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Qu’il s’agisse aussi bien des États-Unis que de la zone euro, l’inflation semble être en train d’amorcer son reflux.

Cela est donc une bonne nouvelle compte tenu des effets néfastes de la hausse généralisée des prix et de la perte de pouvoir d’achat de la monnaie que nous subissons actuellement, comme nous l’avons vu dans un précédent article

Le problème, c’est que, pratiquement tout ce que l’on a pu vous dire sur le fonctionnement du système monétaire moderne ou encore la création de monnaie est faux !

Or, étant donné que nous utilisons de l'argent tous les jours, comprendre le fonctionnement de notre système monétaire est d’une importance capitale !

Traditionnellement, certains vulgarisateurs expliquent que les banques centrales impriment l'argent que nous utilisons ou encore que les banques utilisent les dépôts de leurs clients et multiplient la quantité d’argent en circulation dans un système bancaire à réserve fractionnaire, ce qui est en réalité totalement faux.

Qu’en est-il concrètement ?

Quelles sont les vraies raisons de la grande inflation des deux dernières années et le système monétaire moderne est-il voué à l’effondrement ?

L’escroquerie du système monétaire moderne ?

Pour la grande majorité des personnes, il ne fait aucun doute, l’origine de l’inflation, qui a débuté en 2020, est d’origine exclusivement monétaire. La “planche à billet” menée par les banques centrales aurait engendré la hausse soudaine des prix des biens et des services à la consommation.

Ce joli raccourci intellectuel n’est pourtant qu’un dogme répété à longueur de journée. 

Mais qu’en est-il concrètement du Quantitative Easing ou Assouplissement Quantitatif en français ?

Pour répondre à cette question, il me semble nécessaire d’examiner comment fonctionne notre système monétaire et comment les différentes formes de monnaie impactent l’économie et les marchés. 

Le fonctionnement du système monétaire:

D’abord, il faut savoir que notre système monétaire fonctionne sur 3 piliers de catégorisation de la monnaie que sont : 

  1. la dénomination,
  2. le mode de création,
  3. le mode de circulation.

À l’intérieur de ces 3 catégories de monnaies, il est possible de créer une matrice selon 3 formes de monnaies différentes que sont : 

  1.  les pièces et les billets,
  2.  la monnaie électronique,
  3. les réserves de la banque centrale.

En partant de ce constat, il est possible de donner la dénomination, le mode de création et le mode de circulation de chacune de ces trois formes de monnaie.

Les pièces et les billets:

En ce qui concerne les pièces et les billets, on parle de monnaie fiduciaire. C’est la banque centrale qui la créée. Cette monnaie circule au sein de l’économie réelle

La monnaie électronique:

En ce qui concerne la monnaie électronique, on parle de monnaie scripturale. Ce sont majoritairement les banques commerciales et certaines entités financières qui la créée et il s’agit de monnaie circulant au sein de l’économie réelle également. Ce type de monnaie existe sous différentes formes dont notamment les comptes courants que l’on possède tous en banque et représente près de 16.000 milliards de dollars, soit 75 pour cent de la masse monétaire totale. 

Les réserves de banque centrale:

Les réserves sont aussi appelées monnaie de banque centrale étant donné que c’est la banque centrale qui la créée. Elle ne circule non pas au sein de l’économie réelle mais à l’intérieur de l’économie financière.

On comprend donc que: 

  • soit la monnaie circule au sein de l’économie, auquel cas, les pressions inflationnistes sur les biens à la consommation peuvent effectivement provenir d’un excès de dépenses
  • soit la monnaie circule au sein de l’économie financière et donc les pressions inflationnistes s’appliquent sur certains actifs financiers.

L'argent de l'économie réelle est l'argent que nous utilisons : les agents du secteur privé non financier.

Aujourd'hui, l'argent de l'économie réelle est principalement constitué de dépôts bancaires détenus par les citoyens et les entreprises.

Les vraies raisons de la Grande Inflation

Prenons un exemple pour comprendre: 

On peut imaginer une situation où je souhaite acheter une télévision à ma voisine, mais je ne possède pas encore l’argent car je n’ai pas été payé mais je recevrai de l’argent d’ici un mois.

