Il y alors de cela quelques mois, il semblait que la Russie profitait de la situation actuelle et jouissait d'une économie en croissance.
Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en février, les démocraties alliées à l’Ukraine ont mis en place différentes sanctions. Cependant paradoxalement ces sanctions ont eu pour conséquence de porter préjudice aux pays occidentaux.
Ainsi, des devises fortes comme l'euro, la livre ou encore le dollar perdaient de la valeur face au rouble.
Il était donc facile de penser que les sanction occidentales étaient inefficaces.
Dans quel état se trouve réellement l’économie Russe et l’efficacité des sanctions est-elle réellement avérée ?
La Russie en puissance ?
Lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine, la guerre en Ukraine entraîne la mise en place de sanctions des Etats-Unis et des pays européens.
Il s’agissait dans un premier temps d’attaquer le secteur financier en gelant les avoirs russes, en empêchant notamment à certaines banques d'accéder au système SWIFT.
Cette mesure a provoqué l’effondrement de la bourse de Moscou.
Des conséquences néfastes:
Les conséquences étaient perçues, dans un premier temps, comme particulièrement néfastes.
De nombreux médias avaient qualifié cette mesure d’arme nucléaire financière et dévastatrice pour le système financier russe.
Cependant le système SWIFT n’est qu’un mode de communication automatique, fiable et vérifié au travers duquel les banques échangent des informations relatives aux transactions qui ont lieu entre elles.
Ce n’est donc pas un système pour payer mais pour communiquer et certifier les paiements permettant d’accélérer les transactions réalisées.
En d’autres termes, en coupant l’accès de certaines banques à SWIFT, cela reviendrait à couper leur réseau de communication et donc empêcher la confirmation de transfert de fonds.
C’est donc pour cette raison qu’une telle mesure peut être préjudiciable à l'économie car plus aucune transaction entre des entités en dehors de la Russie vers des entités à l’intérieur de la Russie et inversement ne pourraient être réalisées.
En ce qui concerne la sanction ayant trait au gel des réserves de la banque centrale russe, celle-ci constituait un saut qualitatif dans la dureté des sanctions.
En effet, durant de nombreuses années, et notamment après l’annexion de la Crimée, la Russie avait accumulé un stock d’actifs très important d’un montant équivalent à 630 milliards de dollars. Ceci avait permis à Poutine de couvrir les coûts de l’invasion du territoire ukrainien en puisant dans cette réserve d’actifs.
La Russie ayant arrêté de publier les données détaillées de ses réserves, la seule chose que l’on sait, c’est que le montant total des réserves s’élève désormais à 567 milliards de dollars soit, une chute de 10% !
Ce que peu de personnes savent, c’est que la Russie ne possède pas la totalité de ses actifs dans ses “coffres” entre guillemets, mais auprès d’un dépositaire central qui se trouve dans les différents pays ayant vendu ces actifs à la Russie. Concrètement, en gelant les avoirs, la Banque Centrale Russe ne peut plus accéder aux avoirs étrangers lui ayant infligés les sanctions.
Pour être plus précis, les pays occidentaux sont parvenus à geler l’équivalent de 300 milliards de dollars d’actifs russes, c’est-à-dire près de la moitié des réserves de la banque centrale.
Malgré tout, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la chute de 630 milliards de dollars à 567 milliards de dollars n’est pas dû au gel d’une partie des réserves mais au fait que la banque centrale russe est intervenue sur les marchés pour soutenir sa devise qui s’effondrait.
En effet, ce gel n’est pas une expropriation à proprement parler : elle consiste simplement à bloquer l’utilisation d’une partie des réserves.
En tout état de cause, l’objectif initial de ces sanctions était de couper les vivres russes afin d’empêcher Poutine de financer l’effort de guerre.
Au début, il semblait que ces sanctions étaient perçues comme efficaces de la part des investisseurs qui ont cru un instant que l'économie russe entrait en crise, retirant leurs investissements, provoquant la chute du rouble et de la bourse de Moscou.
La Russie se relève
Cependant, malgré le fait qu'au début les sanctions semblaient fonctionner, au cours de l’année, l'économie s’est semble-t-il récupérée avant de s'améliorer.
Cette amélioration tenait au fait que l’euphorie ambiante avait provoqué une envolée des prix du pétrole atteignant des records.
Autrement dit, la Russie a bénéficié jusqu’à maintenant non pas tant d’un effet volume mais d’un effet prix, bien que l’effet volume ne soit pas non plus totalement inexistant puisque la quantité de pétrole exporté est tout de même légèrement plus élevée en 2022 qu’en 2021.
Je m’explique :
Imaginons que la Russie vend traditionnellement 10 barils de pétrole valorisés à 100 euros l’unité. Dans un tel cas de figure, le Kremlin empochait un montant total de 1.000 euros.
En temps normal, pour gagner plus d’argent, il est fréquent de devoir jouer sur l’effet volume, c’est-à-dire d’augmenter le volume, c’est-à-dire le nombre de barils de pétrole vendus pour engranger plus de revenus comme par exemple vendre non plus 10 mais 15 barils à 100 euros l’unité afin de gagner 1.500 euros au lieu de 1.000 euros comme précédemment.
