au monde. 

Par conséquent, il est très curieux que la majeure partie de l'industrie pharmaceutique américaine peine à gagner de l'argent sur ses opérations aux États-Unis alors qu’elle vend au prix fort, tout en faisant état de bénéfices importants dans des pays où les prix sont bien plus bas. 

Du coup, la question que l’on peut se poser est : comment les géants pharmaceutiques font-ils cela ? 

La réponse est on ne peut plus simple !

En fait, Big Pharma a mis en place différentes stratégies permettant d’optimiser ses bénéfices au travers de deux mécanismes : 

1° Le premier mécanisme a trait au transfert de bénéfices.

Il faut savoir que l’économie américaine est de plus en plus une économie du savoir, dans laquelle une grande partie des investissements des entreprises implique des dépenses de propriété intellectuelle plutôt que des dépenses d’équipements ou dans des usines.

Ainsi, si les sociétés pharmaceutiques américaines sont connues dans le monde entier pour leur esprit d'innovation, en réalité, elles ne fabriquent pas leurs produits les plus importants aux États-Unis. 

Au contraire, bon nombre de leurs médicaments protégés par des brevets sont créés en dehors des États-Unis, dans des juridictions à faible fiscalité.

De cette manière, le brevet déposé par la filiale étrangère est ensuite vendu à la société américaine au prix fort ce qui vient, comme par magie, gommer les bénéfices réalisés aux states.

Je m’explique :

Admettons qu’une filiale de Pfizer en Irlande dépose un brevet valorisé à 100 dollars et que l’entreprise réalise un bénéfice de 120 dollars aux États-Unis.

Si rien n’est fait, Pfizer devra payer 21 pour cent d’impôts sur les 120 dollars de bénéfices, soit 25 dollars 20.

En revanche, si Pfizer réalise un transfert de bénéfices, il suffit que la filiale irlandaise vende le droit d’utiliser le brevet à l’entité située aux États-Unis, ce qui vient diminuer de 100 dollars le bénéfice de Pfizer.

Désormais, comme par magie, Pfizer enregistre un bénéfice de 20 dollars aux États-Unis et les 100 dollars restants sont enregistrés en Irlande, pays particulièrement attractif du point de vue fiscal puisque le taux d’imposition des sociétés se trouve à 12,5 pour cent.

De cette manière, Pfizer paiera 21 pour cent d’impôt sur 20 dollars, soit 4 dollars 20, et 12,5 pour cent d’impôts sur les 100 dollars restants, soit 12,5 dollars.

L’impôt total s’élève désormais à 16 dollars 70 contre 25 dollars 20 dans la première situation. Autrement dit, par ce simple mécanisme, l’entreprise a réduit son taux d’imposition de 21 pour cent à moins de 14 pour cent.

On voit donc comment, au travers de cette stratégie, une partie des bénéfices disparaît d’un pays avec des taux de taxation élevés pour réapparaître ailleurs, où la taxation est plus faible. 

C'est le schéma qui ressort d'un examen systématique des rapports financiers annuels des principales sociétés pharmaceutiques américaines cotées. Dans ces rapports, les entreprises détaillent généralement les raisons pour lesquelles leur taux d'imposition réel diffère du taux global de 21 pour cent. 

Ce phénomène est particulièrement répandu dans l'industrie pharmaceutique et des grandes technologies, où les brevets sont les principaux actifs des entreprises ce qui permet de mettre en place très facilement ce petit jeu fiscal.

Alors que les usines et les immeubles de bureaux ont des emplacements spécifiques, la propriété intellectuelle réside à peu près partout où une société déclare résider. Par exemple, si Apple décide d'attribuer une grande partie de sa propriété intellectuelle à sa filiale irlandaise, personne n'est actuellement en mesure de l’en empêcher.

Comble de l’ironie, l’entreprise AbbVie qui est connue pour transférer systématiquement la quasi-totalité des bénéfices de ses médicaments protégés par brevet hors des États-Unis a enregistré une perte de 5 milliards de dollars aux États-Unis en 2022 et, dans le même temps, son bénéfice étranger s’est élevé à 18 milliards de dollars.

D’ailleurs, depuis 2013, cette entreprise enregistre des pertes aux États-Unis et des bénéfices dans le reste du monde alors même que 75% de son chiffre d’affaires est réalisé aux États-Unis.

Pfizer reconnaît d’ailleurs en tout petit dans une note de bas de page, parmis les 159 pages de son rapport annuel que : 

“Au cours de toutes les années, la réduction de notre taux d'imposition effectif est le résultat de la localisation juridictionnelle des bénéfices et est largement due aux taux d'imposition inférieurs dans certaines juridictions, ainsi qu'à la fabrication et à d'autres incitations pour nos filiales à Singapour et, dans une moindre mesure , à Porto Rico”.

2° Ensuite, le second mécanisme a trait à la réduction d’impôt sous l’ère Trump en vertue du Tax Cuts and Jobs Act de 2017.

