Si, traditionnellement, le rôle des banques centrales a été celui de “prêteur en dernier ressort” c’est-à-dire des entités vers lesquelles on peut se tourner pour obtenir des fonds en urgence, après avoir épuisé toutes les autres possibilités. Depuis la grande crise financière de 2008, les banques centrales, sont en quelques sortes devenues des emprunteurs de premier ressort.
Ainsi, après plus d’une décennie de Quantitative Easing et l’adoption de politiques monétaires accommodantes, depuis l’année dernière, ces deux grandes entités, ont choisi de mettre en place le processus inverse : le Quantitative Tightening qui permettrait de lutter contre l’inflation.
Or, les dernières données publiées semblent indiquer que l’inflation est en train de se modérer, comme nous l'avions vu dans un précédent article.
Pourquoi en réalité, les restrictions monétaires actuelles mises en place par les banques centrales ne pourront pas durer ? Pourquoi nous pourrions très probablement assister à un retour à des politiques moins restrictives dès cette année ?
Quantitative Easing et situation monétaire
Tous les jours nous utilisons la monnaie et pourtant le fonctionnement de notre système monétaire est encore profondément incompris. Pourtant, sans maîtriser ces concepts de base, il est impossible de bien appréhender le fonctionnement économique mondial.
Si le nombre de personnes consternées par la taille des bilans des banques centrales à cause des politiques d’assouplissement quantitatifs successifs, en réalité, il convient de rester conscient que ce sont en grande partie les exigences réglementaires post-crise des subprimes de 2008.
Dans le cadre de sa mission de “normalisation” de la politique monétaire, tant la FED que la BCE, ont progressivement annoncé en 2022 qu'elles mettraient fin aux achats nets d’obligations d’États afin de réduire la taille de leur bilan respectif.
Bien que souvent oublié par un grand nombre de personne, l’objectif premier du quantitative easing n’était non pas d’injecter de la monnaie au sein de l’économie, mais bel et bien de baisser davantage les taux d’intérêt afin de stimuler l’activité.
En effet, dans la mesure où il existe une relation inverse entre prix des obligations et taux d’intérêt:
- une augmentation des achats d'obligations provoquant une hausse de leur prix équivaut à une baisse des taux d'intérêt
- tandis qu’une diminution des achats d'obligations provoquant une baisse de leur prix équivaut à une hausse des taux d'intérêt.
Ainsi, lorsque la banque centrale achète des obligations, elle ne le fait pas directement auprès de l’État mais auprès d’institutions qui ont elles-mêmes acheté au préalable ces titres de dettes.
La partie "création monétaire" est ce qui rend nerveux un grand nombre de personnes.
Pourtant, il faut savoir que pour chaque dollar ou euro "créé", la banque centrale achète un équivalent à de la monnaie, ici des obligations d’États.
Autrement dit, il y a un échange d’une forme de monnaie, les obligations d’États, contre une autre forme de monnaie, les réserves de banques centrales.
Ici, deux précisions importantes sont nécessaire :
Des actifs monétaires similaires
Financièrement parlant, une obligation d’État et un billet de monnaie sont des actifs monétaires similaires dans la mesure où leur valeur reposent tous les deux dans la confiance accordée à un État.
Une multitude de monnaies
Il existe non pas une, deux ou trois formes de monnaie mais une multitude. Toutefois, on distingue 3 types de monnaies :
-Les pièces et les billets : on parle de monnaie fiduciaire. Cette monnaie est créée par la banque centrale.
-La monnaie électronique: elle se trouve dans nos comptes bancaires, on parle de monnaie scripturale. Cette monnaie est créée par les banques commerciales.
-Les réserves : on parle de monnaie de banque centrale. Cette monnaie est créée par la banque centrale au moment de racheter notamment de la dette d'État.
Ainsi, lorsqu’une banque centrale rachète une obligation d’État à une banque, l’obligation achetée se fait en réalité avec des réserves nouvellement créées pour l’occasion et elle les “enferme” entre guillemets, à l’intérieur de son bilan.
Exemple:
Imaginons un État qui est en déficit public, c’est-à-dire qu’il dépense plus d’argent que ce qu’il n’en gagne. Dans une telle situation, l'État en question va s’endetter sur les marchés en émettant une obligation à 10 ans de 100 euros par exemple.