Du coup, il est possible de représenter nos bilans comptables respectifs afin de bien comprendre que ce qu’une banque fait n’est pas une escroquerie. 

Pour rappel, en comptabilité, l’actif est toujours égal au passif. Si à l’actif, la télévision de Céline a une valeur de 100 dollars, son capital, qui apparaît au passif, a donc également une valeur de 100 dollars.

Maintenant, de mon côté, mon bilan est égal à zéro. Je demande donc à ce que Céline me fasse crédit. Désormais, la télévision est intégrée dans mon actif pour une valeur de 100 dollars et mon passif est constitué d’une dette d’un même montant envers Céline qui elle, voit son actif modifié et possède une créance envers moi.

Le problème, c’est que peu de personnes ont confiance en ma capacité de remboursement. Si je ne rembourse pas Céline, son titre de créance n’aura aucune valeur.

C’est précisément pour remédier à ce risque que la banque vient s'intercaler au milieu.

Elle va donc m’octroyer un prêt et donc je ne serai plus endetté envers Céline mais envers la banque.

De cette manière, Céline aura plus de facilité pour utiliser l’argent puisque, a priori, tout le monde accepte le billet d’une banque.

Une banque ne crée donc pas de monnaie de nul part à proprement parler. Cela va de soi car, si les banques pouvaient réellement créer de la monnaie, il leur suffirait de le faire dès qu’elles se trouvent en difficulté afin de ne pas faire faillite. Or une banque peut faire faillite.

Ce que font les banques, c’est créer leurs propres dettes représentées par les comptes bancaires au moment d’octroyer des crédits. L’exemple avec Céline et Mathieu est d’ailleurs parlant et plus que de la création monétaire, il s’agit de substituts monétaires visant à dynamiser les échanges entre les individus.

L'activité de prêt des banques dépend donc à la fois de la solvabilité des emprunteurs, de la rentabilité qu’une institution bancaire tirera d’un prêt ainsi que les contraintes réglementaires.

Les vraies raisons de l’inflation:

Il s’agit non pas tant de la politique monétaire mais de la politique fiscale.

Si le gouvernement dépense plus qu'il ne perçoit d’impôts, les dépenses au sein de l’économie grimpent en flèche. Or, plus cet excès de dépenses sera grand, plus l’offre de biens aura du mal à s’ajuster. Auquel cas, plus de dépenses avec une offre limitée engendre un ajustement par les prix, ici à la hausse = inflation ! 

Le phénomène a été exacerbé avec la pandémie mondiale qui vient couper les chaînes d’approvisionnement.

En fait, les dépenses publiques visant à distribuer des chèques aux citoyens est susceptible de stimuler l’économie et donc l’excès de dépenses.

Pour bien comprendre, imaginons que l’État souhaite dépenser 100 euros pour les redistribuer sous forme de chèques aux citoyens mais qu’il ne possède pas l’argent. En principe, on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on possède à moins de s’endetter.

Ici, l’État va émettre des obligations, pour un montant de 100 euros et c’est la banque qui va lui prêter l’argent tout en créditant en même temps les comptes bancaires des citoyens de 100€. 

Or, ici, il y a un problème !

Le bilan de la banque est bien équilibré, par contre, celui de l’État est en déséquilibre, il y a un montant au passif et pas à l’actif. Pourtant, j’ai expliqué qu’un bilan comptable est toujours, en tout temps et en tout lieu, à l’équilibre, c’est-à-dire que l’actif doit être égal au passif.

Un État peut avoir un bilan déséquilibré, c’est-à-dire une position patrimoniale négative.

Lorsque l’État créé du déficit public, il y a création de substituts monétaires sans contrepartie, ou du moins, une contrepartie implicite qui est la capacité théorique à lever de l’impôt.

Plus que la “planche à billets” des banques centrales, c’est l’excès de dépenses des États qui a contribué à l’envolée inflationniste, dans un environnement où la production internationale était quasi à l’arrêt.

C'est exactement ce que nous avons vu en 2020-2021 : des déficits budgétaires massifs et des prêts bancaires garantis par le gouvernement mettant l’économie en surchauffe.