À la base, cette réduction d'impôt des sociétés sur les bénéfices, de 35 pour cent à 21 pour cent, partait de la prémisse selon laquelle le taux d'imposition, particulièrement élevé aux États-Unis, provoquait des mouvements de capitaux à grande échelle à l'étranger. 

Or, cette fuite des capitaux des entreprises se basait sur des statistiques erronées. 

Il faut savoir que, lorsque l’on parle d'investissements étrangers,  il en existe deux types : les investissements directs étrangers et les investissements non directs, on parle aussi d’investissements de portefeuille.

Tandis que les investissements directs étrangers impliquent le contrôle de filiales étrangères, les investissements de portefeuille impliquent les achats d'actions et d'obligations.

Or, le Fonds Monétaire International estime que près de 40 pour cent des investissements directs étrangers sont en fait des investissements "fantômes" motivés par l'évasion fiscale et qui ne correspondent pas à de l’investissement à proprement parler.

Il n'est donc pas surprenant que la réduction d'impôt n'ait jamais produit le boom des investissements promis. 

De plus, une mauvaise rédaction de la loi fiscale de 2017 concernant le Global Intangible Low-Taxed Income, aussi connu sous son acronyme GILTI, que l’on pourrait traduire par “Revenu incorporel mondial à faible imposition” a fini par inciter les entreprises à déplacer leur production réelle ainsi que les bénéfices déclarés à l'étranger.

Les multinationales américaines déclarent gagner 325 milliards de dollars dans sept juridictions à faible taux d'imposition, que sont les Bermudes, les îles Caïmans, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Singapour et la Suisse, et seulement 50 milliards de dollars dans sept des plus grandes économies du monde que sont la Chine, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Italie, le Japon et l’Espagne.

Comble de l’ironie, désormais, les États-Unis importent environ 200 milliards de dollars de produits pharmaceutiques tout en exportant environ 101 milliards de dollars de ces mêmes produits. 

D’ailleurs, si les exportations pharmaceutiques américaines ont augmenté pendant la pandémie, cela s’explique par une augmentation de la production américaine de vaccins contre le covid dans le cadre de contrats passés avec le gouvernement américain qui nécessitaient une production nationale, sans quoi, le déficit commercial en matière de produits pharmaceutiques continuerait de se creuser. 

De ce fait, si l’on exclut les vaccins des données, les États-Unis importent désormais un peu plus de 150 milliards de dollars de produits pharmaceutiques, tout en exportant un peu moins de 60 milliards de dollars : les importations ayant presque doublé depuis l'adoption de la loi fiscale de 2017.

Or, curieusement, comme on peut le voir, les principales sources d'importation sont l'Irlande, la Suisse et Singapour, avec des importations croissantes en provenance de pays comme la Belgique, qui offrent tous des régimes fiscaux spéciaux aux sociétés pharmaceutiques.

On peut donc clairement dire que les États-Unis génèrent l'essentiel du chiffre d’affaires des sociétés pharmaceutiques américaines, en grande partie parce que les Américains paient leurs médicaments aux prix les plus élevés au monde.

Du coup, arrivés à ce stade, on peut tout naturellement se demander pourquoi les prix aux US sont si élevés et pourquoi le système de santé est de si piètre qualité.

En règle générale, on estime que moins de 5 pour cent des personnes parviennent à obtenir juste à toutes les questions de ce test pourtant très simple !

Si vous n’y avez pas encore participé, c’est LE moment !

Le lien se trouve en description de la vidéo et je vous invite à mettre votre score en commentaire par la suite pour comparer les résultats et voir qui parvient à faire un sans faute !

Big Pharma VS Big State

Lorsqu’il s’agit de comparer les systèmes de santé autour de la planète, le cas des États-Unis, en tant que modèle d'inefficience, vient rapidement à l'esprit. 

En effet, les États-Unis ne disposent pas d'un système de santé publique à l'européenne du type Beveridgien, comme en France, où c'est l’État qui est chargé de fournir les services de santé en échange du paiement des impôts, ou du type bismarckien, comment en Allemagne ou en Autriche, où l'État oblige les citoyens à contracter une assurance contrôlée et réglementée.

En ce sens, le soi-disant modèle “privé” américain est souvent décrié. 

Pourtant, il n’en est rien …

Les États-Unis dépensent 18 pour cent de leur PIB dans leur système de santé, soit près du double par rapport à la plupart des pays développés, sans pour autant que la santé américaine soit meilleure.

Au contraire, tous les indicateurs montrent que l’oncle Sam est à la ramasse.

De plus, tout est fait pour faire exploser les prix !

1° Du côté de la demande, contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, en réalité, les Américains ne paient pratiquement rien de leur poche.

Il faut savoir que durant la Seconde Guerre mondiale, le Président Franklin Roosevelt a décidé de geler les salaires, en vertu de la loi de stabilisation de 1942.

À cette époque, les entreprises luttaient pour faire face aux pénuries de main-d'œuvre en temps de guerre et le gel des salaires les a laissées dans une grave impasse : comment attirer ou garder les travailleurs en poste si elles ne pouvaient pas accorder d'augmentations ?