Il est donc possible de représenter le bilan comptable de l’État avec, pour rappel, un actif qui est toujours égal au passif.
Au passif, c’est-à-dire au niveau des dettes, l’État émet une obligation de 100 euros et la contrepartie à l’actif est sa capacité théorique à lever de l’impôt afin de rembourser ses dettes.
Ici, on suppose que c’est une banque commerciale qui lui prête de l’argent. Ainsi, le bilan de la banque commerciale sera représenté de la sorte:
À l’actif apparaît l’obligation et au passif le dépôt d’une même valeur, ici 100 euros.
Maintenant, supposons que, grâce au quantitative easing, la banque centrale rachète cette obligation à la banque commerciale. Dans un tel cas de figure, l’obligation apparaît désormais au sein de l’actif du bilan comptable de la banque centrale qui crée des réserves, c’est-à-dire de la monnaie de banque centrale spécialement pour l’occasion.
Désormais, le bilan de la banque commerciale est modifié et à l’actif, au lieu des obligations qu’elle avait acheté à l’État puis revendu à la banque centrale, apparaissent les réserves.
Encore une fois, ici il y a un simple échange d’une forme de monnaie, les obligations d’États, contre une autre forme de monnaie, les réserves de banques centrales.
Cela ne fait aucune différence dans la capacité de la banque à créer du crédit.
L’un des déterminants de l’expansion accrue de 2020 réside dans les déficits massifs des différents gouvernements de la planète qui ont stimulé la demande alors même que l’offre était réduite voire bloquée, générant des goulots d'étranglement et donc des hausses de prix massives.
Que la banque détienne des obligations d’État ou des réserves auprès de la banque centrale n'a strictement aucune importance quant à sa prise de décision de prêter davantage ou pas.
L’une des seules différences réside dans le fait qu’en rachetant les obligations dans le cadre du QE, la banque centrale élimine le risque de taux d'intérêt du marché.
En effet, il existe une relation inverse entre les taux d’intérêt et le prix d’une obligation. Aussi, si les taux venaient à monter, comme cela est le cas actuellement, alors les banques en possession d’obligations d’États verraient la valeur de leur investissement chuter.
Ainsi, en achetant les obligations, la banque centrale endosse donc le risque de taux et cela est effectivement particulièrement néfaste pour l’économie.
Le risque n’est donc pas tant celui sur lequel la quasi-totalité des néophytes se focalisent, c’est-à-dire celui de la création monétaire, mais bel est de bien de baisse artificielle du risque.
Quantitative Tightening et future situation monétaire
Aujourd’hui, nous nous trouvons donc dans une situation monétaire particulière dans la mesure où elle est caractérisée par l’inverse du QE : le QT, pour Quantitative Tightening.
Ce resserrement quantitatif vise donc à diminuer le bilan des banques centrales et plus précisément d’un montant de 95 milliards de dollars par mois dans le cas de la Réserve Fédérale Américaine.
Aujourd’hui, le problème qui se pose c’est que, si la FED souhaitait faire retomber le montant de son bilan à la même valeur que celle en vigueur avant la crise financière à environ 1.000 milliards de dollars, il faudrait patienter plus de 6 ans et demie avec un rythme de réduction de 95 milliards de dollars par mois.
À première vue, ramener le bilan aux niveaux d’avant crise des subprimes est donc impossible à moins que la contraction ne dépasse les 300 milliards de dollars par mois afin de rester sur un délai de contraction raisonnable d’environ 2 ans.
Le fait est que même si la FED voulait le faire, en fait, elle ne pourrait pas.
En effet, si l’on se focalise sur la composition du bilan de la FED et notamment sur la partie du passif, quatre grandes composantes en ressortent :
La monnaie physique
La monnaie fiduciaire, représente pas moins de 2.300 milliards de dollars.
Avant la crise des subprimes, les pièces et billets en circulation avaient une valeur supérieure à 800 milliards de dollars et représentaient donc 90 pour cent du bilan de la FED qui était valorisé à l’époque à moins de 900 milliards de dollars.