Du coup, qu’en est-il concernant le Quantitative Easing ?

On l’a vu, au travers du Quantitative Easing, les banques centrales créent des réserves bancaires. Or, comme expliqué précédemment, ces réserves bancaires ne circulent pas au sein de l’économie : elles restent cantonnés au secteur financier, c’est-à-dire à l’intérieur de l’économie financière. Pour ce qui est de la monnaie fiduciaire et scripturale elles circulent au sein de l’économie réelle.

Pour comprendre, on peut reprendre l’exemple précédent où l’État dépensait plus que ces recettes afin de faire face à la pandémie de covid.

Jusqu’à maintenant, les bilans respectifs de l’État et de la banque restent inchangés. Désormais, une troisième entité vient s’interposer, il s’agit de la Banque Centrale Européenne. Celle-ci va procéder au rachat de l’obligation possédée par la banque commerciale.

Avec le Quantitative Easing, la Banque centrale modifie la composition de l'actif du bilan de la banque : elle lui enlève l’obligation de 100 euros et lui donne en échange des réserves qu’elle créée pour l’occasion en les inscrivant à son passif

Désormais, la banque a moins d'obligations et plus de réserves : il s’agit d’un swap d’actif

Comme expliqué précédemment et au risque de me répéter, les banques ne prêtent pas les réserves créées par la Banque Centrale à l'économie réelle

Les Banques centrales peuvent-elles créer de la monnaie? 

Une dernière question en suspens réside dans la création de pièces et de billets qui eux circulent effectivement au sein de l’économie et sont créés par la Banque Centrale.

Du coup, on pourrait penser que si les individus se rendent aux guichets automatiques pour retirer de l'argent les banques vont convertir les réserves en espèces permettant aux réserves d’atteindre l'économie réelle !

Et bien … non.

Comme expliqué précédemment, lorsqu'une personne effectue un retrait à un guichet automatique, il s'agit simplement de convertir de l’argent électronique au sein de ses comptes contre de la monnaie scripturale.

Or, la monnaie électronique est créée par la banque commerciale au moment de concéder des crédits. Il y a simplement un échange d’actifs : aucune nouvelle monnaie n’est créée.

Les réserves n'entrent PAS dans l'économie réelle.

En bref, le Quantitative Easing n'imprime jamais de monnaie de l'économie réelle, quel que soit le destinataire, la Banque Centrale peut créer autant de réserves à l’intérieur du système bancaire sans que cela n'affecte particulièrement la volonté des banques de prêter.

L'assouplissement quantitatif vise en réalité à assouplir les conditions financières en faisant baisser les taux d’intérêt et en poussant à la concession de crédits.

Les ménages ne souhaitent pas nécessairement s’endetter et les banques ne souhaitent pas leur prêter car elles risqueraient d’avoir des difficultées financières en prêtant à des personnes peu solvables. On se rend rapidement compte des limites du Quantitativ Easing et des raisons pour lesquelles son efficacité est discutée. 

Concrètement, qu'est-ce qui a changé à partir de 2020 et la venue du covid ? 

Les gouvernements se sont mis à dépenser comme jamais en distribuant de l’argent à tout va. A cela s’ajoute les tensions sur le marché de l’énergie.

Le résultat de l’étude indique qu'environ les deux tiers de l'inflation subie par les États-Unis sur la période 2020-2021 sont attribuables au choc de demande. 

En revanche, le cas de la zone euro est différent, dans la mesure où les auteurs estiment que seule la moitié de l’inflation observée en 2020-2021 est attribuable au choc de demande agrégée. 

En bref, ce sont les excès de politiques keynésiennes aux États-Unis pendant la crise du covid qui ont provoqué la plus grande poussée inflationniste des 40 dernières années.

Évidemment, les chocs d'offre ont aggravé ce phénomène mais l'origine et l'essentiel du phénomène s'expliquent par des stimulations étatiques excessives.

Le cas européen étant plus complexe et s’expliquant par une multitude de phénomènes ayant trait à la fois aux stimulations fiscales, au choc d’offre, au choc énergétique ou encore à la dévaluation du taux de change.