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Le contexte géopolitique international en ce début d’année 2023 joue incontestablement sur les prix du pétrole et donc, par voie de conséquence, sur les prix affichés par les stations-services.

Entre les tensions internationales qui restent grandes, la réouverture de la Chine susceptible de faire monter la demande mondiale de produits pétroliers, l’entrée en vigueur de l’embargo sur le gazole russe ou encore la fin de la ristourne sur le carburant depuis le premier janvier, c’est le portefeuille des automobilistes qui pourrait bien en pâtir. 

Comme si cela ne suffisait pas, désormais, c’est la réforme de la retraite qui est susceptible de provoquer une énième grève dans les raffineries.

Pourtant, curieusement, l’on assiste actuellement à un phénomène particulièrement intéressant ! 

Alors que le prix du baril de pétrole brent, c’est-à-dire le pétrole brut de référence en Europe, a perdu près de 30 % sur les marchés.

Dans le même temps, les prix à la pompe poursuivent leur hausse après un léger repli en cours d’année. 

De plus, le prix du gasoil est désormais pratiquement à égalité avec le prix de l’essence alors même que l’essence était censée être vendue à un prix plus élevé.

Qu’est-il en train de se passer ? Quelles sont les explications de telles situations ? Quelles pourraient être les conséquences de l’embargo qui est sur le point d’entrer en vigueur ?

Évolution des prix du pétrole

Afin d’expliquer les différentes situations que nous vivons actuellement, plusieurs données et erreurs de raisonnement peuvent être mises en avant.

En effet, la plupart du temps, les personnes un petit peu versées dans le thème des matières premières, ont tendance à expliquer la fluctuation des prix à la pompe au travers de l’évolution de l’indicateur de référence pour le pétrole Européen qu’est le pétrole brent !

Il s’agit d’un automatisme : si les prix de marché montent alors, tout naturellement, cela doit se répercuter sur les prix affichés par les stations services et inversement si les prix baissent.

Pourtant, ce raisonnement, qui semble logique de prime abord, n’est évidemment pas mécanique… 

En effet, si l’on se focalise sur l’évolution du prix du pétrole brent, on se rend compte qu’effectivement, le pétrole a connu un pic au cours de l’été 2022 avec une jolie correction sur les derniers mois de l’année.

Pourtant, ce graphique est trompeur étant donné que, nous, citoyens européens faisant partie de la zone euro, nous utilisons des euros et non des dollars. De ce fait, dans la mesure où les importations se font en grande partie en dollars, comme nous l’avons vu dans un précédent article, la fluctuation des devises, est susceptible d’exacerber la hausse du prix de l’or noir.

En effet, l’euro s’étant cassé la figure et étant tombé sous la parité en 2022, il est logique que les prix du pétrole nous soient revenus plus cher. Aujourd’hui, l’euro s’est bien apprécié, bien qu’il reste légèrement au-dessus de la parité avec le dollar.

Ainsi, alors qu’en 2008, avec 1 €, il m’était possible de recevoir en échange 1,50$, aujourd’hui, avec ce même euro, je ne reçois plus qu’environ 1 $.

On comprend donc que, non, il est faux de penser que les fluctuations du marché vont automatiquement venir impacter les prix à la pompe. Jeter un coup d'œil aux graphiques quotidiennement pour tenter de prédire les prix à la station-essence n’est qu’une analyse partielle de la réalité économique.

Malgré tout, cela n'explique pas la totalité de la hausse des prix des carburants à la pompe.

Non seulement parce que, certes l’euro a repris de la valeur entre temps et le prix du pétrole lui, est en baisse, mais surtout et avant tout parce que la hausse des prix à la pompe est bien plus grande par rapport à la hausse du prix du baril, même en prenant en compte l’appréciation de l’euro.

Les prix à la pompe prêt à s'envoler

On comprend donc qu’il existe évidemment des raisons supplémentaires susceptibles d’expliquer cette différence d’évolution des prix.

Plusieurs raisons expliquent cela : 

1) Prix de marché vs prix affichés aux stations

Il convient de rester conscient que, tandis que les prix affichés par les marchés fluctuent tous les jours, les prix affichés par les stations sont plus rigides et fluctuent en moyenne tous les 4 jours d’après la Banque de France. 