Or, avec les prix des matières premières qui ont explosé, alors même que les importations occidentales étaient censées chuter, la Russie a continué à gagner autant, si ce n’est davantage d’argent grâce à l’effet prix. C’est comme si la Russie ne vendait plus que 8 barils de pétrole mais que le prix à l’unité passait de 100 euros à 200 euros, lui permettant de tout de même augmenter ses revenus, ici à 1.600 euros !
Cette situation ainsi que l’intervention de la banque centrale russe, a donc contribué à ce que l’économie russe continue de percevoir des revenus supplémentaires lui permettant de financer la guerre tout en enregistrant une balance commerciale excédentaire et donc une revalorisation du rouble donnant l’impression d’une économie en superbe santé.
Pour autant, tout cela ne veut évidemment pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. En effet, il existe certaines données qui posent de sérieux problèmes au Kremlin
La Russie au bord de la faillite ?!
Si pour le moment, il est vrai que les sanctions ne semblent pas produire d’effets négatifs sur l’économie russe, du moins sur le court-terme. En réalité, sur le moyen et long terme, la donne est probablement tout autre et ce, pour trois raisons principales :
1) La chute du prix des matières premières (pétrole et gaz)
Il ne fait aucun doute que la Russie occupe une place privilégiée en ce qui concerne l’exploitation de ressource énergétiques. En effet, elles sont indispensables au bon fonctionnement de l’économie mondiale. La Russie est le troisième plus grand producteur de pétrole derrière les États-Unis et l’Arabie Saoudite et le deuxième plus grand producteur de gaz naturel derrière les États-Unis.
L’inconvénient c’est que, la Russie s’est très peu diversifiée dans le temps et d’après Rosstat, le secteur des hydrocarbures représente environ 40% de l’économie russe ce qui est énorme.
La Russie souffre donc de ce que l’on appelle la “Dutch Desease”, ou “tragédie des matières premières” qui est un phénomène économique qui relie l'exploitation de ressources naturelles au déclin de l'industrie manufacturière.
C’est ce qui arrive lorsqu’un pays riche de ressources naturelles, ici, entre autres, les hydrocarbures, dépend à l’excès de la santé du secteur qui exploite ces ressources naturelles. Si ce secteur vient à subir un choc quelconque, ce choc aura des répercussions macroéconomiques majeures et ce, d’autant plus lorsqu’elles ne sont pas suffisamment diversifiées.
La Russie a profité du desserrement des goulots d’étranglement post-covid provoquant l’explosion du prix des différentes ressources energétiques.
Ainsi elle a gagné l’équivalent de plus de 125 milliards d’euros depuis le début du conflit !
Ces énormes revenus ont ainsi permis au gouvernement russe de toucher plus de revenus qu’il n’en dépense générant ainsi un excédent budgétaire.
Après avoir enregistré un excédent de seulement 55 milliards de roubles, c’est-à-dire environ 80 millions de dollars, désormais, le gouvernement russe s’attend à enregistrer un déficit de 50 milliards de dollars en décembre.
Sans compter que le rebond de novembre est en réalité un trompe l’oeil, car en réalité, ce rebond s’explique par une taxe exceptionnelle payée par Gazprom au Kremlin.
2 raisons principales expliquent l’accroissement du déficit :
- Les dépenses militaires pour poursuivre le conflit en Ukraine
- La chute des prix du pétrole et du gaz ainsi que les volumes expédiés
Autrement dit, non seulement la Russie a perdu de l'argent en raison de la baisse des prix, mais aussi en raison du volume en baisse, sans compter que la Chine et l’Inde qui viennent remplacer partiellement les pays européens en tant que partenaires commerciaux de la Russie, profitent de leur situation de force pour négocier les prix d’achat de gaz et de pétrole.
2) La pénurie de produits
Même si certaines sanctions visaient à nuire la Russie sur le moyen-terme, notamment au travers des embargos, bon nombre des sanctions n'allaient pas avoir d'impact immédiat.
Cela concerne notamment les semi-conducteurs, qui sont des matériaux utilisés pour fabriquer des puces électroniques.
Or, les sanctions de 2022 ajoutent une interdiction d’exporter nombre de semi-conducteurs vers la Russie. Ainsi, Taïwan, le plus grand producteur de semi-conducteurs au monde cesse ses exportations.
Ainsi, face à une pénurie de semi-conducteurs, le gouvernement russe a commencé à acheter ses semi-conducteurs à de plus petites entreprises chinoises, ou illégalement.
Selon le média Kommersant, jusqu'à 40% des composants électroniques importés de Chine étaient défectueux.
Ainsi, pour compenser la pénurie en pièces électroniques, Moscou a importé, des quantités d'appareils d'électroménager afin d’en récupérer les semi-conducteurs.
3) La fuite des cerveaux
Depuis le début de l’invasion, des milliers de travailleurs, qui représentent une part importante du capital humain de la Russie a fui le pays, représentant environ 100.000 employés.
En conclusion, tous ces facteurs contribuent actuellement et continueront d’aggraver l'économie russe.
Ainsi, si l'économie russe poursuit son déclin, ses efforts pour gagner la guerre pourraient devenir de plus en plus difficiles.