La diminution de la quantité de pièces et de billets étant extrêmement complexe et n’étant en tout cas pas visée par le resserrement de la politique monétaire, on peut d’ores et déjà conclure que la valeur plancher du bilan de la FED est de minimum 2.300 milliards de dollars !
Le compte du trésor
Il s’agit en quelque sorte du compte bancaire du gouvernement qui est conservé auprès de la banque centrale.
Actuellement, le solde est d’environ 400 milliards de dollars et il n'est clairement pas sous le contrôle de la Banque Centrale puisqu’elle ne fait que lui fournir un compte bancaire spécial.
De plus, le solde n'est pas affecté par le resserrement de la politique monétaire : sa valeur peut donc aussi bien croître que diminuer.
Les réserves bancaires
La monnaie de banque centrale que les banques commerciales et d'autres institutions possèdent auprès de la Réserve Fédérale ou de la BCE, pour un montant 3.000 milliards de dollars.
On l’a vu précédemment, lorsque la banque centrale met en place le Quantitative Easing, c’est ce compte qui est crédité en l’échange d’obligations d’État.
Ce sont donc précisément ces réserves sur lesquelles la banque centrale exerce un contrôle et qui doivent diminuer au cours du Quantitative Tightening.
Les opérations Reverse Repo
Les opérations de Reverse Repo, pour Reverse Repurchase Agreement. On parle de mise en pension en français et c’est la situation durant laquelle la Banque Centrale prête des liquidités aux banques sur le très court-terme. Viennent ensuite les dépôts étrangers ou encore le capital de la banque centrale pour un montant total de 2.800 milliards de dollars dont près de 2.300 milliards rien que pour les opérations de Reverse Repo.
Ainsi, ces quatre composantes sont les principaux éléments constitutifs du passif du bilan de la FED et on peut voir comment il a évolué dans le temps depuis la crise de 2007.
Les limites du QT et le retour de la “planche à billets”
Une donnée à prendre en compte c’est que jusque durant la crise financière de 2008, la FED ne payait pas d'intérêts sur les réserves excédentaires des banques commerciales. En conséquence, les banques commerciales avaient tout intérêt à investir ou utiliser cet argent autrement plutôt que de le faire dormir.
C’est, entre autres, ce qui a contribué à ce que les institutions financières soient constamment à la recherche d’actifs toujours plus rentables mais aussi toujours plus risqués.
On voit d’ailleurs à quel point ces prêts interbancaires se sont développés à partir des années 90, jusqu’à finalement disparaître presque totalement au moment où le marché interbancaire s’est grippé, les liquidités s'étant asséchées, obligeant les banques à se tourner vers la banque centrale pour éviter un effondrement du système monétaire et financier.
Or, le mode de financement s’est tout simplement métamorphosé et, désormais, ce sont les réserves qui jouent ce rôle, réserves créées par la Banque Centrale.
Il faut savoir qu’il y a une limite dans le nombre de dettes d’États puisqu’il est nécessaire que ces derniers s’endettent constamment pour que les banques puisses y augmenter leur exposition et ce, d’autant plus, que les dettes arrivant à échéances doivent être renouvelées pour que les banques maintiennent stable leur exposition.
Pour y remédier et ainsi satisfaire les exigences des nouvelles réglementation, une solution se trouvait dans la création de réserves de la part de la Banque Centrale puisque, les réserves sont une forme de monnaie et les dettes d’État le sont également !
La contrepartie c’est que, désormais, ces réserves sont devenues indispensables et certains effets négatifs ont pu être observés lors de la crise Repo de septembre 2019, après que la FED avait démarré son resserrement monétaire en 2017, faisant exploser les taux Repo :
Une situation complexe
Ainsi, aujourd’hui, si la FED se trouve dans une situation plus que complexe avec deux grandes composantes que sont les réserves et les Reverses Repo.
On peut donc dire que l’énorme bilan des Banques Centrale a surtout permis de maintenir la stabilité du système financier en raison du changement de la réglementation et de la composition du système bancaire.
Ces facteurs signifient que la contraction totale possible du bilan de la FED est particulièrement limitée et pourrait très probablement prendre fin dès cette année 2023
Le rythme de contraction ralentira probablement plus tôt que prévu et avant le terme auquel la plupart des personnes s’attendent.