Il est donc normal d’observer un léger retard d’ajustement des prix. A cela s’ajoute l’évolution du taux de change euro/dollar.

2) Les taxes

Ensuite, il faut savoir que les prix affichés sont TTC c’est-à-dire Toutes Taxes Comprises. Or, cela n’est un secret pour personne, le France est le troisième pays avec les droits d’accises les plus élevés en Europe après le Royaume-Unis et l’Italie. 

Le montant de taxes dans un litre de gasoil est en hausse constante, les fluctuations s’expliquant notamment par la TVA : le montant récolté sera d’autant plus grand que les prix augmentent.

Les stations-essences sont en réalité une incroyable manne financière pour l’État ! On paye plus de taxes que de produit lui-même, ce qui représente en fait une imposition supérieure à 100 % !

Après avoir poussé massivement les gens à se détourner de l’essence afin de les inciter à opter pour les moteurs diesel, à partir de 2015, le gouvernement a décidé de diminuer l'avantage consenti au gasoil. Ceci est passé par l’augmentation de la TICPE, c’est-à-dire la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques.

Devant le furie des gilets jaunes, excédés, l'augmentation de ces taxes a été gelée fin 2018.

Sur ce graphique, les courbes en pointillés rappellent le plan initial d'augmentation. On observe malgré tout une forte diminution de l'avantage du gasoil par rapport au Super sans Plomb et pour l’avenir rien ne nous garantit que le gouvernement ne sera pas tenté de revenir sur ces augmentations.

Il faut savoir que le prix du carburant intègre deux composantes principales : le coût afférent au pétrole lui-même ainsi que la fiscalité.

Le coût du produit pétrolier 

Le coût du produit pétrolier est composé du coût d’achat du pétrole brut, du coût du raffinage permettant de transformer le pétrole en carburant et finalement, du coût de stockage, de transport et de distribution.

Fiscalité

Au niveau de la fiscalité, qui est extrêmement lourde, et bien en réalité, lorsque nous passons à la pompe, nous n’achetons pas un seul produit, c’est-à-dire du carburant, mais deux produits. 

Nous achetons également des impôts

Impôts

En effet, la fiscalité est composée de deux taxes

  • la TVA classique qui représente 20% 
  • la TICPE qui est un montant fixe de 69,02 centimes le litre d’essence et 60,75 centimes le litre de gasoil.

Sauf qu’en plus de cela, on paie également de l’impôt sur de l’impôt, c’est-à-dire de la TVA sur le TICPE !

En d’autres termes, la TVA s’applique non seulement sur le prix du carburant, mais aussi sur celui de la TICPE… 

Pour faire simple: 

Pour un plein de 50 L de gasoil:  le coût total = 95 euros 

  • dont 35,75 euros concernant les coûts afférents au carburant 
  • 12,95 euros de coûts de distribution
  • 46,30 euros de taxes

Cela représente un joli taux d’imposition de 130 %.

Malgré tout, les prélèvements obligatoires n’ont pas augmenté en 2022 et il y a même eu l’application d’une ristourne afin de limiter les effets négatifs sur le portefeuille des ménages.

La fin de cette ristourne depuis le début d’année explique donc une augmentation des prix à la pompe…

bien que partiellement, étant donné, qu’encore une fois, le prix du brent est aujourd’hui légèrement en-dessous des niveaux des prix affichés durant la période allant de 2011 à 2014. 

D’ailleurs, sur une semaine, le gasoil a augmenté de 13 centimes et le super a augmenté de 19 centimes.

3) Les marges brutes de raffinage

Les marges brutes de raffinage correspondent l’écart entre les prix du pétrole brut et les produits raffinés comme l’essence et le gasoil.

Cela semble évident, il ne suffit pas d’extraire du pétrole, encore faut-il le raffiner, c’est-à-dire lui donner une utilité en le transformant en gaz, en essence, en kérosène, en gasoil et ainsi de suite, et ce procédé est réalisé au sein de raffineries.