Ainsi, au lieu d'offrir des salaires plus élevés, les entreprises se sont mises à les attirer en leur proposant des assurances santé.

Double avantage, non seulement ces dépenses de la part des entreprises étaient déductibles des bénéfices des entreprises et, en plus, elle n’étaient pas considérées comme une augmentation de salaire, à une époque où le taux de taxation pouvait dépasser les 90 pour cent.

En outre, après la fin de la guerre, les syndicats considéraient l'assurance maladie comme un élément essentiel du contrat de travail généralisant l'assurance à des millions d'Américains. 

Avec la généralisation de ce système, les salariés n’avaient donc plus besoin de dépenser beaucoup d’argent pour leur couverture médicale.

C’est d’ailleurs ce qu’il en ressort des statistiques puisque seuls 10 pour cent des coûts médicaux sortent de leur poche, tandis que 90 pour cent des dépenses de santé passent par deux agents autres que le patient lui-même : les assureurs privés et/ou l'État, au travers de Medicare et Medicaid.

Aujourd’hui, pour 100 dollars dépensés en soins de santé aux États-Unis, globalement, 45 dollars sont payés par les assureurs et entités privées, 45 dollars sont payés par les programmes d'État Medicaid et Medicare, et seulement 10 dollars par le patient de sa propre poche. 

En d'autres termes, les Américains peuvent dépenser 100 dollars en assumant un coût de 10 dollars.

Ainsi, les 90 dollars restants sont payés soit par le gouvernement, soit par l’assurance.

Sauf que, cette socialisation des coûts s’est avérée être contre-productive et fut donc la meilleure manière de faire exploser les prix.

C’est comme si un groupe de 100 personnes se rendant dans un restaurant étoilés se mettait d’accord pour que chaque convive paie un pour cent de l'addition, peu importe ce qu'il mange.

Dans un tel cas de figure, chaque individu aura tendance à commander les plats les plus chers, sachant que, de toute manière, il ne paiera qu’un pour cent de l’addition et l'essentiel des frais sera payé par les 99 personnes restantes.

Eh bien il en va de même en médecine. Cela pousse à l’utilisation des dernières technologies, la consultation de médecins spécialistes et des médicaments les plus chers, sachant que de tortue manière d’autres paieront l’addition.

Le système de santé européen, et notamment français, lui, ne souffre pas de ce problème dans la mesure où c'est le gouvernement qui fixe les dépenses, les coûts et les services médicaux.

Ainsi, au lieu de souffrir d’une augmentation des coûts de santé, nous avons préféré opter pour une dégradation continue de la qualité des services, une pénurie de médecin mal rémunéré et des listes d’attente à ne plus en finir.

Au lieu d’impacter le facteur prix, c’est le facteur qualité qui s’est réduit.

Pour reprendre la métaphore précédente, c’est comme si nous nous rendions dans un restaurant et au moment de choisir, le serveur nous informe que la quantité et la qualité des produits qu’il nous est possible de choisir sont limitées et qu’il faudra patienter un long moment pour être servi.

2° En outre, du côté de l'offre, la concurrence au sein de la profession médicale est extrêmement faible dû à un système similaire au numerus clausus réduisant le nombre de docteurs et rendant ainsi le marché particulièrement concentré : 

De plus, les Américains bénéficient d’un traitement médical qui se caractérise par un recours accru à des médecins spécialistes au détriment de médecins généralistes puisqu’encore une fois, le coût n’est pas assumé par le patient.

Et cela se traduit par une très grande disproportion entre le nombre de spécialistes et le nombre de médecins généralistes.

À cela, convient également de prendre en compte ce que l’on appelle la “médecine défensive” qui s’est développée dans les années 70 à cause de la judiciarisation des soins.

Or, “ce type de médecine est une médecine de l’évitement dans laquelle la préoccupation des médecins consiste davantage à se prémunir contre le risque judiciaire qu’à dispenser des soins appropriés à leurs malades. Elle est aussi une médecine plus coûteuse qui conduit les médecins à prescrire des examens complémentaires le plus souvent inutiles, mais destinés, en cas de problème, à prouver aux juges qu’ils n’ont pas été négligents”.

Cette augmentation brutale des prix rend ainsi l'accès aux soins de santé souvent prohibitif en l'absence d'emploi et les classes les plus basses sont celles qui en subissent les effets : ceux qui sont à l'intérieur du système obtiennent une magnifique couverture au détriment de ceux qui sont à l'extérieur.

On comprend donc que l’explosion des coûts de santé aux USA et l’optimisation des bénéfices par les entreprises pharmaceutiques, comme présenté en début de vidéo, est ainsi devenue une aubaine pour Big Pharma.

Une nouvelle fois, on observe comment le gouvernement de connivence avec le secteur pharmaceutique porte préjudice aux citoyens qui finissent par payer les pots cassés.

Comme toujours, l’enfer est pavé de bonnes intentions …