Au-delà du Quantitative Easing, la vraie question à se poser est donc : est-ce que l’accumulation de réglementation suite à la crise des subprimes a réellement permis une réduction des risques au sein des marchés ?
Il est fort probable que, plus qu’une réduction, nous ayons tout simplement assisté à un déplacement du risque.
C’est officiel ! Pour la première fois, la Réserve Fédérale Américaine enregistre des pertes d'exploitation d’un montant sans précédent, alors que les taux d'intérêt s'envolent et que la demande d'obligations américaines s'effondre.
Pour se faire une idée, les dernières données publiées par la FED, montrent que la Banque Centrale Américaine a enregistré des pertes dues au Trésor Américain pour un montant de plus de 4 milliards de dollars.
Cette tournure des événements est donc particulièrement brutale mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’est pas inattendue, notamment pour une banque centrale qui, durant une décennie, a gagné des milliards de dollars au travers de l’expansion de son bilan après la mise en place du Quantitative Easing (QE) à partir de 2008.
Cela met en évidence le changement radical de l'environnement économique et pourrait créer une situation de tension à un moment même où la FED se trouve déjà sous pression en resserrant sa politique monétaire afin de réduire l'inflation.
Autrement dit, en l’état actuel des choses, la Banque Centrale Américaine gagne moins d’argent sur ses actifs, c’est-à-dire ses investissements, qu'elle n’en dépense sur ses passifs, c’est-à-dire ses dettes.
Une des manières de résoudre ce problème serait donc de ralentir la hausse des taux car, dans le cas contraire, nous assisterions à une situation où la Réserve Fédérale Américaine commencerait réellement à imprimer de l'argent sans aucune contrepartie. Elle ferait donc tourner la fameuse planche à billets.
Qu’est-il en train de se passer et pourquoi la planche à billets deviendrait une réalité ?
Les Banques Centrales peuvent-elles faire faillite et quelles seraient les conséquences sur le système économique et financier ?
Les Banques Centrales sont-elles au bord de la faillite ?
Pour bien comprendre ce qu’il se passe actuellement, il convient de bien dissocier le stock, c’est-à-dire le patrimoine d’une part et, des flux, c’est-à-dire les revenus de l’autre.
- Le stock/ le patrimoine
Le marché obligataire connaît actuellement une période particulièrement mouvementée et probablement une de ses pires années de l’histoire !
Or dans le même temps, aucune institution ne détient autant d'obligations que les banques centrales et notamment les banques centrales américaines, européennes ou encore japonaises, qui ont amassé un portefeuille de titres d'une valeur supérieure à 30.000 milliards de dollars au cours de la dernière décennie.
En finance, l’on dit qu’il existe une relation particulièrement étroite entre d’une part les taux d’intérêt et d’autre part le prix des obligations. Concrètement, lorsque les taux d’intérêt baissent, le prix des obligations montent et, inversement, lorsque les taux montent, comme cela est le cas actuellement, alors le prix des obligations baisse.
C’est la raison pour laquelle on assiste à des chutes brutales du montant des bilans des principales banques centrales comme on peut le voir dans cette analyse.
En effet, cette situation se manifeste au travers de deux phénomènes, que sont, d’une part un effet volume et d’autre part un effet prix.
- Un effet volume parce que la quasi totalité des banques centrales ont d’ores et déjà commencé à resserrer leurs politiques monétaires, ce que l’on appelle le QT, ou Quantitative Tightening, qui est l’inverse du QE, c’est-à-dire l’assouplissement quantitatif suivi par ces principales entités au cours de la dernière décennie.
- Un effet prix : lorsque les taux remontent, les prix des obligations chutent ce qui réduit la valeur du bilan de ces entités financières. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que la Banque Centrale Japonaise, alors même qu’elle est pourtant une des seules banques centrales au monde à ne pas avoir adopté de mesures de resserrement de sa politique monétaire, voit comment la valeur de son bilan est actuellement en train de s’effondrer de 30%. Auquel s’ajoute le fait qu’elle a dû intervenir massivement sur les marchés pour éviter que le yen ne poursuive sa chute.