Or, actuellement, les marges commerciales brutes des raffineries, c’est-à-dire le rapport entre le prix d'achat des produits pétroliers et leur prix de vente, restent à des niveaux particulièrement élevés.

Il faut savoir que la marge engrangée par l’entreprise et le bénéfice éventuel que cette dernière est susceptible de dégager, de nombreuses charges d’exploitations sont à envisager.

Par exemple, les dépenses d’exploitation des raffineries européennes afin d’éliminer le soufre contenu dans le pétrole qu’elle achète ont augmenté en 2022. L'élimination du soufre a pour but de réduire les émissions de dioxyde soufre, des produits pétroliers raffinés afin de respecter les normes européennes.

Les dépenses d’exploitation sont donc d’autant plus vraie du côté européen étant donné que traditionnellement, nous importons majoritairement du pétrole russe dont la teneur en soufre est relativement élevée et pour retirer le soufre, les raffineries utilisent de l’hydrogène.

Or, plus de 95 % de la production d’hydrogène est issue d’énergies fossiles et notamment de gaz naturel au travers du méthane…

Les coûts d’achats des industriels ont été particulièrement élevé compte tenu du fait que les industriels se sont précipités pour remplir leurs stocks de gaz afin de passer l’hiver. 

En outre, à l’intérieur de ces marges brutes, il y a également le coût afférent au système du pollueur/payeur et des permis carbone qui restent encore extrêmement élevés après un bref répit l’automne dernier.

4) Le manque de capacité de raffinage mondiale.

En effet, la capacité de raffinage actuelle, autour de la planète, pour produire de l'essence ou du diesel est limitée. 

La demande de carburants est très élevée et l’offre de carburants ne peut pas croître aussi vite…

La différence entre le prix du pétrole brut et le prix de l'essence et du diesel se creusent sans pour autant que cela ne se reflète sur les prix du pétrole étant donné que les États-Unis continuent de taper dans leurs réserves stratégiques.

Autrement dit, si ces réserves stratégiques de pétrole n’avaient pas été libérées, le prix du baril serait beaucoup plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui.

Mais évidemment, si l’exploitation de ces réserves stratégiques servent à contenir le prix du baril de pétrole brut, cette mesure ne permet pas de limiter les marges commerciales des raffineries étant donné que tout ce pétrole libéré doit ensuite être raffiné et transformé en carburants.

Si l’offre de pétrole augmente d’un coup, mais que dans le même temps, il n’y a pas suffisamment de raffineries, le pétrole n’est pas transformé et les marges se maintiennent, voire augmentent.

5) Diminution des capacités de raffinage

Cela concerne la diminution des capacités de raffinage ces dernières années.

L’industrie du raffinage a été démantelée et très peu de capitaux ont été réinvestis de telle sorte qu'à mesure que les anciennes raffineries étaient amorties, de nouvelles raffineries n'ont pas été installées.

Ce démantèlement des raffineries est le résultat: 

  • des coûts qui ont augmenté au travers des réglementations environnementales 
  • de l’objectif politique d’abanfonner les énergies fossiles d’ici 10-20 ans 

Si, politiquement, une date d'expiration de l'industrie pétrolière est fixée à l’avance, alors forcément l'industrie s'arrête d’investir. Ainsi la capacité de raffinage est en déclin 

La France doit acquérir à l'étranger du gasoil et trouver des débouchés pour revendre son essence, dont elle ne sait plus quoi faire, les Etats-Unis en achetant de moins en moins !

Les déséquilibres sont tels qu’ils conduisent notamment à importer de l’ordre de 50 pour cent des consommations de gasoil et à exporter autour de 40 pour cent de l’essence produite sur le territoire. 

Or, rien n’indique que les prix à la pompe ne continueront pas de monter malgré la chute des prix du baril de pétrole sur les marchés compte tenu de l’entrée en vigueur de nouvelles sanctions le 5 février prochain. 

À cette date, il ne sera plus possible d’importer en Europe des produits pétroliers russe transformés, à l’instar du gasoil. 

Or, parce que les Européens ont fortement réduit leur capacité de raffinage ces dernières années, nous sommes aujourd’hui très dépendants du gasoil russe, qui sera plus difficile à remplacer.