La hausse des taux actuelle que nous connaissons à donc un effet sur les bilans des banques centrales et notamment sur celui de la FED, c’est-à-dire sur ce que l’on appelle leur stock ou plus simplement leur patrimoine.
Ainsi, la valeur de marché du portefeuille de la Réserve fédérale est inférieure au coût d’acquisition des actifs.
Et attention! C’est là qu’il y a une petite subtilité à connaître !
La Réserve Fédérale utilise ses propres règles comptables !
Celle-ci comptabilise, entre autres, les titres qu’elle a acheté, dont notamment les dettes d’États, en “amortized cost”, c’est-à-dire en coût amorti, plutôt qu'à la “fair value”, c’est-à-dire la juste valeur/la valeur de marché.
Cela signifie que les gains et les pertes induites par les appréciations ou dépréciations des obligations sur les marchés font monter ou descendre le prix des obligations. Ces dernières sont comptabilisées seulement lorsqu’elles sont vendues.
Ce principe comptable permet donc d’enjoliver le bilan de la FED. Dans le cas contraire, la FED devrait enregistrer de nombreuses pertes latentes et cela réduirait sa capacité à resserrer sa politique monétaire en réduisant son bilan.
Ce n’est qu’en fouillant les documents comptables, dans une note de bas de pages qu’il est possible d’observer les pertes latentes.
On peut noter que la FED a enregistré près de 720 milliards de dollars de pertes non réalisées à la fin du deuxième trimestre. On remarque aussi que tandis que le portefeuille est de 8.763 milliards de dollars en “coût amorti”, il n’est plus que de 8.043 milliards de dollars en valeur de marché, une fois les pertes enregistrées !
Cela est d’autant plus surprenant que si l'on considère que le capital total de la Réserve fédérale est de 41 milliards de dollars, les pertes non réalisées du portefeuille de la FED sont suffisamment importantes pour anéantir son capital plus de 17 fois !
Mais, ce n’est pas tout ! En 2011, la Réserve Fédérale a modifié ses règles comptables afin qu'elle ne puisse plus déclarer de réduction de capital, ce qui signifie que, officiellement, elle ne peut pas faire faillite.
Au lieu de cela, la banque centrale enregistre la perte comme un élément comptable négatif, connu sous le nom d'actif différé, qu'elle devra ensuite compenser par des bénéfices futurs.
Toutes ces manœuvres ne peuvent effacer les faits: la valeur marchande du portefeuille de la FED est nettement inférieure à son coût d'acquisition, ce qui est susceptible de porter atteinte à la crédibilité de l’institution américaine.
- L’approche par les flux: qu’en est-il des revenus ?
En effet, il faut savoir que la Réserve Fédérale, tout comme la BCE, a augmenté ses taux d’intérêt, se trouvant désormais à 3,25 pour cent.
Or, il faut savoir qu’il n’existe non pas un mais trois taux d’intérêt dont notamment l’IORB rate, acronyme anglais de “Interest Rate on Reserve Balances” ou taux d'intérêt sur les soldes de réserve en français qui lui, se trouve actuellement à 3,15%.
Ce qu’il faut savoir, c’est que les banques détiennent en quelque sorte des comptes bancaires auprès de la banque centrale.
C’est un petit peu comme nous citoyens qui possédons des comptes bancaires auprès des banques, à l’exception près que, dans ce cas de figure, seules certaines banques et institutions financières ont le droit de détenir des comptes auprès de la Réserve Fédérale et les citoyens en sont exclus : on parle de réserves ou de monnaie de banque centrale.
Ainsi, cet “Interest Rate on Reserve Balances” est un taux d'intérêt que la Réserve Fédérale Américaine paie sur les comptes que les banques détiennent auprès de la banque centrale.
On comprend donc que, aujourd’hui, la FED doit régulièrement payer les banques pour l’argent qu’elle n’utilise pas, mécanisme dont la vocation est d’inciter les banques à ne pas octroyer trop de crédit.
Durant la dernière décennie de politique monétaire accommodante au travers de l’assouplissement quantitatif, les banques centrales ont accumulé d’énormes stocks de dettes d'État : ce que l’on appelle les obligations d’États.
Ainsi, en agissant de la sorte et, contrairement à la croyance populaire, les banques centrales n’ont non pas fait tourner la planche à billets, mais fait chuter les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas.
Aujourd’hui, on se retrouve donc dans une situation où, les banques centrales, et notamment la FED et la BCE, se retrouvent à devoir payer des intérêts élevés sur les réserves que les banques possèdent dans les comptes des banques centrales.
En revanche, dans le mêmes temps, parce que les banques centrales ont fait chuter les taux d’intérêt, les intérêts qu’elles perçoivent elles-mêmes de leur stock d’obligation sont extrêmement faibles.
Or, pour procéder au paiement de ses dettes, c’est-à-dire notamment les intérêts qu’elle doit majoritairement aux banques ayant des réserves, elle utilise traditionnellement l’argent qu’elle perçoit comme revenus. Cet argent provient de ses actifs majoritairement constitués d’obligations d’États !
Et c’est précisément à partir de ce moment que les problèmes arrivent puisque la Banque Centrale Américaine gagne moins d’argent sur ses actifs (ses investissements) qu'elle n’en dépense sur ses passifs (ses dettes).
En outre, les obligations achetées par la FED ont une échéance longue et la plupart de ces obligations ont été achetées lorsque les rendements étaient très bas, c’est-à-dire en 2020 et 2021.
À titre d’exemple, sur les plus de 5,6 milles milliards de dollars d’obligations américaines détenues par la Réserve Fédérale, plus de 2,4 milles milliards de dollars, ont une échéance supérieure à 5 ans.
Dans le même temps, les réserves des banques auprès de la FED ont une échéance allant de seulement 1 jour à 1 semaine et cette dernière doit leur verser du 3,15% !
Il est donc on ne peut plus clair qu'il faudra beaucoup de temps pour que les revenus issus des actifs puissent coïncider avec les dépenses.
En ce sens, en fonction de l'ampleur des hausses des banques centrales au cours de cette fin d’année 2022 et durant l’année 2023, nous pourrions assister à un retour à la normale au fur et à mesure que les flux des actifs coïncident avec les flux des passifs.
En revanche, si les taux venaient à augmenter encore plus rapidement, la situation pourrait très vite empirer.
Un désastre monétaire inévitable: inflation, récession et solutions
Compte tenu de ce que l’on vient de voir, plusieurs questions peuvent se poser :
- Quelles solutions la FED, et les banques centrales peuvent-elles adopter ?
- Quelles conséquences cela pourrait avoir sur le système économique et financier ?
- Les pertes assumées par les banques centrales ont-elles réellement de l’importance ?
A) Il existe 3 solutions :
Elle pourrait, soit ralentir le rythme des hausses de taux voire stopper les hausses, soit diminuer la rémunération des réserves que les banques déposent auprès de l’institution voire carrément l’annuler, soit espérer que la récession frappe rapidement et parier pour l'efficacité des mesures prises actuellement afin de faire baisser rapidement l’inflation et ainsi pouvoir à nouveau retourner dans un environnement accommodant.
- Le ralentissement des hausses de taux
Si la FED opte pour le ralentissement ou l’arrêt des hausses de taux, elle pourrait parvenir à rééquilibrer les flux de revenus avec les flux de dépenses.
Le problème c’est que, dans un tel cas de figure, cela irait à l’encontre même de l’objectif poursuivi qui est de lutter contre l’inflation au travers du resserrement de la politique monétaire.
- Réduction/annulation de la rémunération des banques
Si la FED opte pour la réduction voire l’annulation de la rémunération des réserves, les banques commenceraient à chercher un rendement plus élevé, notamment dans les obligations d’États, entraînant une nouvelle baisse des taux d’intérêt menant au problème précédent.
La raison pour laquelle la FED paie les réserves c’est pour éviter de faire chuter les rendements et améliorer la transmission de sa politique monétaire pour lutter contre l’inflation.
- Récession ou inflation?
Finalement, si la récession frappe, ce qui est le cas actuellement, alors il est probable que l’inflation chute et donc la politique monétaire “se normalise”.
En revanche, dans le cas contraire et si malgré la récession, l’inflation ne baissait pas ou peu, obligeant la FED a poursuivre le resserrement de sa politique monétaire, nous assisterions à une situation provoquant différentes conséquences.
B) Les conséquences
Il convient de rappeler que les banques centrales sont des institutions assez uniques et elles peuvent, créer de l'argent en illimité et donc ne pas faire faillite.
- La planche à billets tourne
En cas des pertes enregistrées par la Banque Centrale sur une période relativement longue, on arriverait dans une situation atypique où les fonds propres, c’est-à-dire le capital de l’entité, tomberaient en territoire négatif.
En d’autres termes et pour faire simple, la Réserve Fédérale commencerait à réellement imprimer de l'argent “magique”, c’est-à-dire la planche à billets.
Dans un tel cas de figure, au sens strict du terme, il s’agirait effectivement de planche à billets puisque les pertes de la Banque Centrale seraient financées sans contrepartie.
Il est vrai que ces pertes pourraient être récupérées, mais rien n’est sûr et dans un futur inconnu qui peut s’étaler sur plusieurs décennies selon l’ampleur du choc.
- Conséquences d’ordre politique
Une autre conséquence serait d’ordre politique !
Il faut savoir qu’en temps normal, lorsque la Réserve Fédérale engrange des profits, ces derniers sont reversés au gouvernement américain.
Ces transferts permettent donc à l’État de réduire son déficit et donc son endettement.
Certains élus pourraient donc être amenés à se demander pourquoi, à un moment où la FED a reconnu que sa campagne de hausse des taux mettra certains américains au chômage et causera des difficultés économiques, la Banque Centrale continue de payer des intérêts aux banques, afin d’éviter que cet argent ne circule au sein de l’économie.
- La crédibilité de la banque centrale
Finalement, il faut bien rester conscient que la capacité d’une banque centrale à opérer normalement n’est valable que si elle reste crédible aux yeux des marchés financiers et du système bancaire.
On peut donc imaginer un scénario où, la situation de fonds propres négatifs se prolongeant dans le temps, leur niveau limiterait la rentabilité à long terme de la banque centrale et deviendrait insuffisant pour compenser les dépenses courantes. Un tel cas de figure obligerait la banque centrale à créer de la monnaie pour couvrir ses dépenses, ce qui affecterait la conduite et le contrôle de sa politique monétaire.
Une solution serait donc que le gouvernement recapitalise l’entité.
Un endettement accru du gouvernement serait donc constaté puisque :
- D’une part la FED n’aurait plus de gains à redistribuer au gouvernement qui verrait son déficit se creuser et donc sa dette et de l’autre.
- D’autre part, ce même gouvernement devrait s’endetter encore plus pour lever des fonds et recapitaliser la Banque Centrale.
En termes de conséquences politiques, cela pourrait exacerber le poids de l’État au travers de ce que l’on appelle la “fiscale dominance” et donc l’étatisation de la société !
Tout cela, dans une des pire situation de récession et d’inflation élevée !
On peut donc conclure que, s’il est vrai que, techniquement parlant, une banque centrale ne peut pas faire faillite, la monnaie elle, le peut.
Or, le principal produit que gère une banque centrale est précisément la monnaie et elle a pour vocation de veiller à sa stabilité.
La loi de Gresham nous indique que “la mauvaise monnaie chasse la bonne”. Autrement dit, dans les situations de forte inflation, les agents fuient devant la monnaie légale au profit de monnaies étrangères ou de biens réels ne faisant qu’accroître la hausse des prix.
Les risques de défiance vis-à-vis des banques centrales et des monnaies sont donc clairement des signes mettant en exergue leur faillite à mener à bien leur mission. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que les partisans de la MMT, de la création monétaire sans contrepartie, c’est-à-dire la planche à billets, ou encore de l’annulation des dettes publiques, conscients de ce risque, optent en ultime recours au contrôle et à la restriction des capitaux et/ou à l’instauration d’une monnaie mondiale.
Une manière de mieux voler les citoyens dans un élan d’hypocrisie et de démagogie afin d’occulter leur penchant totalitaire. Car comme on le dit si bien, l’enfer est pavé de bonnes intentions … Comment se protéger et comment gagner de l'argent en ces temps difficiles? Nous vous conseillons de lire notre dernier article dans lequel nous vous dévoilons 4 façons de gagner de l'argent.